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Lautréamont

Publié le 07/04/2012

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Cette force de désintégration qu'il exerce à l'égard de la personnalité héroïque, le texte ducassien la tourne également contre l'idée que le lecteur se fait de lui-même et de son rapport avec l'écrivain. Au contrat classique, qui invoque entre l'écrivain et le lecteur une connivence fondée sur une raison partagée, se substitue, dans le discours des Chants, un effort de mainmise sur les facultés mentales du lecteur. L'écriture de Ducasse s'affirme comme dotée à l'égard du lecteur d'un pouvoir narcotique : « Les émanations mortelles...

« Significativement, ce sont les excès de la parole ducassienne, ce «climat tropical» que, selon André Breton, elle inflige à la sensibilité, qui frappèrent les commentateurs et orientèrent leur zèle dans des directions disparates.

On put ainsi tour à tour démontrer le matérialisme athée de Lautréamont et découvrir en lui «l'un des plus étonnants et des plus authentiques chercheurs de Dieu» (R.H.

Linder).

Aidé de la psychanalyse, Gaston Bachelard transférait la violence maldororienne sur un autre plan : drame de la culture, certes, mais dérivé d'un ressentiment d'adolescent, le refus de l'autorité paternelle autant que professorale.

Pour André Breton, c'est le mal que Lautréamont entreprend de fortifier dans sa raison d'être, en faisant prévaloir les «désirs prohibés», «l'activité sexuelle primitive», les impulsions sadiques.

Enfin, mettant à contribution l'histoire, il est tentant de voir dans ces textes révolutionnaires l'aboutissement d'un certain romantisme.

débouchant sur un appel à la lutte : «miroir ultime d'une réalité détestable», doublé de «l'annonce d'une réalité humaine dont il nous appartient de faire notre réalité» (Jean Marcenac, Nouvelle Critique, avril 1964).

Ici, les Poésies seraient le «versant lumineux» de l'œuvre ducassienne, ayant enfin pour but la« vérité pratique» et choisissant de «retrouver les hommes dans l'histoire».

En insistant plus spécialement sur la dernière de ces lectures, on voudrait, tout en contestant tel recours à un sens historique un peu sommaire, donner acte au postulat qui fonde la critique marxiste, à savoir qu'il n'y a pas de pratique scripturale qui puisse être appréhendée sans tenir compte de l'inscription du sujet dans une situation sociale et historique déterminée.

Proposition qui, confrontée à une œuvre telle que celle qui nous occupe, soulève les plus graves difficultés :que faire, par exemple, de cette séduisante affirmation de Lukàcs : l'écrivain «fait exprimer ce qui est muet et qui lutte dans le silence»? Oue faire, si l'on n'entreprend de redéfinir le lieu des luttes, de situer de façon pertinente les territoires archéologiques où se croisent le littéraire et le social ? La seule question qui soit de première urgence, n'a trait ni à l'origine, ni_ à l'éducation, ni à la psychologie d'Isidore Ducasse, ni même au sentiment qu'il pouvait avoir de la «réalité humaine» à son époque, mais à la manière spéciale dont ce jeune homme, qui avant tout se voulait poète, et même le poète de « la fin du dix-neuvième siècle», entreprit. »

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