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Lettre de Boileau à son frère Gilles qui, après avoir pris parti pour les victimes de Despréaux, lui a conseillé d'abandonner la satire.

Publié le 13/02/2012

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boileau

Mon cher Frère,

Vos attaques continuelles m'affligent sans me décourager; et si je prends aujourd'hui la plume, ce n'est point envaincu, prêt à toutes les soumissions, mais en homme résolu à se défendre jusqu'au bout. 

Vous allez, clamant par le Palais et jusqu'au sein de l'Académie, que je suis bien osé de faire claquer le fouet de la satire, et surtout de le brandir sur la tête de vos amis. Je vais répondre à l'un et à l'autre reproches. Mais auparavant, pemettez-moi de déplorer les procédés dont vous usez à l'égard de votre cadet et le triste spectacle que vous donnez au public d'une famille divisée. Certaines feuilles malignes en ont pris occasion pour vous habiller de belle façon....

boileau

« convenir! - plus souvent encore, voqs ne l'ignorez pas, on vous nomme Boileau le Satirique.

Ne suis-je pas en droit de suivre les exemples de mon aîné, ou, s'il m'en veut détourner, de lui répéter : «Médecin, guéris-toi toi­ même! » Cessez de flageller de vos cinglantes épigrammes les Costar et les Ménage, je verrai alors si.

je dois cesser de siffler les Cotin et les Chapelain ...

Inutile requête! Vous le sentez, comme je le sens~ le don de la raillerie nous a été départi à notre berceau, et il serait aussi vain de défendre à notre sang de circuler dans nos veines que d'interdire à notre encre de couler pour la cause de la vérité, de la raison, du bon goût! La Vérit~, la Raison, le bon Goût! Voilà, en effet, mes maîtres, mes amis, mes seuls protecteurs.

Ce sont eux qui m'inspirent, c'est pour eux que je combats et mon plus doux salaire est la conscience de les avoir vengés~ Je ne sais ni ramper ni feindre, je vais droit au but, écartant de mon chemin tout esprit de coterie.

Je n'avais aucun grief personnel contre ceux qui régis­ saient sans mandat le Parnasse, lorsque je cmmençai à dénoncer ces usur­ pateurs; j'ai simplement refusé de brûler devant ces idoles un encens sacri­ lège.

Lorsque j'ai pourfendu ces faux dieux, je les ai attaqués de face, ne me servant jamais que de l'épée loyale du bon sens.

Dans cette lutte je me suis d'abord trouvé seul, ou à peu près.

Il n'est point derrière moi, pour m'exciter et m'encourager, de prince brandissant d'une main le bâton destiné à mes ennemis et de l'autre la bourse pleine d'écus, récompense de mes vers.

Les œuvres qui nécessitent un tel appui risquent de périr avec leur auteur ...

ou avec leur défenseur.

Au contraire, la vraie critique, celle qui se fonde non sur l'homme changeant et éphémère, mais sur les immuables et éternels principes, vaut pour tous les siècles.

Et c'est pourquoi Cotin, j'en ai la ferme conviction, sera sifflé, inon frère, chez nos arrière-neveux.

Cotin! Chapelain! Sont-ce donc là vos amitiés littéraires? Permettez-moi alors de parodier un vers des Horaces et de vous dire : Faites-vous des amis que je puisse louer! Cet abbé de Cour, ce distributeur des munificences royales sont peut-être d'honnêtes gens, des savants, d'agréables compagnons, mais comment oser proclamer poètes ces deux plats rimeurs 1 Doucereux et rade, le premier pousse la vertu et la condescendance jusqu'à ne point siffler Molière, et traite de farceur le premier de nos comédiens.

Faut-il donc laisser s'accré­ diter de pareils jugements? Et ne pourrai-je aussi crier à cet apôtre mon­ dain que saint Paul, en descendant de la chaire de vérité, ne s'en allait point célébrer en vers galants les charmes des Iris et des Philis de ce temps-là? Qu'il connaisse, avec le latin et le grec, l'hébreu et le syriaque, qu'il soit le prédicateur à la mode, et que pour l'en récompenser on le fasse Immortel, j'y consens.

Mais que l'on m'oblige à lui décerner le titre de poète, et même d'orateur; nul au ciel et sur terre ne m'y saurait contraindre.

On naît poète; il est né rimailleur.

On devient orateur; il est devenu phraseur.

Telle est mon opinion; je n'en démordrai point, mon frère.

Quant à Monsieur Chapelain je conçois que vous usiez d'égards envers lui.

Sa considération n'est pas chose à dédaig'ner et son influence, avouez-le, vous a maintes fois servi à la Cour et à l'Académie.

C'est, je le reconnais sans peine, un homme doux et bienveillant, au jugement droit, mais je le. »

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