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Lettre de Marguerite de Valois à François Ier en faveur de Clément Marot

Publié le 09/02/2012

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valois

Cette missive vous parviendra sur le chemin du retour. Elle vous apportera, avec l'expression réitérée de ma joie, une bouffée de cet air de Paris, après lequel, depuis tant de mois, vous soupirez. Elle vous donnera aussi des nouvelles d'un de vos compagnons d'infortune qui souhaiterait d'assister à votre entrée triomphale, mais qui, moins heureux que vous, est, à cette heure encore, privé de son entière liberté....

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« circulant en ville, faisant bombance avec de gais compagnons, à l'hostellerie de l'Aigle.

Néanmoins, vous le croirez sans peine, cet exil lui pèse.

Pour qui vécut en votre cour et voit sur le point de renaître des plaisirs chaque jour renouvelés, les lieués qui séparent Chartres de Paris, semblent un obstacle insurmontable, interposé entre la coupe et les lèvres.

Dès que Marot apprit mon retour d'Espagne et votre prochaine libération, il m'écrivit, me suppliant d'abréger ce bannissement, si bénin qu'il soit, et m'assurant que loin de sa Dame et de son ll,oi, il mourrait d'ennui.

De tout cœur j'entreprends cette démarche, sachant en quelle estime vous tenez cet aimable fol, le peu de sérieux de l'accusation portée contre lui, et l'honneur qui vous reviendra de l'avoir, une fois de plus, protégé et encouragé.

Maître Clément, pour n'être pas un exemplaire de toutes les vertus chré­ tiennes, est cependant digne de votre estime et de vos faveurs.

Outre que son père se montra toujours votre domestique très dévoué, lui-même a été pour vous un bon, un loyal serviteur, voire un soldat courageux.

Que si vous le considérez par rapport à moi, il mérite d'autant votre indulgence.

Depuis qu'il appartient à ma maison, il en a pleinement épousé les intérêts, partant en campagne avec le Duc son maître, et professant pour ma personne le plus respectueux attachement.

D'autre part, croyez-vous que cet ami de la gaie science, cet étourdi impé­ nitent, cet inconstant qui tourne au vent de ses caprices, ait donné à fond dans la doctrine nouvelle? Je le crois, moi, tout à fait incapable de ·fixer son esprit volage sur d'aussi graves questions.

Qu'importe à ce disciple d'Epicure, qui ne songe guère qu'à boire, à manger, à se divertir en joyeuse compagnie, la prédestination ou les sens douteux de l'Ecriture? On m'a dit que sa langue, qu'il a peine à retenir, lui a joué ce vilain tour.

Une sienne voisine, furieuse d'une épigramme qu'il lui avait décochée, l'accusa « d'avoir mangé viande en carême et tenu propos hétérodoxes ».

N'avez-vous point éprouvé vous-même, en certaines rencontres, cette fran­ chise excessive qui le pousse à dire ce qu'il devrait taire, à critiquer libre­ ment ce qui le choque, ou, tout bonnement, à plaisanter sur un sujet sca­ breux pour le seul plaisir de lâcher un bon mot? Et qu'avez-vous fait, que d'en rire? Y a-t-il là, vraiment, de quoi enfermer un homme? En regard de cette accusation, portée par une femme irritée, considérez, mon cher frère, les vers charmants qui firent vos délices : la supplique spi­ rituelle par laquelle il me demandait à entrer à mon service et dont toute la France a répété la ritournelle : Il n'est que d'être bien couché; le Temple de Cupido, à vous dédié, où nous nous promenâmes ensemble en nos années heureuses; ces chroniques en vers qu'il nous envoyait, alors qu'il vivait aux armées avec le duc d'Alençon, et où se jouait la fantaisie la plus débridée; tant de quatrains, de ballades, de rondeaux d'étrennes, d'épigrammes auxquels il vous fut impossible de ne point accorder un sourire, tous ces riens charmants qui poétisent la vie, et sans lesquels nous sombrerions dans un morne ennui ...

Et ce talent, que vous avez connu si vigoureux déjà, n'a cessé de mûrir.

Cette muse, ·aujourd'hui prisonnière, gagne d'année· en année en gentillesse, en grâce; ces riens, si prestement rimés, deviennent de plus en plus par­ faits.

Tenez, j'ai sous les yeux l'épître à Lyon Jamet.

Je suis sûre que les siècles à venir verront dans cet aimable badinage un pur chef-d'œuvre.

Impossible de mettre plus d'esprit, plus d'émotion contenue dans une telle requête.

Au reste, je la joins à ma lettre, vous pourrez, tout en chevauchant sur les routes de France, en juger par vous-même.

Croyez-m'en, mon cher frère et Seigneur, si quelque crainte non justifiée, si quelque conseiller trop prudent vous détournait de rendre à cet excellent poète une complète liberté et votre entière faveur, vous manqueriez d'accom­ plir une bonne action.

Il faut à son talent un milieu propice pour s'épanouir; il lui faut la Cour, ce centre du bon goût, de l'exqtûse politesse.

S'il s'en voit. »

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