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Liberté, égalité, fraternité :y a t il un lien nécessaire entre ces trois exigences ?

Publié le 25/11/2005

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B. Naissance de la raison et sortie de l'état de nature ■ Mais l'homme, s'il est « un loup pour l'homme » (Léviathan), est un loup intelligent. L'angoisse de la mort pousse les hommes à anticiper, à tout faire pour réduire le danger. Elle est donc la racine de la raison : faculté de calculer, d'imaginer des moyens, de peser les risques, en vue d'une décision. ■ Cette rationalité pragmatique conduit l'homme à quitter l'insupportable état de guerre. D'évidence, la cause en est le droit illimité de chacun. Il faut donc y renoncer. Mais cela n'est efficace que si tout le monde le fait. Chacun s'engage donc par contrat avec chacun à renoncer à son droit naturel. Pour garantir ce contrat (par la menace de la force), on désigne un tiers, le souverain, à qui l'exercice du droit est confié.

Liberté, égalité et fraternité sont des valeurs indissociables. La liberté est la condition de l'égalité et il n'y a de liberté que dans et par le respect mutuel. Mais, n'y a-t-il pas une contradiction interne à chacune de ces valeurs ? L'égalité de tous n'est-elle pas antagonique avec la liberté de chacun ? De même, la liberté sans frein ne conduit-elle pas à la guerre et à l'irrespect d'autrui ?

« [En voulant imposer l'égalité, on crée une autre formed'injustice et on est conduit à persécuter tous ceux qui ne pensent pas comme la majorité.

La liberté absoluene conduit pas à la fraternité mais à la guerre.] L'égalité s'oppose à la liberté[1.

L'égalisation des individus bride les énergies]Calliclès le soutient avec force contre Socrate dans le Gorgias : « La loi est faite par les faibles et par le plusgrand nombre.

C'est donc par rapport à eux-mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu'ils font la loi.

» Afinde se protéger des plus puissants par nature, « les faibles » inventent un redoutable stratagème : faire passerleurs valeurs pour des valeurs absolues.

Égaliser les conditions signifie en ce cas brider les énergies des plusfougueux : « Ils racontent que toute supériorité est laide et injuste, et que l'injustice consiste essentiellementà vouloir s'élever au-dessus des autres : quant à eux, il leur suffit [...] d'être au niveau des autres, sans lesvaloir ».

Donner raison et pouvoir à celui qui vaut le moins par rapport à celui qui vaut le plus revient, pourCalliclès, à nier totalement la liberté. [2.

L'égalitarisme uniformise les individus]La forme pervertie de l'égalité des droits, c'est-à-dire l'égalitarisme, induit ainsi une uniformisation desindividus.

Chacun devient interchangeable et finit par s'assoupir, perdant tout sens du devoir et de l'initiativequi pourrait l'élever au-dessus du rang commun.

C'est l'usage de la liberté lui-même qui est mis en péril.

Alexisde Tocqueville dénonce une telle mollesse sous la forme du « despotisme démocratique » : « Je vois une fouleinnombrable d'hommes semblables et égaux [...] chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à ladestinée de tous les autres [...] les esprits les plus originaux et les plus vigoureux ne sauraient se faire joursans dépasser la foule » (De la démocratie en Amérique).

L'égalitarisme pouvait procéder, à l'origine, d'uneintention louable.

Mais il finit par dégénérer en laisser-aller et en démission de la raison : on délègue à autruijusqu'à sa liberté, dès l'instant que l'on conserve ses petits privilèges et son patrimoine. La tendance des démocraties au despotisme chez TOCQUEVILLELa « tyrannie de la majorité » (Tome I, 11, 7 et 8) : la majorité est censée incarner la volonté du peuple etpeut donc légitimement imposer ses décisions à la minorité.

Elle risque d'abuser de son pouvoir, en opprimantla minorité.

Dans une société égalitaire, l'opinion publique toute-puissante exerce un « empire moral » sur leshommes : par peur de ne pas ressembler aux autres et convaincus que il y a beaucoup plus de sagesse dansbeaucoup d'hommes que dans un seul », ils se rallient à la pensée dominante.Le despotisme tutélaire : l'égalisation des conditions engendre l'atomisation du corps social et l'individualisme.Les citoyens désertent l'espace public et ne se soucient que de leur bien-être.

Ils abandonnent l'exercice deleur libre-arbitre, en confiant à un pouvoir unique et central le soin d'administrer leur vie, de réglementer leurpensée et leur action pour garantir leur bonheur et leur sécurité.

Considérablement étendu et renforcé, l'Étatexerce une tutelle absolue sur des citoyens complices. [3.

Égalitarisme et totalitarisme]L'égalitarisme est ainsi une des conditions du totalitarisme qui procède, comme l'explique Claude Lefort, de « ladénégation de la différence » (L'Invention démocratique).

Le projet de maîtrise et d'uniformisation du systèmetotalitaire récuse l'hétérogénéité sociale et craint par-dessus tout les débordements.

Les modes de vie, lespensées, les croyances...

doivent se couler dans le moule qu'il a forgé pour se pérenniser.

À trop valoriserl'égalité, on finit par nier toute forme de liberté.Peut-on en ce cas concilier l'égalité des droits des citoyens et la préservation des différences des individus ? La liberté s'oppose à la fraternitéComme l'a suggéré Hobbes, dans l'état de nature, qui est un état de liberté absolue, les hommes s'entretuentplutôt qu'ils ne se considèrent spontanément comme des frères.. »

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