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La loi du plus fort est-elle la justice naturelle ?

Publié le 05/03/2004

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justice
Le mot de La Fontaine : « La raison du plus fort est toujours la meilleure » qui exprime la sagesse amère des nations est ironique. Il joue à la fois sur la distinction théorique des notions : avoir raison, être le plus fort et sur l'impuissance pratique du plus faible à faire valoir son droit légitime. La distinction théorique des deux domaines demeure en tout cas. Pascal disait : « Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. » Rousseau insiste avant tout sur la distinction fondamentale de la nature et de la moralité. Notez les couples de termes opposés qu'il emploie pour faire valoir cette distinction force = puissance physique droit = moralité. Obéir à la force est acte de nécessité, obéir à la justice est acte de volonté. C'est un devoir d'obéir a la justice, c'est une maxime de simple prudence de se soumettre à la force. Dans ces redondances du langage, dans cette reprise de la même dualité sous des termes divers, vous reconnaîtrez le style oratoire de J.J.
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« [L'idée d'une justice naturelle est absurde.

Ce n'est pas la nature, mais la raison qui institue le droit, précisément pour corriger la nature.] La force n'est pas loi - Le «droit du plus fort» n'est qu'un "Galimatias" absurde Mais toute notre conscience s'insurge contre cette identité du droit et de la force! Rousseau, critiquant le droit duplus fort, a signalé avec éclat que la force triomphante invoque toujours le droit et la valeur, qu'elle se réfère à cequi doit être, et non point à ce qui est.

Les exemples historiques ne manquent point, qui nous montrent la puissancebrutale se justifiant et se légitimant, tentant de dissimuler sa violence pure et nue sous le manteau de la morale,invoquant les droits fondamentaux de l'homme là où nous ne distinguons que lutte, violence et contrainte.Ainsi, le plus fort parle-t-il toujours de son droit! "Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il netransforme sa force en droit et l'obéissance en devoir.

De là le droit du plusfort ; droit pris ironiquement en apparence, et réellement établi en principe :mais ne nous expliquera-t-on jamais ce mot ? La force est une puissancephysique ; je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets.

Céder àla force est un acte de nécessité, non de volonté ; c'est tout au plus un actede prudence.

En quel sens pourra-ce être un devoir ? Supposons un momentce prétendu droit.

Je dis qu'il n'en résulte qu'un galimatias inexplicable.

Carsitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effet change avec la cause ; touteforce qui surmonte la première succède à son droit.

Sitôt qu'on peut désobéirimpunément on le peut légitimement, et puisque le plus fort a toujours raison,il ne s'agit que de faire en sorte qu'on soit le plus fort.Or qu'est-ce qu'un droit qui périt quand la force cesse ? S'il faut obéir parforce on n'a pas besoin d'obéir par devoir, et si l'on n'est plus forcé d'obéir onn'y est plus obligé.

On voit donc que ce mot de droit n'ajoute rien à la force ;il ne signifie ici rien du tout.

Obéissez aux puissances.

Si cela veut dire, cédezà la force, le précepte est bon, mais superflu, je réponds qu'il ne sera jamaisviolé.

Toute puissance vient de Dieu, je l'avoue ; mais toute maladie en vientaussi.

Est-ce à dire qu'il soit défendu d'appeler le médecin ? Qu'un brigand mesurprenne au coin d'un bois, non seulement il faut par force donner la bourse,mais quand je pourrais la soustraire suis-je en conscience obligé de la donner? car enfin le pistolet qu'il tient est aussi une puissance.

Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu'on n'est obligé d'obéir qu'aux puissances légitimes.

Ainsi ma question primitive revienttoujours." ROUSSEAU A quelles conditions le pouvoir politique est-il un pouvoir légitime ? Tel est le problème posé par Rousseau dans leContrat social.

Il convient donc, pour laisser le champ libre à cette réflexion sur les conditions de la légitimité dupouvoir, d'écarter préalablement la thèse qui réduit le droit à la force, qui pose que les jugements de valeur sontvains et qu'il n'y a dans la société des hommes que des rapports de force.

Calliclès soutenait cette thèse dansl'Antiquité, s'opposant à l'idéalisme de Socrate.

Mais la réduction du droit à la force se trouve aussi chez lesthéoriciens du pouvoir politique, notamment chez Thomas Hobbes (1588-1679) auquel Rousseau, pense peut-êtredans sa discussion.

Hobbes distingue à vrai dire deux moments dans l'histoire de l'humanité, l'état de nature et l'étatpolitique.

Mais dans les deux cas le droit se ramène à la force pure et simple.

Dans l'état de nature le droit dechaque individu est mesuré par sa puissance : Tout ce qui est possible est permis ! Dans ces conditions l'homme estun loup pour l'homme et nul n'échappe à l'insécurité et à l'angoisse : d'où l'institution de l'état politique; chacunabdique ses droits absolus entre les mains d'un souverain qui, héritant des droits de tous, possède la puissanceabsolue.

Mais aucune exigence morale n'intervient ici.

Seule la peur des individus les a poussés à renoncer à leurpouvoir.

Le souverain, maître absolu désormais, a recueilli tous les pouvoirs, il ne connaît que son bon plaisir, saforce est la seule mesure de son droit.

Si un sujet tente de ravir le droit absolu du souverain il commet le crime delèse-majesté.

Mais s'il réussit à s'emparer du pouvoir c'est lui qui devient maîtreabsolu.On pourrait éclairer la thèse de Hobbes par l'extraordinaire dialogue du général Malet (qui pendant la campagne deRussie tenta de ravir le pouvoir à Napoléon) et de ses juges.

Le procureur lui demande : « Quels sont vos complices?» Le général répond : « Vous, si j'avais réussi.

»Rousseau va s'efforcer dans notre texte de réfuter cette philosophie immoraliste. Explication et commentaire. »

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