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La Madeleine De Proust...

Publié le 29/07/2010

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proust

 

Marcel Proust publie en 1913 le premier tome de A la recherche du temps perdu sous le titre de Du côté de chez Swan. Il y présente les souvenirs d'enfance d'un narrateur nommé Marcel et qui a une vie similaire à la sienne. Néanmoins, il ne considère pas son œuvre comme une autobiographie, d'où son classement probable parmi les autofictions. Dans l'extrait que nous allons étudier, le petit Marcel qui est à Combray, le village de son enfance, se remémore une foule de souvenirs par le biais du goût d'une madeleine. Tous les souvenirs remontent alors à son esprit. Nous verrons tout d'abord le rôle des différents sens dans l'élaboration de la mémoire et de ces souvenirs qui envahissent le narrateur. Puis le pouvoir conféré à la mémoire tout au long de l'extrait. Dès le début, un sens est suggéré: celui de la vue avec le participe passé «apparu«,le lecteur a alors l'impression que le souvenir se crée, comme une image, devant les yeux de Marcel. Dès la phrase suivante, un autre sens entre en jeu: le goût. Son rôle est primordial puisqu'il permet le retour de tous les souvenirs. Du fait que le goût de la madeleine trempée dans le tilleul est exactement le même que celui offert par la tante du narrateur dans sa jeunesse. D'ailleurs, l'importance du goût lui est conférée par le narrateur même. Ainsi, il précise lui même que la «vue« de la madeleine, n'avait pas permis le retour des souvenirs mais que c'est bien le goût qui a eu cet effet. Il explique ce phénomène par le fait que la vue des madeleines est une action fréquente. Toute sa vie, il a vu de ces pâtisseries et a fini par les détacher de sa ville natale. Tandis que le goût à l'inverse, est pareil à l'«odeur«, il persiste dans la mémoire et permet le retour de tous les souvenirs qui étaient enfouis. Ainsi il énonce: «l'odeur et la saveur restent encore longtemps, à se rappeler, à porter l'édifice immense du souvenir«. Néanmoins, dans la second paragraphe, il apparaît que le goût n'est que la base du souvenir, il permet le retour d'un souvenir mais vague. Par la suite, le narrateur semble redonner une importance à la vue avec la notion de «décor« et le verbe revoir. Marcel se souvient et revoit son enfance. Tous ses souvenirs font directement écho à des sens différents. Ainsi, indirectement, on perçoit l'importance de l'ouïe avec la référence aux rues et à la ville mais aussi de l'odorat avec l'ensemble des fleurs citées et le jardin. De toute évidence les sens sont représentés à outrance dans cet extrait de Du côté de chez Swan. Le goût et l'odorat permettent le retour d'un souvenir flou mais c'est la vue et l'ouïe qui viennent préciser, ce souvenir, replanter le décor de l'enfance de Marcel. Tout réapparaît sous deux mondes: le jardin marqué par une présence de l'odorat et la ville marqué par une présence de l'ouïe. Mais les sens sont là au service de la mémoire. Quel est donc ce pouvoir conféré à la mémoire tout au long de l'extrait? La mémoire dans l'extrait est présenté comme sauvegardant les souvenirs qui restent abandonnés pendant des années. Tous les sens sont au service de la mémoire qui capte des odeurs, des décors, des bruits et les retransmet. Le narrateur souligne que les souvenirs se désagrègent au fil du temps. Néanmoins, si la forme ne reste pas et ne permet pas d'atteindre la «conscience«, les sens et les impressions ressenties restent et ressurgissent à la première occasion. C'est en particulier dans le deuxième paragraphe que le narrateur souligne le pouvoir extraordinaire de la mémoire. D'ailleurs, la réaction du narrateur est immédiate comme le montre la formulation «Et dès que j'eus reconnu le goût«. Mais, le narrateur montre aussi les difficultés rencontrées par la mémoire, notamment sa lenteur. Il précise que si le souvenir revient immédiatement à sa mémoire, il lui faudra bien plus de temps pour expliquer ce qu'il ressentait en se remémorant son enfance. La mémoire semble tenir son pouvoir du foisonnement d'images qu'elle soulève. Ainsi, une énumération de lieux vient à son esprit comme dans un «théâtre« tel que le souligne le narrateur. Il est impressionnant de remarquer qu'une fois activée la mémoire pousse les souvenirs jusque dans les moindres détails. L'énumération continue et ce qui était une simple madeleine permet au narrateur de se remémorer différents environnements: ville, jardin, chemins... Le texte met en avant l'extraordinaire pouvoir de la mémoire par cette comparaison à un jeu japonais. Comparaison qui aurait pu être faite avec les poupées russes. En effet, les événements s'emboîtent et reviennent à la mémoire en s'imbriquant les uns dans les autres. La mémoire semble dégager différents événements, «bouts de papiers« qui se colorent et ne prennent vie que au fil et à mesure du processus de re-mémorisation. Tout ce qui sort de sa tasse de thé prend forme et devient personnes, décors, fleurs... Le pouvoir de la mémoire est réellement extraordinaire chez Marcel Proust. Elle peut être incomplète et défectueuse, se détacher de forme, perdre des souvenirs et même compliquer le travail de l'autobiographe; mais peut aussi avec l'aide des sens permettre un retour de souvenirs d'enfances dans toute leur complexité et leur intégralité. Marcel Proust semble s'interroger aussi tout au long du texte sur le fonctionnement de cette mémoire, comme par étape, d'où l'exemple de ce jeu japonais. Des décors provoquent le souvenir de personnages, d'événements, de goûts et d'odeurs. Tout revient et se colore en même temps. Finalement, il présente aussi cette mémoire comme capricieuse étant donné qu'elle peut enfouir des souvenirs mais tout aussi bien les faire revivre avec une simple tasse de thé et une madeleine, devenue des plus célèbres... Pour conclure l'étude de ce passage de Du côté de chez Swan, on peut souligner l'importance accordée aux différents sens qui confèrent à la mémoire son pouvoir extraordinaire. Il est intéressant pour un autobiographe de travailler sur la mémoire car elle est à la fois son outil de travail et son frein. En effet , la mémoire peut effacer des souvenirs et différentes «formes« comme le souligne le narrateur tout au long du texte. Néanmoins, lorsque un événement ou un objet, dans le cas présent une madeleine, vient rappeler un événement parallèle passé, tout ressurgit et se colore au fur et à mesure du processus de «re-mémorisation«. Ce passage de Proust est devenu célèbre du fait de cette analyse littéraire de la mémoire, outil de base de l'autobiographie. « La madeleine « par le biais de ces énumérations, de cette comparaison et de l'importance des différents sens est la base des souvenirs du narrateur. Finalement c'est un hasard, une tasse de thé et une pâtisserie qui permettent le retour du passé...

 

 

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