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MATHURIN RÉGNIER

Publié le 07/03/2011

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   Notice biographique. — Autant l'existence d'Agrippa d'Aubigné fut fiévreuse et remplie de tragiques aventures, autant celle de son contemporain Régnier nous apparaît tranquille et vide. Né le 21 décembre 1573, Mathurin était fils d'un échevin de Chartres et de Simone Desportes, sœur du poète connu. De bonne heure, ses parents le destinèrent à l'état ecclésiastique, et il fut tonsuré le 31 mars 1582. Ce fut une faute que de forcer ainsi sa vocation. Le jeune Régnier n'avait aucune des qualités qu'on aime à louer chez un homme d'Église. Il était railleur, médisant, satirique, et il fallait que son père « le menaçât des verges « pour l'empêcher de chansonner les voisins.

« Cet aperçu rapide nous prouve qu'il y a beaucoup de variété dans les Satires.

Peut-être trouvera-t-on que lesthèmes n'en sont guère neufs ; et il est certain que l'auteur emprunta largement aux anciens, aux conteurs dumoyen âge et aux satiriques d'Italie.

Il nous reste à dire comment il fut original en imitant. Le satirique et le poète.

— La satire est d'ordinaire un discours violent contre les hommes vicieux ou une leçon àl'adresse des lecteurs.

Pour ne parler que des Romains, on connaît l'âpreté de Lucilius, qui attaquait résolument sesennemis, et l'enjouement spirituel d'Horace qui moralisait avec une bonhomie charmante.

Régnier fit de la satire unautre usage que ses maîtres.

Il n'a point de haines vigoureuses et il s'abstient des personnalités brutales.

« Tout lemonde s'y voit, et ne s'y sent nommer », dit-il lui-même de ses vers.

Cinquante ans plus tard, Boileau sera moinsdiscret, et il clouera au pilori avec un écriteau sur la poitrine les Chapelain, les Cotin, les Pradon.

Régnier s'interditces audaces et préfère « sucrer sa moutarde ».

Il sabstient également de moraliser outre mesure et ne semble pointtrès convaincu que ce soit le devoir d'un satirique.

La morale, d'ailleurs, est assez indifférente à ce nonchalant etgai compère qui donnerait toutes les vertus imaginables pour « un simple bénéfice » et pour le plaisir sans pareil-de« dormir la grasse matinée ».

S'il écrit des satires, c'est qu'il a l'humeur moqueuse et que portraiturer des ridiculesest son amusement favori. Observateur malicieux, il s'offre le spectacle de la comédie humaine.

Un pédant crasseux ou un courtisan musquévient-il à passer devant la taverne où Régnier boit avec Sigogne, l'œil pénétrant du satirique saisit les moindresparticularités du personnage.

Puis le poète dessine son homme et reproduit le costume, les gestes, la physionomieavec un singulier relief et un coloris éclatant.

Les peintures énergiques, chaudes et précises abondent dans sonœuvre.

Il a le don du pittoresque.

Voyez sa cauteleuse et pateline Macette cachant sous des apparencesrespectables la plus noire perversité.

Voyez son cuistre à «la mine rogue», aux «cheveux gras et longs », aux«sourcils touffus».

Voyez surtout ces « morgants » qui « brident leur moustache » et ce « jeune frisé » d'importundont il décrit si bien le manège qu'il nous semble le voir Sa barbe pinçoter ; cajoler la science! ; Relever ses cheveux ; dire « En ma conscience ! » Faire la belle main ; mordre un bout de ses gants ; Rire hors de propos ; montrer ses belles dents ; Se carrer sur un pied ; faire arser son épée, SI adoucir les yeux ainsi qu'une poupée. Le Paris du règne d'Henri IV, l'engeance des rimailleurs, la race des courtisans, le monde des bouges, revivent d'unefaçon saisissante dans l'œuvre d'un poète qui connaissait aussi bien la place Maubert que le Louvre.

Avant Molière,qui lui devra des idées de scènes et des traits de caractère, Régnier est un « contemplateur » de génie. Pour ces peintures aux couleurs vives, il avait besoin d'un style spécial et personnel.

Il se composa lui-même uneriche palette.

Exempt des scrupules de la Pléiade, il adopta indistinctement les mots nobles ou roturiers, ceux desraffinés de la cour ou des crocheteurs du Port au foin.

Partout chez lui on rencontre des expressions et desproverbes populaires.

Sa langue est saine, claire et forte.

Et il résulte de tout cela une verdeur et une franchise destyle qu'il faut se hâter d'admirer, car on ne les reverra plus.

Nous sommes persuadés que La Fontaine et Molièrefurent souvent jaloux de Régnier, tant son vocabulaire est original, tant ses Satires abondent en vers pleins etsonores, venus d'un jet. Hélas ! Il y a des défauts dans Régnier qui sont la rançon de ses qualités.

Il est naturel?,..

Oui, mais il est prolixe ; ilpiétine sur place trop souvent et alors sa période enchevêtrée languit.

Il est pittoresque et franc ?...

Mais il ne saitpoint s'arrêter et il sombre dans l'obscénité et le cynisme.

Il a un style éminemment savoureux ?...

Mais il franchitvite les bornes de la décence et il abuse des expressions scatologiques.

Tranchons le mot : c'est un Gaulois ; c'estl'héritier des auteurs de fabliaux ; c'est un écrivain de la même famille que les Marot, les Bonaventure des Périers,les Rabelais.

Il a leur verve, leur libre allure, leur puissante originalité.

Il partage leur manque de goût, leurincorrection, leur amour de l'ordure.

Il est, comme eux, « le régal des délicats » et « le charme de la canaille ».Malherbe l'avait bien compris, et ce fut le véritable motif de la querelle dont la satire IX fut un épisode.'L'espritgaulois lutta, ce jour-là, contre l'esprit classique, l'indiscipline contre l'ordre, le naturel contre l'art.

On sait lequeldes deux adversaires devait triompher au xvii6 siècle ; et l'on regrette vivement que Régnier, tout en conservantses qualités propres, n'ait point écouté les sages conseils du « regratteur de mots et de syllabes ».

Ce serait unpoète parfait !. »

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