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La matière chez Bergson

Publié le 18/03/2011

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bergson

   Les problèmes de la liberté, de la mémoire, des rapports de l'âme et du corps, conduisent tous à la question de la matière. Qu'est-ce que cette matière dont l'apparente nécessité s'op-qualitativement modifiée «, telle que l'étendue colorée et changeant de couleur, c'est une réalité immédiatement donnée, qui s'impose à l'intuition en dehors de toute convention humaine.    Apparence ? dit-on. Mais « toute apparence doit être réputée réalité tant qu'elle n'a pas été démontrée illusoire «. Cette démonstration, pour le cas actuel, n'a pas été faite, ou du moins celle qu'on a tentée n'est point décisive.    La matière nous est donc présentée immédiatement comme une réalité.    Mais il n'en est pas de même de tel ou tel corps particulier. La perception visuelle d'un corps particulier résulte d'un morcelage que nous faisons de l'étendue colorée. Le petit enfant, quand il ouvre les yeux sur le monde, perçoit sans doute une continuité, non des objets distincts. C'est peu à peu que des corps sont découpés par lui dans la continuité de la matière.

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« bien que ces images extérieures dessinent, sur la face qu'elles tournent vers mon corps, le parti que mon corpspourrait tirer d'elles.

En fait, la dimension, la forme, la couleur des objets extérieurs se modifient selon que moncorps s'en approche ou s'en éloigne ; la force des odeurs, l'intensité des sons se modifient avec la distance.

Ladistance représente la mesure dans laquelle les corps environnants sont assurés contre l'action immédiate de moncorps.

Les objets qui m'entourent s'échelonnent selon la plus ou moins grande facilité de mon corps à les toucher età les mouvoir.

« Ils renvoient à mon corps, comme ferait un miroir, son influence éventuelle : ils s'ordonnent selonles puissances croissantes ou décroissantes de mon corps.

Les objets qui entourent mon corps réfléchissent l'actionpossible de mon corps sur eux ». Supposons que je sectionne les nerfs centripètes d'un corps, le reste du corps et le reste de l'univers restant cequ'il est.

Ce sectionnement met seulement ce corps dans l'impossibilité de puiser, au milieu des choses quil'entourent, la qualité et la quantité de mouvement nécessaires pouf agir sur elles.

Pourtant c'est toute laperception de l'univers qui, pour ce corps, est anéantie.

C'est que la perception dessine dans l'ensemble des images,les actions possibles de mon corps.

— De là ces importantes définitions : « J'appelle matière l'ensemble des images,et perception de la matière ces mêmes images rapportées à l'action possible d'une certaine image déterminée, moncorps.

» Soit une image que j'appelle un corps matériel.

Cette image est solidaire de la totalité des autres images,solidaire de tout l'univers.

Elle agit par chacun de ses points sur la totalité des autres images ; elle oppose à chaqueaction une réaction égale ; elle est un chemin sur lequel passent en tous sens les modifications qui se propagentdans l'immensité de l'Univers.

Car il y a universelle interaction.

Voilà ce que l'image est elle-même.

— Elle est perçuequand elle tourne vers mon corps la face qui l'intéresse ; quand son action est diminuée par l'intervention dé lamienne.

« Notre représentation des choses naîtrait de ce qu'elles viennent se réfléchir contre notre liberté.

» - Ainsi« la totalité de la matière consiste dans la totalité de ses éléments et de leurs actions de tout genre.

Notrereprésentation de la matière est la mesure de notre action possible sur les corps ; elle résulte de l'élimination de cequi n'intéresse pas nos besoins et plus généralement nos fonctions ». On ne peut étudier la perception sans poser, en face de la conscience, un univers matériel.

C'est poser a laperception virtuelle de toutes choses ».

La perception serait « en droit, l'image du tout ».

C'est par suite desnécessités de l'action qu'elle se réduit, en fait, à ce qui nous intéresse.

« Indéfinie en droit, elle se restreint, en fait,à dessiner la part d'indétermination laissée aux démarches de cette image spéciale que vous appelez votre corps.

» Ainsi « percevoir toutes les influences de tous les points de tous les corps serait descendre à l'état d'objet matériel,Percevoir consciemment signifie choisir, et la conscience consiste avant tout dans ce discernement pratique ».

Car« conscience signifie action possible ». Dégageons, par hypothèse, la perception des souvenirs et aussi des états affectifs, plaisirs et douleurs, qui s'ymêlent ; nous aurions la perception pure : c'est « un système d'actions naissantes qui plonge dans le réel par sesracines les plus profondes ».

La réalité des choses n'est pas construite, ou reconstruite ; elle est « touchée,pénétrée, vécue ».

Par la perception pure « nous nous plaçons d'emblée dans les choses ».

— Le sens commun araison contre bien des systèmes philosophiques : nous percevons les choses en elles-mêmes et non pas en nous. Cette considération permet d'opposer les perceptions aux états affectifs ou affections, plaisirs et douleurs.

« Maperception est en dehors de mon corps, et mon affection au contraire dans mon corps.

De même que les objetsextérieurs sont perçus par moi où ils sont, en eux et non pas en moi, ainsi mes états affectifs sont éprouvés là où ilsse produisent, c'est-à-dire en un point déterminé de mon corps.

» La surface de mon corps, « limite commune del'extérieur et de l'intérieur, est la seule portion de l'étendue qui soit à la fois perçue et sentie ». Ma perception pure, c'est-à-dire dégagée des souvenirs et des états affectifs, ne va pas de mon corps aux autrescorps : « elle est dans l'ensemble des corps d'abord, puis peu à peu se limite et adopte mon corps pour centre ».Les autres images s'échelonnent autour de l'image corps.

Je ne me borne pas à connaître, de mon corps commedes- autres images, la pellicule superficielle ; j'en perçois l'intérieur, le dedans, par des sensations affectives.

Centred'action et d'affection, mon corps devient le centre de mon univers. Mais notre perception pure, si rapide qu'on la suppose, occupe toujours une certaine épaisseur de durée : nosperceptions successives ne sont jamais des moments réels des choses, comme nous l'avons supposé ; elles sontaussi, à un autre point de vue, des moments de notre conscience.

Il n'y a pas pour nous d'instantané.

Il faudraitéliminer la mémoire pour passer du sujet à l'objet, de la perception à la matière.

Alors les qualités de la matièreseraient connues en soi, du dedans et non plus du dehors. En défaisant ce que les besoins ont fait, essayons de rétablir l'intuition dans sa pureté première et de reprendreainsi contact avec le réel. Nous découvrons d'abord que la réalité extérieure est mobilité.

— Réfléchissons à la nature du mouvement. « Tout mouvement, en tant que passage d'un repos à un repos, est absolument indivisible.

» Je transporte ma mainde A en B.

Ma conscience musculaire me fait connaître qu'il y a là un fait simple, un acte indivisible.

Ma vue aussisaisit ce mouvement comme un tout indivisible.

Sans doute ma main passe par des points intermédiaires en allant deA à B, et ces points semblent des étapes.

Mais il y a, entre les divisions ainsi marquées et des étapes, cettedifférence capitale qu'à une étape on s'arrête, au lieu qu'ici le mobile passe.

L'arrêt est une immobilité, le passage un. »

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