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Maupassant, Naturaliste ou simple écrivain innovateur. Retranscrit-il avec exactitude la réalité dans son roman Bel-Ami ?

Publié le 17/02/2011

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maupassant

Introduction

 

            Maupassant est un écrivain du XIX e siècle, s’inscrivant entre les deux mouvements du Naturalisme et du Réalisme, son but est de retranscrire la réalité avec exactitude.  D’ailleurs, selon Zola : « le romancier n’est plus qu’un greffier qui se défend de juger et de conclure.». En effet, ces mouvements veulent une reproduction la plus fidèle de la réalité, sur des sujets banals et parfois choquants. De plus, le Naturalisme veut que le romancier vérifie ce qu’il avance grâce à un important travail de documentation.

            Publié en 1885, Bel-Ami est une des œuvres les plus marquantes dans la carrière de Guy de Maupassant. Celui-ci fait vivre, par le personnage de Georges Duroy, une ascension sociale exemplaire le confrontant à des thèmes de la société sous la III e République tels que l’argent, l’influence du milieu sur l’individu, la ville, les différentes classes sociales et la politique.

Ce roman a ainsi l’air de s’inscrire dans les mouvements. Cependant, puisque c’est une histoire fictive, il s’agira de démontrer si oui ou non elle correspond aux critères énoncés par le maître du Naturalisme, à savoir Emile Zola. Maupassant se borne-t-il à un exact reflet de la réalité sans introduire sa vision subjective ?

On prouvera, dans un premier temps, qu’il mérite de faire parti des mouvements dans lesquels il s’inscrit et, dans un deuxième temps, de démontrer que, dans son roman, il a parfois dépassé les conventions de l’écriture.

 

 

 

            Certes, le roman Bel-Ami est un roman réaliste et l’auteur a pour but de nous donner une réalité la plus objective possible.

 

 

Certes, la réalité occupe une place prépondérant dans le roman : Bel-Ami est une œuvre réaliste.

 

Tout d’abord, on a un panorama de la société avec les différentes classes sociales de l’époque du XIXe siècle. En effet, on découvre dés l’incipit une classe sociale plutôt modeste « trois petites ouvrières, une maîtresse de musique entre deux age », d’ailleurs, la description qui est faite au début du roman de Georges Duroy, montre un personnage en situation précaire, c’est assez représentatif de la population Parisienne. Duroy, par sa situation, prévoit déjà de garder de l’argent pour pouvoir manger les jours suivants, « un franc vingt centimes de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson. ». Maupassant nous montre la misère de cette vie d’ouvrier qui gagne peu et qui doit subir des fins de mois difficiles. Il met en avant ses groupes de personnes qui par leur profession et leur revenu font partis de la même catégorie sociale. Il nous montre donc le monde des employés : « ouvriers compositeurs », « quelques reporters mondains », « chroniqueur », prostituée telle que Rachel qui travaille aux Folies Bergères « s’il veut de moi pour dix louis, je ne dirais pas non. ». Ensuite, on découvre la classe sociale de la bourgeoisie comme Charles Forestier : « Je dirige la politique à La Vie Française. ». En effet les personnes de ce rang sont très présentes dans le roman. On qualifie les bourgeois de « gens du monde ». Ils ont des codes de tenu : ils doivent être à la mode « coiffés d’un chapeau à bord plats » en effet, les hommes portaient à cette époque presque tous couvre-chef, de plus ils ont pour la plupart une moustache « moustaches à pointes aigues » pour Norbert de Varennes et « avec une moustache retroussée, qui semblait mousser sur sa lèvre» pour Georges Duroy. Ces personnes de classe aisées ont un bon salaire « Il gagne ici trente mille franc par an pour deux articles par semaine » ainsi que des actions financières « ils ont racheté tout l’emprunt du Maroc ». D’ailleurs, les femmes, pour la plupart ne travaillent pas comme l’illustre le couple Walter, M Walter est le directeur du journal de La Vie Française tandis que sa femme qui n’exerce aucune activité ; le couple de Marelle, M De Marelle est souvent absent ceci du à sa profession alors que Clotilde de Marelle n’est pas active. Contrairement au couple Forestier, où Mr Forestier est journaliste et qui aider secrètement par sa femme : Madeleine Forestier. On apprend en profondeur le style de vie de la bourgeoisie, entre adultère, dîners, thé et affaires financières. Maupassant nous ouvre même les portes de la haute bourgeoisie tel que le Comte de Vaudrec et le ministre des affaires étrangères Laroche-Mathieu ainsi que d’autres personnages que l’on découvre avec un peu plus de superficialité dont l’auteur ne nous donne que le nom. Maupassant nous fait part de sa connaissance sur ces catégories sociales grâce à un certain travail de documentation et d’observation voulu par le mouvement du Naturalisme.

 

Ensuite, Maupassant nous donne à voir avec précision les lieux et chaque petit détail ce qui nous imbibe de l’atmosphère dans laquelle se déroule l’histoire. En effet, dés l’incipit, on découvre que l’auteur a une grande connaissance de Paris : « Boulevard », « café l’Américain », « Rue de Notre Dame de Lorette », «Rue du faubourg Montmartre », « Bois de Boulogne », « Folies Bergères ». Il prend le soin de nous décrire les sensations qu’on y trouve en été : « La ville, chaude comme une étuve » ou bien « une de ces soirées d’été où l’air manque », ou encore « les égouts soufflaient par leur bouche de granit leur haleine empestées » ; on a ici une perception sensorielle qui nous indique l’odeur enivrante et écoeurante de la ville en été. On découvre une importante description comme, par exemple, le moment où Georges Duroy se rend chez les Walter et que celui-ci lui propose une visite sélective de ses tableaux. Maupassant nous livre alors une exacte reproduction des oeuvres rédigée de façon précise, comme une mise en abîme : « Une pleine d’Algérie, par Guillemet, avec un chameau à l’horizon, un grand chameau sur ses hautes jambes, pareil à un étrange monument » ou bien « Cette dernière œuvre représentait un prêtre vendéen fusillé contre le mur de son église par un détachement des Bleus » ou encore « C’était une jolie Parisienne montant l’escalier d’un tramway en marche. Sa tête apparaissait au niveau de l’impériale et les messieurs assis sur les bancs découvraient avec une satisfaction avide, le jeune visage qui venait vers eux, tandis que les hommes debout sur la plate forme du bas considéraient les jambes de la jeune femme avec une expression différente de dépit et de convoitise ». De plus, à chaque endroit où se déplacent les personnages, les paysages nous sont décrits avec scrupule. Par exemple, lors de la visite de Duroy à Charles Forestier, l’auteur nous donne à voir la beauté de Cannes : « La côte semée de villas descendait jusqu’à la ville qui était couchée le long du rivage en  demi-cercle, avec sa tête à droite vers la jetée que dominait la vieille cité surmontée d’un vieux beffroi, et ses pieds à gauche à la pointe de la Croisette en face des îles de Lérins. Elles avaient l’air, ces îles, de deux tâches vertes, dans l’eau toute bleue. » ; également lors du voyage en train de Madeleine et Georges, on voit défiler des paysages magnifiques: « Le soleil, un puissant soleil de mai, répandait sa lumière oblique sur les embarcations et sur le fleuve calme qui semblait immobile, sans courant et sans remous, figé sous la chaleur et la clarté du jour frémissant. Une barque à voile, au milieu de la rivière, ayant tendu sur ses deux bords deux grands triangles de toiles blanches pour cueillir les moindres souffles de brise, avait l’air d’un énorme oiseau prêt à s’envoler ». Enfin, Maupassant utilise les perceptions sensorielles, ainsi lorsque Duroy entre pour la première fois dans le bâtiment du Journal La Vie Française : « Une odeur étrange, particulière, inexprimable, l’odeur des salles de rédaction flottait en ces lieux », ou bien le moment où les cloches retentissent dans l’église à la célébration du mariage de Georges et Suzanne « Tantôt elle jetaient des clameurs prolongées, énormes, tantôt, enflées comme des vagues, si sonores et si puissante, qu’il semblait qu’elles dussent soulever et faire sauter le toit pour se répandre dans le ciel bleu. ». Lors de ces démonstrations, la capacité de l’auteur à reproduire la réalité est si incontestable et réalisée avec exactitude que le lecteur à l’impression d’être avec les personnages.

 

Enfin, Maupassant ne peut être que réaliste dans son roman puisque l’histoire du personnage se base sur sa propre vie. En effet, on retrouve quelques similitudes entre la biographie de Guy de Maupassant et le destin de Duroy. Tout d’abord, Georges trouve un emploi dans le journalisme grâce à Forestier, ancien sous-officier, son premier article s’intitule : « Souvenirs d’un chasseur d’Afrique » de la même manière que Maupassant fut l’un des premiers reporters français qui effectua de nombreux séjours en Afrique du Nord. L’auteur peut donc nous livrer quelque vérités sur le pays d’Algérie : « L’Alger est la porte, la porte blanche et charmante de cet étrange continent.[…] L’Algérie est un grand pays français sur les frontières des grands territoires inconnus qu’on appelle le désert, le Sahara, l’Afrique centrale, etc., etc. ». D’ailleurs, Maupassant à travailler pour de nombreux journaux tels que le Figaro, le Gaulois, L’écho de Paris… Il sait alors comment se passe le travail et dans quelle ambiance : « Tantôt des jeunes gens très jeunes, l’air affairé, et tenant à la main une feuille de papier qui palpitait au vent de leur course ». Maupassant a un certaine connaissance de la politique (il passe dix années comme commis d’abord au Ministère de la Marine puis au Ministère de l’Instruction Publique) ce qui l’aidera à montrer la hiérarchie qu’existe entre les personnes. De plus, Georges Duroy vient de Canteleu, à Rouen, en Normandie telle est l’origine de l’auteur. Lors du séjour de Madeleine et Georges dans son « pays » d’origine, Maupassant en profite pour nous faire part d’une description précise étant avantagé par son vécut : « On arrivait au village, un petit village en bordure sur la route, formé de dix maisons de chaque cotés, maisons de bourg et masures de fermes, les unes en brique, les autres en argiles. ». La Normandie a une grande influence sur le romancier, c’est une région chère à ses yeux et il est très empoigné de ce cadre familial. Par ailleurs, dans sa biographie, on voit que la maladie est un thème qui va suivre Maupassant toute sa vie, il est atteint de la syphilis. Ainsi, il montre à travers Norbert de Varennes les idées qu’il a de la mort, réfléchies et pensées, le réalisme de sa philosophie touche le lecteur : « Et je cherche le mot de cet obscure problème, Dans le ciel noir et vide où flotte un astre blême. ». De plus, Maupassant est un homme à femmes (il vécut une liaison avec la Comtesse Emmanuela Potocka), tout comme Georges Duroy qui grimpe sur l’échelle sociale grâce aux cœurs qu’il conquiert (Mme de Marelle, Mme Forestier, Mme Walter et Suzanne Walter). En conclusion, on peut dire que Maupassant aurait pu tout inventer, mais il s’est inspiré de son vécut pour nous donner à voir, nous, lecteur, une reproduction inégalée de la réalité.

 

Cependant, le roman ne se borne pas à une exacte évocation des faits réels.

 

En effet, Maupassant nous montre une vision plutôt critique du monde de la presse. Il installe un contraste saisissant entre l’intérieur et l’extérieur du journal. Sur la façade du bâtiment de la Vie Française, on distingue le champs lexical de la lumière : « flammes », « clarté », « pleine lumière »… La bâtisse attire l’attention des passants, on note un aspect tape à l’œil, cette description donne donc une idée faste du journal. Cependant, à l’intérieur, Maupassant met en avant un côté marquant de décrépitude : « sale et poussiéreux », « criblé de taches, fripé, d’un vert pisseux ». On découvre par la suite, un avant goût du faux semblant du journal : «  tendu de faux velours », « un pantalon de drap pareil à celui des gens du monde ». Les employés ont une attitude de personnes aisées et c’est pour cela que Maupassant dénonce cette image de personnes qui se croient au dessus mais qui finalement ne fondent leur supériorité que sur du vent. De plus, on peut voir une anaphorique de l’adverbe « trop » pour la description de l’un des reporters : « une élégance trop apparente, la taille trop serrée [...], la jambe trop moulée […], dans un soulier trop pointu. ». Maupassant marque sa vision péjorative des journalistes, et on voit par la citation précédente qu’il va jusqu’à l’ironie et la moquerie sur la tenue vestimentaire de ce dernier. Maupassant met en avant cette fausse importance, il critique l’apparence pour ainsi en déduire que la presse n’est qu’une image : « comme ci cette forme les eu distingué du reste des hommes. ». De plus, on note aussi que Maupassant fait lors des portraits dépréciatif des personnages Norbert de Varennes : « Petit homme, aspect mal propre qui montait les marches en soufflant » ainsi que Jacques Rival : « L’air insolent et content de lui ». De plus, Maupassant met en avant le thème de l’argent, l’aspect vénal, il sous-entend que les employés sont payés à ne rien faire : « Il gagne ici trente mille francs par an pour deux articles par semaine. » Enfin, par l’abstention de Maupassant à écrire sur le professionnalisme des journalistes, sa vision nous donne une image négative dénonciatrice de la vie au journal. Il est vrai que Bel-Ami est un piètre rédacteur, qu’on ne le voit guère rédiger le moindre article au cours du récit, tout occupé qu’il est aux intrigues et aux spéculations. Maupassant jette l’opprobre sur cette profession qu’il décrit presque entière livrée à la corruption et à l’appât du gain. A titre illustratif, on voit par Saint Potin cette esprit enivré par le profit : « Je n’ai qu’à reprendre mon article sur le dernier venu et à le recopier mot pour mot […] Il ne faut pas d’erreur car je serai révélé raide par Le Figaro ou Le Gaulois. Mais sur ce sujet le concierge de l’hôtel Bristol et celui du Continental m’auront renseigné en cinq minutes. Nous irons à pied jusque là en fumant un cigare. Total : cent sous de voiture à réclamer au journal. Voila, mon cher, comment on s’y prend quand on est pratique. ».  On pourrait donc résumé cette dénonciation par le proverbe : « L’habit ne fait pas le moine».

 

Enfin, Maupassant lui-même explique que c’est impossible d’inscrire complètement un roman dans ces deux mouvements. En effet, dans le préface de Pierre et Jean, Maupassant dit qu’il faut faire des concessions sur les différents thèmes abordés dans une vie : « Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée, pour énumérer les multitudes d’incidents insignifiants qui emplissent notre existence. Un choix s’impose, ce qui est la première atteinte à la théorie de toute la vérité. » En effet, nous n’avons aucune analyse d’une journée entière de Georges Duroy dans le détail, le fait qu’il prenne sa toilette le matin, les sensation qu’il a quand il mange, les rêve qu’il a fait pendant la nuit. Rien de ces petits détails ne nous est transmis. De plus, selon la règle, le but du romancier est de nous forcer à penser, de nous aider à faire mûrir notre réflexion et à « comprendre le sens profond et caché des évènements », cependant Maupassant indique clairement que c’est l’observation personnelle du romancier sur l’univers, les choses, les faits qui est communiquée dans ses livres. On peut donc parler d’une vision subjective puisque c’est par l’interprétation des faits de l’auteur que l’on découvre l’histoire, or elle n’est pas reproduite sans subjectivité. « Le fond du bassin était sablé de poudre d’or et l’on voyait nager dedans quelques énormes poissons rouges, bizarres monstre chinois aux yeux saillants. », même si l’on découvre une bonne description dans cette citation, on peut dire que Maupassant exprime une sensation de l’inconnu, de l’étrange à la vue de ces créatures comme il l’écrit : « bizarres » mais il se peut il en soit tout autre pour nous. Une simple description réaliste ne les aurait pas représentés comme cela et c’est cette force stylistique, par la métaphorisation du réel qui fait dépasser Maupassant des conventions du Réalisme.

Conclusion

 

En conclusion, on peut dire que Bel-Ami est un mélange des conventions voulues par Zola et des modifications de Maupassant. Il reste très pointilleux sur ses descriptions et a une réelle connaissance, documentation sur les endroits où se déroule l’histoire ainsi que sur la vie des classes sociales qu’il énumère. Mais, puisque Bel-Ami résulte de l’invention de l’auteur, il a voulu faire passer un message, à caractère psychologique, explicite ou bien camouflé. On lit dans ce livre une réelle dénonciation du monde de la presse, un mystère amoureux : «  Peut-on parler d’amour dans la société du XIXe siècle? »,  et une certaine méfiance face à des individus qui sont prêts à tout pour parvenir à leur fin. Maupassant et Bel-Ami s’inscrivent donc entre les deux mouvements sans retranscrire : « Rien que la vérité et toute la vérité ».

 

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