La méditation de la mort
Publié le 15/01/2004
Extrait du document
«
La mort n'est rien pour nous.
La métaphysique matérialiste va permettre à Epicure de délivrer l'humanitéd'une de ses plus grandes craintes : la crainte de la mort.
Les hommes ontpeur de la mort.
Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le sautdans l'absolument inconnu.
Ils ne savent pas ce qui les attend et craignentconfusément que des souffrances terribles ne leur soient infligées, peut-êtreen punition de leurs actes terrestres.
Les chrétiens, par exemple, imaginerontque quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dansles flammes de l'enfer.
La peur de la mort a partie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.
De plus, si toutdans l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtresvivants, ne sommes que des agrégats d'atomes, lorsque nous mourons, ce nesont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notrecorps qui se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade),puis en tous.
Dès lors, rien de notre être ne survit, il n'y a rien après la mort,« la mort n'est rien pour nous ».
Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée, la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âmepourrait survivre après la mort du corps, ont tort.
Car l'âme elle-même estfaite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'unagrégat d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même,selon l'expérience la plus commune, il faut penser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation, de pensée et de mouvement, alorsque le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus de temps à commencer à se décomposer.Aussi, la mort se caractérise bien en premier lieu par l'absence de sensation : « Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, et que la mort est absence desensation. »
En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses du monde sont la source detoute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur, donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal,puisque le bien réel n'est que le plaisir et le mal la douleur.
Nous pouvons désigner la pensée d' Epicure comme un sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.
La mort étant la disparition des sensations, il ne peuty avoir aucune souffrance dans la mort.
Il ne peut pas y avoir davantage de survie de la conscience, de la penséeindividuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mort n'est pas là, et lorsque la mort est là, nous n'existons plus.
»
Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.
Et je sais que c'estici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.
Mon bonheur dans la vie estune affaire sérieuse qui ne souffre aucun délai.
Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste.
Pour Heidegger, la mort n'est pas la simple cessation de la vie ; elle est pour chacun de nous une affaire personnelleet ce possible suprême, qui n'est pas une possibilité parmi d'autres, mais la plus extrême et la plus indépassable denos possibilités.
Parce que la temporalité vécue est constamment orientée vers l'avenir, parce que nous « ex-sistons» (nous sommes toujours en avant de nous-mêmes), la mort est inévitablement présente dans le moindre de nosprojets, dans la moindre visée de notre conscience.
« Dès qu'un humain vient à la vie, écrit Heidegger, il est déjàassez vieux pour mourir» : la réalité humaine, telle qu'une réflexion philosophique lucide nous la révèle, est celle d'un« être-pour-la-mort ».
La philosophie, découverte de la réalité humaine comme temporalité, ne peut exclure laméditation sur la mort..
»
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