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La mémoire chez BERGSON

Publié le 18/03/2011

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bergson

   Bergson, dans son livre Matière et Mémoire, applique sa méthode à la question psychologique de la mémoire, et, par là-même, au problème métaphysique de la relation du corps à l'esprit.    Car la seule fonction de la pensée à laquelle on ait pu avec précision assigner une place dans le cerveau, c'est la mémoire, spécialement la mémoire des mots. L'étude de la mémoire permettra d'établir si la pensée est une fonction du cerveau, ou si elle est essentiellement distincte de l'organisme.

bergson

« mémoire. Je cherche maintenant à me rappeler comment la leçon a été apprise.

Je me représente les phases par lesquelles j'aipassé en l'apprenant.

Chacune des lectures successives me revient à l'esprit avec son individualité propre ; je larevois avec les circonstances qui l'accompagnaient ; elle se distingue de celles qui précèdent et de celles quisuivent par la place même qu'elle a occupée dans le temps.

Chacune de ces lectures est un événement distinct demon histoire.

On dit que de telles images sont des souvenirs, qu'elles se sont imprimées dans ma mémoire. Dans les deux cas considérés, on emploie les mêmes mots.

Mais s'agit-il du même fait psychologique ? Le premier souvenir, celui de la leçon apprise par cœur, a tous les caractères de l'habitude.

Il s'acquiert par larépétition d'un même effort.

Il exige la décomposition puis la recomposition de l'action totale.

Les mots se succèdentde plus en plus automatiquement à mesure que la leçon est mieux sue.

L'effort diminue peu à peu.

Un mécanismefinit par être monté.

On déclenche ce mécanisme à volonté.

Une fois l'impulsion initiale donnée, les mouvementsautomatiques se succèdent dans le même ordre, et occupent le même temps. Au contraire, le souvenir de telle lecture particulière, la seconde ou la troisième, par exemple, n'a aucun descaractères de l'habitude.

Chacune des lectures est comme un événement distinct ayant sa date particulière.

Cesouvenir s'acquiert sans aucun effort, sans aucune répétition ; il est parfait dès l'origine.

Il ne se compose pas demouvements ; c'est une image qui se fixe immédiatement, spontanément.

Cette image, quand elle reparaît, résumeun temps plus ou moins long du passé. La leçon sue est une action ; elle ne porte aucune marque qui trahisse ses origines et la classe dans le passé ; ellefait partie de mon présent comme mes autres habitudes, comme l'habitude de marcher ou d'écrire ; elle est vécue,elle est « agie » plutôt qu'elle n'est représentée.

— Le souvenir d'une lecture déterminée n'a rien d'un mouvement, rien d'une action : c'est une représentation. La leçon peut être récitée sans qu'on se rappelle le moment où on l'a apprise par cœur.

L'image du moment où on l'aapprise peut être évoquée sans qu'on récite la leçon par cœur. En poussant jusqu'au bout cette distinction fondamentale, on pourrait se représenter deux mémoires théoriquementindépendantes.

Le passé se survit sous la forme de mécanismes moteurs dans la mémoire-habitude ; sous la formede représentations' dans la mémoire des images-souvenirs.

La première de ces mémoires répète ; la secondeimagine.

La première joue le passé sans le représenter, la seconde le représente sans le jouer.

La première n'est pasune vraie mémoire ; c'est plutôt « l'habitude éclairée par la mémoire ».

La seconde, seule, est la vraie mémoire. L'immense majorité de nos souvenirs porte sur des événements et détails de notre vie dont l'essence est d'avoir unedate et, par conséquent, de ne se reproduire jamais.

L'enregistrement de ces faits uniques se poursuit à tous lesmoments de la durée.

Comparés à ces souvenirs, ceux qu'on acquiert volontairement par répétition sont rares,même exceptionnels.

Mais comme ils sont les plus utiles, on les remarque davantage. Et bien des psychologues voient en eux les souvenirs-modèles.

Ils confondent avec la vraie mémoire l'habitudeéclairée par la mémoire. Cependant ces deux mémoires, théoriquement distinctes, se prêtent un mutuel appui.

Quand nous nous exerçons àapprendre par cœur une leçon, l'image visuelle ou auditive que nous cherchons à recomposer par des mouvements,est déjà dans notre esprit, invisible et présente.

Dès la première récitation, nous reconnaissons à un vaguesentiment de malaise telle erreur que nous venons de commettre, comme si nous recevions, des profondeurs de laconscience, une espèce d'avertissement.

Nous sentons alors que l'image complète est en nous.

Le souvenirspontané se cache derrière le souvenir acquis. Inversement, les mouvements habituels éliminent les images qui ne réussissent pas à s'y glisser et permettent auximages qui y réussissent d'apparaître à la conscience.

— Seule la mémoire-habitude, conquise par l'effort, est à ladisposition de la volonté ; la mémoire proprement dite, toute spontanée, met autant de caprice à reproduire que defidélité à conserver.

Nous ne disposons des images du passé que quand nous y avons fait correspondre desmouvements habituels. La distinction des deux mémoires, — en dépit des rapports qu'elles présentent, — permet d'éclaircir le délicatproblème de la reconnaissance : comment le passé est-il reconnu comme passé ? L'association d'une perception à un souvenir ne suffit pas à expliquer la reconnaissance.

S'il en était ainsi, la cécitépsychique, ou impuissance à reconnaître les objets aperçus, serait liée à l'inhibition de la mémoire visuelle.

Orcertains malades peuvent, les yeux fermés, décrire la ville qu'ils habitent ; et, une fois dans la rue, ils ne lareconnaissent plus.

D'autres, sans reconnaître les rues, les maisons, les femmes, les enfants qu'ils connaissaientauparavant, savent que ce sont des rues, des maisons, des femmes, des enfants, et ils agissent en conséquence. Il y a, correspondant aux deux mémoires, deux sortes différentes de reconnaissance.. »

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