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La ménoire est-elle fidèle ?

Publié le 30/03/2004

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Comme le dit Gusdorf dans Mémoire et personne : « Le propre de la mémoire est d’apporter dans notre expérience le sens du passé. La notion de décalage temporel paraît ici essentielle. L’actualité de notre expérience temporelle se situe dans le présent. Mais dès que s’est amorti ce caractère d’actualité, le présent devient un passé […] ce qui était notre perception […] se transforme, par le fait d’une sorte de déchéance, en un souvenir détaché de nous. « Ainsi, à tout moment de mon existence, le présent perd son caractère d’actualité et s’évanouit. La mémoire porte le sens du passé : elle est fonction du passé. C’est pourquoi la question de la fidélité de la mémoire nous importe. Elle nous importe parce qu’elle donne sens au présent, mais aussi plus trivialement, nous utilisons notre mémoire dans un ensemble d’opération qui nous sont utiles : en histoire ou en justice avec le témoignage etc. L’enjeu est donc de savoir si nous pouvons avoir confiance en notre mémoire. On la définit souvent comme reproductrice d’un fait passé : une quasi copie. Dans ce cas, la mémoire est fidèle. Pourtant, l’imagination ou même le désir peuvent se mêler à nos souvenirs et la mémoire dans ce cas n’est plus fidèle ; or à quoi servirait une mémoire qui ne serait pas fidèle ? Et c’est bien à de telles questions, donc à une interrogation sur le sens et la valeur de la mémoire que nous invite ce sujet.

Ainsi si l’on définit généralement la mémoire comme ayant pour but de présenter à nouveau un fait passé, alors c’est le critère de la fidélité qui devrait la déterminer (1ère partie), or force est de constater que cette fidélité n’est jamais pleine est entière (2nd question) dès lors il s’agit de repenser la mémoire, donc sa fonction et son rôle dans le processus cognitif et sa valeur gnoséologique (3ème partie).

 

I  - La mémoire reproduit le passé : une nécessaire fidélité

II – L’impossibilité de la fidélité

III – Valeur positive de l’infidélité et redéfinition de la mémoire

« du monde, dès qu'ils ont le Panthéon réel devant les yeux.

Que voient-ils donc, lorsqu'ils imaginent le Panthéon ?Voient-ils quelque chose ? ».

Par cette simple remarque on voit que la mémoire n'est pas fidèle malgré la simplicitéde l'effort de remémoration.b) Ce qu'il faut en comprendre à la lecture de Alain et de son Système des Beaux-Arts c'est que le critère de Hume, à savoir la différence d'intensité et de netteté s'avère insuffisante, pour faire la différence entre l'imaginé etle perçu et la mémoire, la distinction ne tient pas.

En ce sens, la mémoire n'est justement jamais véritablementfidèle, il y a toujours plus ou jamais assez.

La mémoire est toujours déficiente.

Elle n'est donc pas une copie duperçu, mais semble bien relever d'une faculté plus éminente qu'elle : l'imagination.

Soumise à l'imagination, lamémoire est donc le fruit d'erreurs, de remplacements, d'embellissements et de censure.

Elle ne peut donc en aucuncas être fidèle.c) C'est bien ce que l'on peut constater à travers l'exemple que fournit Stendhal dans De l'Amour à propos de la cristallisation : un banal rameau d'arbre, jeté dans les mines de sel de Salzbourg, en est retiré trois mois plus après,couvert de cristallisations brillantes.

De même, l'objet aimé, grâce au travail de l'imagination, cristallise autour de luiun ensemble de souvenir et de rêves.

Dès lors, ce que l'on peut en conclure c'est que l'image de l'être aimé dans lamémoire n'est absolument pas fidèle à l'être aimé tel qu'il peut être objectivement sans le jeu du désir et de lapassion.

Cela nous montre qu'à travers le travail de la mémoire s'insinue le désir et l'illusion.

La mémoire n'est pas un« coffre-fort » pour les impressions premières mais elle bien perméable aux états psychologiques de l'individu enquestion.Transition : Ainsi, bien que l'on puisse penser que la mémoire doive être fidèle, il apparaît qu'elle ne l'est jamais complètement.La mémoire a des ratés, des défauts que le temps développe.

Elle est soumise à la puissance du désir et del'imagination qui modifie en elle la nature même des souvenirs.

Mais si cet état est récurrent n'est-ce pas un signeconstitutif de la mémoire, autrement dit, ne faut-il pas voir dans cette infidélité une valeur positive et dès lorsrepenser à nouveaux frais la mémoire ? III – Valeur positive de l'infidélité et redéfinition de la mémoire a) En effet, peut-être faut-il voir dans cette infidélité la condition même de la mémoire.

Elle n'a donc pas pour butde copier et de retenir coût que coût le souvenir dans sa vérité première, mais elle doit en conserver ce qui nousest utile et c'est pourquoi l'on ne se souvient pas par exemple du nombre de colonnes du Panthéon pour reprendrenotre exemple.

En fait, cette infidélité vient de l'oubli ce qui explique alors le rôle de l'imagination pour combler etcolmater les blancs de la mémoire.

Cette valeur positive de l'oubli a été bien mise en valeur par Bergson dans Matière et mémoire puisque selon lui la finalité de l'oubli est l'action.

Cela signifie en somme qu'oublier, créant alors cette infidélité, c'est rejeter hors du champ de la conscience les souvenirs inutiles à nos besoins pratiques.

Lamémoire est donc infidèle pour des besoins pratiques, elle ne retient que ce qui lui est nécessaire et utile.

Et c'estbien là la possibilité de redéfinir la mémoire.b) Pour bien saisir le rôle de la mémoire, il faut distinguer la mémoire-habitude ou mémoire sensori-motrice et lamémoire pure tel que le propose Bergson dans Matière et Mémoire .

En effet, le passé se conserve en nous tout d'abord sous la forme d'habitude et de mécanismes moteurs : c'est la mémoire-habitude.

Ainsi, la chaise est une invitation à s'assoir ; reconnaître un objetc'est savoir s'en souvenir.

Cette mémoire est fidèle car tournée vers l'action,vers l'utile pour la vie même.

Il s'agit du plus bas degré de la mémoire.

Sonacquisition obéit aux lois simples de l'habitude.

Par exemple, on apprend àmonter une fois à vélo, ou à se servir d'un couteau et d'une fourchette.

Cettefidélité s'explique par le mode d'acquisition qui est l'habitude et suppose donc larépétition : « Le souvenir de la leçon, en tant qu'apprise par cœur, a tous lescaractères d'une l'habitude.

Comme l'habitude, il s'acquiert par la répétition d'unmême effort.

Comme l'habitude, il a exigé la décomposition d'abord, puis larecomposition de l'action totale.

Comme tout exercice habituel du corps, enfin, ils'est emmagasiné dans un mécanisme qu'ébranle tout entier une impulsioninitiale, dans un système clos de mouvements automatiques, qui se succèdentdans le même ordre et occupent le même temps.

» Néanmoins, quand la leçonne sera plus nécessaire, la mémoire pourra la laisser de côté.

Mais elle leconservera au moins comme trace ce qui explique l'infidélité quand je chercheraià nouveau à me souvenir de la leçon si je ne la revois pas régulièrement.

Lamémoire n'est pas une pure photographie ni un faculté de reproduction, de« photocopillage » du passé tel quel.c) En effet, pour Bergson dans Matière et mémoire , la mémoire proprement dite est profondément différente.

Si je revis la leçon en train de l'apprendre parcœur c'est une histoire que je revis, c'est un moment de mon passé qui ressuscite, c'est un fragment de latemporalité en tant que tel qui renaît.

Ce ne sont plus des mécanismes qui se mettent en branle, mais lareconnaissance et la conscience du passé qui s'effectue : « Le souvenir de telle leçon particulière, la seconde ou latroisième par exemple, n'a aucun des caractères de l'habitude.

L'image s'en est nécessairement imprimée du premiercoup dans la mémoire, puisque les autres lectures constituent, par définition même, des souvenirs différents.

C'estcomme un événement de ma vie ; il a pour essence de porter une date, et de ne pouvoir par conséquent serépéter.

Tout ce que les lectures ultérieures y ajouteraient ne ferait qu'en altérer la nature originelle.

» Ainsi, lamémoire pure est immatérielle tandis que la mémoire-habitude est fixée dans l'organisme.

Le vrai souvenir estspirituel.

Le cerveau ne le conserve pas, il se contente d'actualiser des souvenirs en eux-mêmes immatériels qui se. »

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