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LA MÉTHODE D'OBSERVATION ET DE DOCUMENTATION CHEZ BALZAC

Publié le 29/06/2011

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balzac

Parus en janvier 1829, Les Chouans ne furent qu'un demi-succès, mais ils ouvrirent la porte à la renommée. En décembre, elle s'accrut très bruyante avec la Physiologie du Mariage dont les anecdotes piquantes et les réflexions scabreuses valurent à Balzac, dans les salons mondains, un succès à scandale. En avril 1830, les deux volumes des Scènes de la Vie Privée, une suite de nouvelles moralisantes, d'une émouvante délicatesse, destinées aux « âmes jeunes «, aux jeunes filles comme aux mères de famille, pour leur éviter des « larmes de sang «, lui conquièrent définitivement le public féminin. Déjà la Physiologie, y avait excité la curiosité, provoqué des remous. Du coup, la réputation de l'auteur y circulait estimée de bon aloi. En 1831, La Peau de Chagrin, « écrit de circonstance «, vaste et flagellante satire des mœurs contemporaines, amenait un nouveau scandale couronné d'un vrai triomphe littéraire. 

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« dans toute la vérité de leurs habitudes, d'après les restes de leurs monuments publics ou par l'examen de leursreliques domestiques » (Recherche de l'Absolu).

« Pour empêcher les critiques de taxer de puérilités peut-être est-ilnécessaire de leur faire observer ici...

».

« A toutes les étapes de la société l'observateur retrouve les mêmesridicules...

Aussi est-ce en comparant le fond des plaisanteries par échelon, depuis le gamin de Paris jusqu'au pair deFrance que l'observateur comprend...

Cette observation fera peut-être aussi comprendre...

».

Ces phrases sontextraites d'un même paragraphe (La Duchesse de Langeais).

Dans Madame Firmiani, il met en scène « un vieillardappartenant au genre des observateurs ».

On peut recommencer cette expertise en vingt endroits de La ComédieHumaine : elle démontrera que Balzac entre dans la même catégorie.

Remontons deux ans en arrière, en 1830, audébut de sa carrière d'écrivain, et feuilletons le recueil de ses Œuvres diverses.

Après de longues heuresconsécutives passées à sa table de travail, veut-il se délasser ? « Je me livre » alors « aux distractions que m'offrela nature extérieure », « mon regard plonge à gauche et à droite chez mes voisins.

J'observe...

».

Ainsi débuteL'Oisif et le Travailleur.

Justifiant avant la lettre une remarque de Félix Davin, il donne « la vie aux observations deLavater en les appliquant ».

On s'en , convainc en relisant la Physiologie Gastronomique.

Il commence cette nouvellepar des considérations sur cette science si profonde, si utile et si agréable « découverte par Lavater et Gall ».

Aumoment de pratiquer leurs méthodes pour discerner différents genres dans l'espèce des mangeurs, et d'entreprendre« l'inspection méditée de leurs physionomies, de leurs attitudes, de leurs gestes, voulant analyser toutes sesobservations », Balzac déclare, en se vieillissant de dix ans : « Depuis quarante ans, j'observe à table ».

Il en faitune démonstration dans L'Auberge rouge.

Il observe en tout lieu, dans les rues, en diligence, dans la chaumière,dans les salons et dans les églises, pendant le jour et pendant la nuit.

Il veut « épier les mystères cachés par lesrideaux des appartements ».

Il nous énumère, nous confie tous les secrets ; il relève tout ce qui échappe à desyeux indifférents ou inhabiles : les résultats de ces investigations sont exposés dans L'Epicier, Madame Toutendieu,Le Bois de Boulogne et le Luxembourg, De la Vie de Châteaut La Consultation, La Grisette,-La -Cour des Messageriesroyales, Le Dimanche, Une Vie du Grand Monde, Un Conciliabule Carliste, Les Horloges vivantes, etc...

Ces titressont assez évocateurs par eux-mêmes ; ils nous promènent dans toutes les sphères de la société de 1830.

Ce sonttoutes choses vues.Il y attachait une importance égale à celle des conséquences qu'il prétendait en tirer.

Dans Le Contrat de Mariage, ilreproche à Paul de Mannerville de ne pas savoir « découvrir dans l'attitude ou dans la physionomie, dans les parolesou dans les gestes » de sa fiancée, « les indices qui eussent révélé le tribut d'imperfections que comportait soncaractère, comme celui de toute créature humaine ».

Pour cela, « Paul aurait dû posséder non seulement lessciences de Lavater et de Gall, mais encore une science de laquelle il n'existe aucun corps de doctrine, la scienceindividuelle de l'observateur et qui exige des connaissances presque universelles ».

A la suite de quoi, il découvre cequ' « un homme habile à manier le scalpel de l'analyse (c'est lui-même) eût surpris chez Nathalie ».

Mais, Nathalieest un personnage imaginaire, et comme d'autres en grand nombre, doit ses traits signalétiques à l'examencoutumier chez l'auteur qui prétendait déceler l'invisible psychique, son reflet presque physique sur les traits duvisage, dans les lignes et la structure de la silhouette.

Recueillons-en la preuve dans des notations que « lesobservateurs les plus exercés pouvaient alors seuls deviner ».

Où d'autres ne voyaient rien que de très ordinaire, ilremarquait des signes de premier ordre.

Savrasine, L'Auberge rouge contiennent de semblables réflexions.Est-il admissible que tant et tant d'affirmations répétées, dont nous n'avons produit que quelques échantillonsprélevés au hasard, correspondent seulement au souci de jouer l'opinion du lecteur ? Balzac est obsédé d'unepréoccupation : tout voir, tout enregistrer pour décrire la nature, les choses, les gens, en vue de manifester lesmystères d'une vie plus secrète.Maintenant, regardons-le vivre.

L'observation était chez lui, prétend-il, une disposition native, fortifiée par l'épreuve: « Il n'y a que les âmes méconnues et les pauvres qui sachent observer, parce que tout les froisse et quel'observation résulte d'une souffrance.

La mémoire n'enregistre bien que ce qui est douleur ».

Cette confidence, faiteà Mme Hanska (1833), concerne ses débuts dans le monde ; il y avait ressenti des dédains.

Il n'hésitait pas à voirdans « le malheur constant de ma vie » « le principe de ce qu'on a appelé si improprement mon talent ».

Il seplaignait de l'abandon moral où sa mère l'avait laissé dans sa petite enfance.

Il bénissait cette indifférence : ellel'avait habitué de très bonne heure à trouver du plaisir dans la solitude, au fond d'un jardin, « à observer lesinsectes », « à regarder une étoile » avec une « passion curieuse » qu'il attribue à sa « précoce mélancolie » (LeLys dans la Vallée).

Dès lors, ne sommes-nous pas autorisés à prendre à la lettre cette série de ressouvenirsenfantins ? « Qui n'a pas une fois dans sa vie, espionné les pas et démarches d'une fourmi, glissé des pailles dansl'unique orifice par lequel respire une limace blonde, étudié les fantaisies d'une demoiselle fluette, admiré les milleveines, coloriées comme une rose de cathédrale gothique, qui se détachent sur le fond rougeâtre des feuilles d'unjeune chêne ? Qui n'a délicieusement regardé pendant longtemps l'effet de la pluie et du soleil sur un toit de tuilesbrunes, ou contemplé les gouttes de rosée, les pétales des fleurs, les découpures variées de leurs calices ? » (LaPeau de Chagrin).

Comme Raphaël de Valentin, comme Félix de Vandenesse, l'Enfant maudit se familiarisa dès sespremières années, avec les phénomènes de la nature et les vicissitudes du ciel : il épiait toutes choses « depuis lebrin d'herbe jusqu'aux astres errants » (L'Enfant Maudit).

Par chacun de ces personnages, Balzac traduisait unaspect profond de son caractère, « la vie de l'enfance, la vie paresseuse ».

En ajoutant « la vie de sauvage-», onpeut croire qu'il songeait à ses lectures d'adolescent dans les Lettres Edifiantes qui l'avaient tant fait rêver.

Il devaitretrouver l'atmosphère des « forêts primordiales » dans Le Dernier des Mohicans de Fenimore Cooper.Balzac mena l'existence la plus propre à enrichir sa mémoire d'observations.

Le croire toujours assis à sa table detravail, dormant le jour pour écrire la nuit, serait une erreur : sa robe de moine est un symbole intermittent.

Il avaitdes périodes de labeur forcené; des crises de solitude absolue : il se retranchait alors du monde des vivants pour neconnaître que les fantômes de son imagination et les incorporer à son œuvre.

En dehors de ces accès, il sortait,joyeux de rencontrer ses amis, 8e détendant devant un copieux menu, se débridant dans la causerie, et puisheureux de courir de par le monde.

Qu'on se rappelle seulement sa promenade, interminable dans Paris avec LéonGozlan pour découvrir sur les enseignes un nom qui peindrait son personnage, un nom prédestiné et qui fut Z.Marcas.

A chaque moment, il fait allusion à la mine, au type des passants que son œil scrutateur a relevés sur un. »

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