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Méthodologie pour analyser "Fable ou histoire" De Victor Hugo

Publié le 13/01/2011

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fable

Quelques pistes supplémentaires pour la révision ?

Le titre et sa double signification, et le problème qu’il pose : une manière de présenter le texte  S’agit-il d’une invention destinée à faire passer une morale ? Dans ce cas, Hugo se donne comme fabuliste et moraliste à la fois.  S’agit-il d’un récit historique ? De quelle Histoire ? Il n’y a pas de description géographique ou historique, pas de noms, pas d’humains ... Donc Hugo se donne comme un mauvais historien ? Sûrement pas !  Donc il faut prendre en compte la conjonction « ou » qui laisse le lecteur juger ? Ou alors il s’agit d’ironiser ? Plus vraisemblablement, oui : Hugo raconte à la manière d’une fable le règne de Napoléon III, et fait comprendre une leçon morale et historique.

Les indices narratifs qui donnent de la dramatisation  Les énumérations des forfaits du singe.  Le contrepoint qui fait passer des actions du singe aux réactions des gens.  Les discours du singe, leur longueur, les hyperboles qui le constituent.  La chute, rapide, dans les trois derniers vers, puis dans le dernier demi-vers.

Les aspects descriptifs  Le choix symbolique de l’animal singe, celui qui imite, celui qui ressemble à l’humain mais n’en est pas un, et de l’animal tigre, représentant le prédateur, la beauté, la force.  La signification symbolique (ou parabolique, si l’on accepte que cette fable soit une parabole, c’est-à-dire une transposition de la réalité dans un récit) des deux animaux, Napoléon I et III, le Grand et le Petit, pour Hugo.  Les adjectifs décrivant le caractère du singe : « atroce », « féroce ».  Le jeu de Hugo qui parle de « la peau » pour désigner l’animal qui en est couvert, manière de faire comprendre qu’il ne faut pas se faire prendre aux apparences.  Les titres de gloire que se donne le singe, tous hyperboliques, ce qui lui fait un caractère très prétentieux, imbu de lui-même.

Les aspects qui font de ce texte une fable

 Un récit avec des animaux, des actions semblables à celles que les humains peuvent faire.  Une moralité (implicite) : le singe a réussi à se faire passer pour un tigre aux yeux des bêtes, mais a échoué aux yeux du « belluaire », le spécialiste en bêtes ...  Le comique de situation, de caractère : ce comique sert ici à détruire, c’est de la polémique.

Autres remarques ?  Un seul homme présent : le « belluaire ». Il représente Hugo, celui qui sait, celui qui dénonce les mensonges, celui qui « dit » : fonction du poète et du fabuliste.  Les jeux de mots : « tout émigre » est une allusion aux émigrés qui fuyaient le Second Empire, et principalement à Hugo.  Le tutoiement final : « Tu n’es qu’un singe ! », est d’une part injurieux, d’autre part réducteur à quelque chose qui se situe (pour un lecteur ordinaire) juste en-dessous de l’être humain. Donc, comme on comprend que la vraie cible est un homme, Napoléon III, c’est un moyen de l’abaisser plus bas que ses sujets.  La bêtise de ceux qui croient à sa grandeur : le peuple qui s’est laissé abuser par Napoléon III. Ils sont désignés ainsi : « les passants », « Chacun », « Les bêtes », et ce dernier mot est bien une critique.  Un autre indice de cette bêtise : le singe leur dit « admirez-moi », et « les bêtes l’admiraient », comme un automatisme. En revanche, le belluaire, en trois actions, acquiert le droit de dire la sentence. Cette seule parole, d’ailleurs, tient lieu de vérité (par rapport aux mensonges du singe) et de punition : la perte du pouvoir. Il n’y a pas de nécessité de punir davantage l’imposteur. Ce qui compte, c’est plutôt de délivrer les autres bêtes d’un pouvoir abusif et sans fondement.  Pensez à La Fontaine, éventuellement à deux fables intitulées L’Âne vêtu de la peau du Lion, (Fables, V, 21) et Le Loup devenu berger, (Fables, III, 3).  L’aspect engagé du texte : documentez-vous sur Les Châtiments de Hugo.  L’ambiguïté de la comparaison entre les deux Napoléon : pour abaisser le Second doit-il vraiment prendre l’image d’un tigre qui « avait été méchant » pour représenter le Premier ? Ce n’est pas très élogieux pour l’oncle ... Hugo n’est pas tout à fait partisan de l’empire, mais plutôt de la République. Mais il lui faut un point de comparaison, pour que le parallélisme soit plus frappant aux yeux de ses lecteurs contemporains, qui ont connu le Premier.

 

Quelques pistes possibles à explorer

La part de tradition dans cette fable : un "à la manière de", un pastiche réussi, appliqué de La Fontaine :

  • animalité et humanité, le discours et les rugissements, le grincement des dents, l'antre entouré de carnage (la cour)
  • vivacité du récit : introduction et situation initiale (2 vers), Modification et transformations (en deux phases : il se mit ... qui le couvrait // Il vivait ... à grands pas), renversement brutal et rapide (trois derniers vers) après le discours du fanfaron
  • morale incluse dans le récit et le discours : réussite devant les bêtes et échec devant le belluaire
  • à rapprocher de deux fables de la Fontaine : Le Loup devenu berger (III, 3 => Tiens donc, serait-ce un hasard ?) L'Âne vêtu de la peau du Lion (V, 21)

Transition : même si la morale générale, la tromperie toujours mise à jour, (cf La Fontaine III, 3) est toujours là, Hugo utilise la fable à des fins bien plus précises, pour condamner tout un régime fondé sur l'usurpation et le crime.

Une satire acerbe de la situation politique :

  • les hyperboles dans le récit des exactions, les enjambements (v. 7,8,9,10), le verbe "émigre", le comportement de soumission des bêtes,
  • le choix du singe, celui qui imite, qui "singe" son prédécesseur - les origines : maigre // royal appétit (cf situation personnelle de LNB avant de devenir président et empereur) - les périphrases où il s'auto-désigne (astuce d'énonciation, condamnation par le personnage lui-même) : vainqueur des halliers (peut-être jeu de mots halliers // alliés, vaincus par son ... oncle), roi sombre des nuits (cf  I, 5, Cette nuit-là)
  • le thème de la peau et du personnage : - travestissement : se vêtit, endossé, voyant la peau, croyait au personnage (cf Napoléon le Petit) - dissimulation, usurpation et crime  : s'embusqua, brigand des bois (cf coup d'état)

Transition : si la fable fait la satire de l'usurpation, des fanfaronnades de l'imposteur et condamne ses crimes, elle prend aussi une valeur symbolique en définissant la fonction de la parole poétique.

Fonction prophétique, politique de la parole poétique :

  • une mise en scène, le seul homme (le poète) dans cet univers de bêtes, le thème du belluaire (cf fin de II, 7)
  • la "mise à nu" de la vérité (étude précise des trois derniers vers),
  • le choix révélateur des temps (du passé simple, temps révolu de la tromperie au présent de la révélation),
  • le sens du titre (n'est-ce qu'une fable ou est-ce l'histoire en marche dans laquelle le poète a sa part ?)

Le poète est donc bien selon Hugo, celui qui, par ses fables, par son Verbe, peut faire l'histoire, corriger l'histoire. Hugo, dans l'édition de 1870, rajoutera une autre fable : Les Trois Chevaux où par la bouche des chevaux s'expriment les profiteurs alliés aux bien pensants et le cri de souffrance de la misère.

 

Après le massacre d'un grand nombre de civils, Louis-Napoléon Bonaparte a pris le pouvoir, chose que Victor Hugo n'a pu supporter. Ainsi, il a choisi de s'exiler sur l'île de Jersey afin de montrer son mécontentement et y a écrit son recueil "Les Châtiments". « Fable ou Histoire » est un de ses textes, dénonçant les horreurs que l'empereur commit lors de ce massacre. Cette étude s'interroge sur la manière dont l'auteur dénonce ces faits de façon implicite et comment il justifie son écriture. Pour ce faire, elle étudie la généralisation des faits grâce au modèle de la fable, puis un Napoléon III métamorphosé en singe. Pour finir, elle souligne le but de la fable à travers la présence de Victor Hugo et du peuple.

Extrait du document:

L'auteur cherche à rendre le cadre spatio-temporel le plus neutre possible lorsqu'il écrit une fable qui a pour but de dénoncer quelque chose de façon implicite. La seule indication de temps présente dans tout le poème est «un jour» au premier vers : l'époque n'est pas révélée pour que l'action soit généralisée. Cette indication de temps ainsi que les temps du récit, le passé simple et l'imparfait, créent une mise à distance et donne l'impression que l'histoire s'est passée durant une époque lointaine.

 

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