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Molière Dom Juan Acte I Scène 1

Publié le 18/10/2010

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juan

 

DOM JUAN OU LE FESTIN DE PIERRE Comédie

ACTE I, SCÈNE PREMIÈRE (…)La scène est en Sicile.

SGANARELLE, GUSMAN..

GUSMAN.- Quoi, ce départ si peu prévu, serait une infidélité de Dom Juan? Il pourrait faire cette injure aux chastes feux de Done Elvire?

SGANARELLE.- Non, c'est qu'il est jeune encore, et qu'il n'a pas le courage.

GUSMAN.- Un homme de sa qualité ferait une action si lâche?

SGANARELLE.- Eh oui; sa qualité! La raison en est belle antiphrase et c'est par là qu'il s'empêcherait des choses.

GUSMAN.- Mais les saints nœuds du mariage le tiennent engagé.

SGANARELLE.- Eh! mon pauvre Gusman, mon ami, tu ne sais pas encore, crois-moi, quel homme est Dom Juan.

GUSMAN.- Je ne sais pas de vrai réplique par écho quel homme il peut être, s'il faut qu'il nous ait fait cette perfidie; et je ne comprends point, comme après tant d'amour, et tant d'impatience témoignée, tant d'hommages pressants, de vœux, de soupirs, et de larmes, tant de lettres passionnées, de protestations ardentes, et de serments réitérés; tant de transports enfin, et tant d'emportements qu'il a fait paraître, jusqu'à forcer dans sa passion l'obstacle sacré d'un couvent, pour mettre Done Elvire en sa puissance; je ne comprends pas, dis-je, comme après tout cela il aurait le cœur de pouvoir manquer à sa parole.

SGANARELLE.- Je n'ai pas grande peine à le comprendre moi, réplique par écho inversé et si tu connaissais le pèlerin, tu trouverais la chose assez facile pour lui. Je ne dis pas qu'il ait changé de sentiments pour Done Elvire, je n'en ai point de certitude encore; tu sais que par son ordre je partis avant lui, et depuis son arrivée il ne m'a point entretenu, mais par précaution, je t'apprends (inter nos,) que tu vois en Dom Juan, mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, ni Enfer, ni loup-garou, qui passe cette vie en véritable bête brute, en pourceau d'Epicure*, en vrai Sardanapale, qui ferme l'oreille à toutes les remontrances qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons*. Tu me dis qu'il a épousé ta maîtresse, crois qu'il aurait plus fait pour sa passion*, et qu'avec elle il aurait encore épousé toi, son chien, et son chat. Un mariage ne lui coûte rien à contracter, il ne se sert point d'autres pièges pour attraper les belles, et c'est un épouseur à toutes mains, dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud, ni de trop froid pour lui; et si je te disais le nom de toutes celles qu'il a épousées en divers lieux, ce serait un chapitre à durer jusques au soir. Tu demeures surpris, et changes de couleur à ce discours; ce n'est là qu'une ébauche du personnage, et pour en achever le portrait, il faudrait bien d'autres coups de pinceau,mét. filée suffit qu'il faut que le courroux du Ciel l'accable quelque jour: qu'il me vaudrait* bien mieux d'être au diable, que d'être à lui, et qu'il me fait voir tant d'horreurs, que je souhaiterais qu'il fût déjà je ne sais où; mais un grand seigneur méchant homme est une terrible chose; il faut que je lui sois fidèle en dépit que j'en aie,antithèse la crainte en moi fait l'office du zèle, antithèse bride mes sentiments, et me réduit d'applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste antithèse. Le voilà qui vient se promener dans ce palais, séparons-nous; écoute, au moins, je t'ai fait cette confidence avec franchise, et cela m'est sorti un peu bien vite de la bouche; mais s'il fallait qu'il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti.

La perfidie de Dom Juan   La découverte du vrai Dom Juan 

Le Ciel

 

DOM JUAN OU LE FESTIN DE PIERRE Comédie

ACTE I, SCÈNE PREMIÈRE (…)La scène est en Sicile.

 

Introduction

Tout début. Acte d’exposition et scène d’exposition sans DJ. Un des valets va présenter  à l’autre la véritable nature de DJ, alors qu’il est gentilhomme.

Enjeu : le dévoilement de la véritable identité de DJ, sa scélératesse.

Composition

1) Jusqu’à « il aurait le cœur de pouvoir manquer à sa parole « demande de renseignements de Gusman, avec une prédominance du conditionnel. 

2) Jusqu’à la fin : tirade de Sganarelle, qui répond, et explicite la scélératesse de son maître Le mode passe à l’indicatif : il sait !

Analyse

1) La position de G. est immédiatement donnée ! Il utilise le mode conditionnel : questionnements. Agitation : quoi ? Son étonnement s’amplifie, il pourrait faire INJURE, les termes sont forts, en opposition aux chastes feux d’Elvire (presque une oxymore.) Sganarelle tente de le couvrir en invoquant sa jeunesse, et son manque de courage à quitter D.E. (le NON concernerait l’infidélité, qui va pourtant s’avérer fondée). Même S. n’imagine pas à ce point la raison de ce départ ‘non prévu’. Puis Gusman oppose la qualité de l’homme (l’extraction sociale, le haut rang de DJ) à sa lâcheté, à quoi S. oppose par dérision une antiphrase en balayant le rapport entre le rang social et la grandeur d’âme. Et à la stupéfaction de G. il répond sans répondre, à propos du véritable DJ, en insistant sur une éventuelle révélation pénible : mon pauvre G…, Crois-moi, tu ne sais pas encore, quel homme est… Ce prolongement du suspens accroît la tension dramatique, où s’entrecroisent les répliques par écho. G. reprend la même phrase, et par sa réplique formée d’accumulations juxtaposées, il fait comprendre au spectateur le parcours de la relation entre DJ et DE : la déclaration qui passe par des manifestations émotives (impatience, larmes, soupirs, larmes, transports), verbales (hommages, lettres, protestations, serments…) et l’action la plus décisive, l’enlèvement du couvent. Aussi sa question, presque existentielle porte bien sur l’inimaginable. Comment DJ pourrait-il « manquer à sa parole «, après une telle apparence de densité affective et amoureuse hors du commun ?

2) Dans sa tirade, S va utiliser toutes sortes de procédés rhétoriques (étonnants dans la bouche d’un valet), dans une sorte d’explosion verbale qui va définir DJ un peu à sa manière, avec toute la démesure convenant à la démesure noire du personnage : sans être vraiment sûr de l’infidélité, S. confirme néanmoins qu’il est facile pour son maître d’agir de cette façon, et l’auditeur en conclut donc que c’est loin d’être la première fois. L’hyperbole (le plus grand scélérat/ l’énumération formée de métaphores bestiales ou hors Eglise !!! et deux groupes ternaires successifs qui concentrent chacun la scélératesse du personnage : ne croit ni Ciel, ni enfer, ni loup-garou (sorte de monde intermédiaire ! / et les allusions historiques (Sardanapale, le tyran aux mille femmes), Epicure, le philosophe prônant le plaisir immédiat. N’écoutant personne, et hyperbolique jusque dans son mariage, avec l’aspect comique du groupe ternaire de possibles ‘épousés’ : toi, son chien, son chat. Les allusions réitérées au monde animal classe DJ dans un monde non humain. La valeur du mariage est nulle : le mariage (sacré pour es catholiques !!!) n’est qu’un piège pour attirer toutes les belles. Rien ne lui échappe, ni le froid, ni le chaud, et il a épousé de nombreuses fois (hyperbole dans l’idée, jusqu0au soir). G. commence à laisser transparaître sa réaction…(surprise, changement de couleur), Le portrait n’est pas encore assez chargé, et dans la suite , S. évoque le ciel et son courroux, qu’il est pire que le diable, et qu’on vaudrait le voir ‘je ne sais où’ : ce groupe ternaire annonce la fin de la pièce. Puis curieusement, S. avoue qu’il le sert par crainte, et cette crainte a 3 effets (gr.ternaire) : fait office de zèle, bride ses sentiments , et le fait applaudir à ce qu’il déteste. Cet autoportrait peu flatteur étonne ; et l’hypocrisie de S. tout à coup heurte également, puisqu’il démentira ses propos en cas d’accusation. 

Conclusion

Cette logorrhée verbale, construite comme un plaidoyer en défaveur de DJ, avec toute la panoplie des figures de rhétorique, avec brio et un talent certain correspond moins à la qualité propre de S. qu’à la puissance de séduction vertigineuse et élégante de son maître, qui tout en apparaissant dans une noirceur ignoble, reste habillé d’un discours chatoyant, brillant et trompeur, correspondant à son comportement fondamental.

 

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