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Un monde humain sans affrontements est-il pensable ?

Publié le 17/03/2006

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L’affrontement peut se comprendre comme un cas de la violence : Guerres, intrigues, révolutions, duels, mais aussi controverses, querelles d'écoles et de chapelles, conflits idéologiques, etc. : le monde humain est un monde dans lequel les hommes ne cessent de s'affronter, individuellement et collectivement, sur tous les terrains. En même temps, devant les maux engendrés par les conflits qui les opposent, les hommes désirent – et imaginent – un monde humain sans affrontement. Précisément, le projet d'un tel monde n'est-il pas illusion, pure utopie? A considérer, à la façon du Micromégas de Voltaire, le monde des hommes comme il va, dans sa réalité présente et passée, il semble qu'on ne puisse pas penser ce monde autrement que comme un champ de bataille, et que l'idée d'un monde humain sans affrontement ne soit pas autre chose que la fiction d'un monde imaginaire, d'un monde autre que celui où vivent réellement les hommes. On peut même se demander si une telle idée a la moindre consistance et si le désir de paix lui-même est authentique. Ou s’il est seulement pensable mais non réalisable.

Dans la mesure où la notion d'affrontement évoque immédiatement celle de guerre ou, plus généralement, de conflit violent et destructeur entre deux ennemis, le sujet paraît nous reconduire, en première lecture, à la problématique traditionnelle de la nature humaine d'une part, notamment à la question de savoir si l'homme est naturellement bon ou naturellement méchant, à une réflexion sur l'utopie d'autre part, c'est-à-dire sur la possibilité historique d'un monde sans violence. Et l'équivocité du mot «pensable« dans notre langue, qui signifie à la fois «concevable« et «possible«, appelle une telle réflexion. Or, le terme d'affrontement renvoie également à des formes pacifiques de confrontation entre deux adversaires (compétition ou « rencontre « sportive par exemple) où la lutte n'est pas l'occasion d'une destruction réciproque des antagonistes mais une émulation qui rend l'un et l'autre des deux protagonistes meilleurs et plus forts et qui, les poussant à « se dépasser «, permet d'aboutir le cas échéant à un progrès pour l'espèce humaine tout entière (l'établissement d'un nouveau record sportif, par exemple, qui repousse les limites du corps humain) ? L'affrontement prend ainsi une valeur et une signification positives : de preuve d'agressivité déplorable et nocive chez l'être humain, il devient une condition du progrès général de l'humanité. Pour prendre un autre exemple, les luttes révolutionnaires ne sont-elles pas nécessaires à l'instauration d'un meilleur état de choses pour les hommes, d'une société plus juste et plus heureuse? La question est alors la suivante : un monde humain sans affrontement est-il pensable ?

Si un monde humain sans affrontement semble être un but vers lequel on doit tendre (1ère partie), force et de constater qu’il y a une séparation nette entre le pensable et le réalisable (2nd partie) ; mais qu'il soit une donnée de la nature humaine ou un effet de l'histoire, l'affrontement n'est-il pas à ce point constitutif de la réalité humaine, à ce point producteur d'humanité ? (3ème partie).

« a) S'il apparaît difficile de voir la réalité d'un monde humain sans affrontement, c'est bien parce que l'on estfoncièrement insociable comme le note Kant dans l' Idée d'une histoire universelle d'un point de cosmopolitique . L'homme tend toujours à confondre sa liberté naturelle et sa liberté civile c'est-à-dire à abuser de sa liberté.

Mais ildoit nécessairement se lier à autrui.

Il y a donc affrontement et cela nécessairement.

Il ne faut pas oublierqu'effectivement la violence est tout de même le fruit de la volonté humaine comme le précise Kant dans ses Conjectures sur les débuts de l'histoire de l'humanité .

Dans l'hypothèse d'un Dieu, ce dernier a voulu la liberté de l'homme et c'est l'effet de la volonté humaine, de son usage qui explique l'émergence du mal et de la violence.

Plusexactement, si l'histoire de l'humanité voulue par Dieu commence par le bien, le tâtonnement de la liberté del'homme l'a conduit au mal.

Dès lors nous n'avons pas affaire à une théodicée mais à une anthropodicée ce n'estdonc pas le fait d'une volonté transcendante si le mal existe mais bien de l'homme comme Kant le développe dans La Religion dans les simples limites de la raison .

L'essentiel est alors d'obtenir une « conversion des cœurs » par l'effet de la morale.

On peut comprendre la difficulté inhérente au sujet lui-même : il y a une distinction essentiel àfaire entre ce qui est pensable et ce qui est connaissable ou ici qui est réalisable.

En effet, je peux par exemplepenser l'existence d'une chimère mais cela ne la fait pas exister comme on pourrait le voir chez Kant dans la Critique de la raison pure .

Et en effet la question ici du pensable ne renvoie pas tant au « que dois-je faire ? », ou « que puis-je savoir ? » qu'au « que puis-je espérer ? »b) En effet, comme le constate Durkheim dans les Règles de la méthode en sociologie : la violation du droit est « normale », il n'y a pas une société où cela échappe.

Dès lors cela signifie que l'affrontement entre les êtreshumains est toujours existante, et toujours présente.

Mais avec l'évolution des sociétés on pourrait voir unediminution de cette normalité du crime.

Mais rien ne permet de croire à la réalité de cette régression.

Plutôt unmouvement inverse.

Faire du crime ou de l'affrontement entre individu une maladie sociale, ce serait admettre que lamaladie n'est pas quelque chose d'accidentel, mais au contraire, dérive, dans certains cas, de la constitutionfondamentale de l'être vivant ; ce serait effacer toute distinction entre le physiologique et le pathologique.

Le crimepeut être anormal (par excès morbide par exemple) ; mais il n'est pas douteux que ce qui est normal, c'estsimplement qu'il y ait une criminalité.

La force du sentiment permet de faire passer d'un blâme moral à l'état decrime.

Ainsi, un monde sans affrontement paraît impensable.c) En effet, comme le remarque Freud dans Malaise dans la civilisation on peut constater une agressivité naturelle de l'homme, consubstantielle à lui-même.

L'homme n'est pas l'être débonnaire assoiffé d'amour mais au contraire, unêtre qui porte en lui une somme d'instincts d'agressivité.

Le prochain pour lui n'est pas seulement un auxiliaire et unobjet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation.

Il est tenté de satisfaire ses besoins de violence : « Homohomini lupus : qui aurait le courage, en face de tous les enseignements de la vie et de l'histoire, de s'inscrire en fauxcontre cet adage ? ».

La violence se rattache à l'une des deux pulsions fondamentales de l'homme à savoirThanatos c'est-à-dire une pulsion de destruction et finalement une pulsion de mort ; l'autre étant Eros pulsion deconservation.

En ce sens, la nature humaine semble traversée par cette nécessité de la violence.

L'affrontement estalors nécessaire entre les individus.

Transition : Ainsi si un monde humain sans affrontement est pensable, il semble bien impossible dans les faits.

Bien plus,l'affrontement et la violence sont inhérentes à la nature humaine.

Mais pourtant, n'est-ce pas jusqu'à présent avoirune vision négative de l'affrontement et de la violence ? N'est-elle pas justement nécessaire à la formation dumonde et de soi ? III – Positivité de l'affrontement comme construction du monde et de soi a) En effet, un affrontement est aussi édificateur, il est à l'origine de la conscience et de l'histoire humaine.

Et c'estbien cet aspect que met en exergue Hegel avec la fameuse dialectique du maître et de l'esclave dans Phénoménologie de l'esprit .

Hegel voit dans le conflit et la violence (c'est-à-dire l'affrontement) une loi de la vie humaine : c'est l'asservissement de la conscience d'autrui.

Toute conscience poursuit la mort de l'Autre.

Cette mortpar la conscience n'est pas une mort physique d'autrui.

Il s'agit d'une suppression dialectique.

La violence au coursde l'affrontement par rapport à autrui est constitutive ou édificatrice de la conscience, et de la reconnaissanceenvers autrui.

Donc à partir des mouvements opposées des consciences de soi Hegel remarque que chaqueconscience veut la mort de l'autre : c'est une lutte à mort, un affrontement, en vue de la reconnaissance qui formele noyau des relations humaines.

Sans la violence en vue de dominer l'autre, la conscience humaine ne pourraits'engendrer.

Or si l'affrontement crée le moi, il crée aussi le processus historique.b) Pour Hegel , comme on peut le tirer des paragraphes 432 – 433 dans son Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiques , l'affrontement constitue la négativité inscrite en tout être humain : « ce travail du négatif » par lequel se développe le jeu des contraires, le devenir.

En effet, la violence dans l'histoire est une lutte, unaffrontement, pour la reconnaissance, à la vie à la mort : négation exclusive qui exprime un rapport de dominationet de servitude.

Et c'est en ce sens que l'on peut comprendre l'émergence des Etats : « La violence qui est le fondde ce phénomène n'est point pour cela fondement du droit quoique ce soit le moment nécessaire et légitime dans lepassage de l'état où la conscience de soi est plongée dans le désir de l'individualité, à l'état de la généraleconscience de soi.

C'est le commencement extérieur ou phénoménal des Etats, mais non leur principe substantiel.

»La relation entre les Etats est un rapport de force d'où l'usage possible de la violence : c'est-à-dire unaffrontement.

Ainsi, de même que pour la conscience la violence dans sa positivité est un mal nécessaire, pourl'avènement de l'Etat et le devenir historique la violence exprime aussi sa positivité édificatrice.c) Or si dans ces développements un affrontement est un mal nécessaire dans sa positivité, il n'en reste pas moinsque dans certains cas, la violence de l'affrontement dans la manifestation négative de la guerre peut aussi être un. »

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