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La morale peut-elle résister au dévoilement de ses origines ?

Publié le 10/03/2004

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morale

• De très nombreux auteurs, philosophes ou non, ont abordé le problème de la morale. Cependant, peu d'entre eux ont analysé ses fondements avec autant de précision que Nietzsche (la racine psychologique de la morale) et Kant (le devoir est a priori). Ces deux conceptions vous permettent de répondre à la question posée.  • Il faut, par conséquent, bien définir la notion de morale dans votre analyse des termes (« ensemble de règles de conduite « ou « science des fins «).  Néanmoins, n'oubliez pas les autres termes de la question :  — dévoilement : le fait de découvrir ce qui est secret ;  — origines : essentiellement, ici, le principes explicatifs et la raison d'être ;  — résister : ne pas être détruit, ne pas être affaibli, se maintenir;  — peut : le verbe pouvoir exprime, ici, essentiellement la capacité.    • Le sujet pose, très directement, le problème de la valeur de la morale elle-même et de l'estime que l'homme doit accorder à ses prescriptions.  • Le plan sera du type à la fois dialectique et progressif. On explorera les théories nietzschéennes et kantiennes.  — La morale ne semble guère résister au dévoilement de ses origines : c'est la théorie du « fondement psychologique «, développée par Nietzsche.  — La morale peut résister à ce dévoilement : ceci correspond à la « morale du créateur « (Nietzsche également).  — La morale et l'impératif catégorique kantien : l'exigence morale est idéale et a priori.  

morale

« travers une espèce d'évidence et même de transparence, néanmoins ils résultent d'un processus et d'uneorganisation que Nietzsche, en des analyses célèbres, dévoila.

La mise à jour du travail psychologique qui engendrala morale peut, grosso modo, être présentée de la manière suivante.

Les valeurs morales et les énoncés moraux— ceci est bien, ceci est mal, ceci est digne de pitié, d'estime, etc.— trouvent leur origine dans le ressentiment et l'esprit de vengeance.

Ceux qui ne sont pas en mesure de créer,d'inventer, de faire, d'agir, qui ne peuvent et ne savent accéder aux vraies joies de la vie et de l'action, vont, parimpuissance existentielle, par misère spirituelle, se venger : ils forgent alors les valeurs morales, le bien, le mal, lesalut, la morale tout entière, pour compenser leur infinie misère existentielle.

C'est le négatif de leur existence, cesont les manques de cette existence qu'ils vont ériger en Normes, en Valeurs, en Morale.

En somme, dévoiler lesorigines de la morale, c'est manifester les manques psychologiques qui aboutirent à la construction de cette morale,c'est faire, en quelqueLa pratique et les finssorte, la «toilette psychologique» des «inventeurs» de notre morale «judéo-chrétienne».

Ainsi, dans la Généalogiede la morale, ce « dévoilement des origines » est mené de la manière suivante : Nietzsche y considère la moralecomme une entreprise née de l'impuissance et trouvant sa source dans le ressentiment des esclaves à l'égard desmaîtres.

Dans ce processus, tout ce qui est faible, mutilé et impuissant s'érige en vertu par mensonge.

Bienentendu, quand Nietzsche nous parle des « esclaves » ou des « maîtres », il convient de ne pas faire de contresenssur ces termes : les maîtres sont les créateurs et les esclaves, ceux qui ne savent ni inventer ni créer.

Ces derniersont forgé l'idéal, œuvre de la faiblesse et du mensonge, par esprit de vengeance, par impuissance et renoncement.« La révolte des esclaves dans la morale commence lorsque le ressentiment lui-même devient créateur et enfantedes valeurs : le ressentiment de ces êtres, à qui la vraie réaction, celle de l'action, est interdite et qui ne trouventde compensation que dans une vengeance imaginaire.

Tandis que toute morale aristocratique naît d'une triomphaleaffirmation d'elle-même, la morale des esclaves oppose dès l'abord un « non » à ce qui ne fait pas partie d'elle-même, à ce qui est « différent » d'elle, à ce qui est son « non-moi » : et ce non est son acte créateur » (Nietzsche,Généalogie de la morale, 1° Dissertation, p.

45, Coll.

Idées).Ainsi, dévoiler l'origine de la morale, c'est manifester son acte de naissance psychologique.

Ressentiment,impuissance et haine de soi forment la source et le processus qui engendrent les valeurs.

Ce furent la mort, latristesse, l'absence de joie et de vie, qui furent au fondement de la morale et des valeurs chrétiennes.

Or, il semble,en première apparence tout au moins, que la morale ne puisse ici résister au dévoilement de ses origines.

Commentle pourrait-elle ? Au lieu de trouver dans la morale l'affirmation d'une vraie transcendance, on n'y décèle que leressentiment et la haine de soi.

Par conséquent, il semble que la morale ne résiste pas au dévoilement opéré, qu'ellesoit condamnable et entièrement critiquable : la morale ne résiste pas à la mise à jour du processus qui l'engendra,elle est à rejeter, puisque née de l'impuissance, du ressentiment et des forces de mort.

« Résister», pour la morale,serait supporter, sans faiblir, ce qui est pénible et dangereux.

Mais l'opération de dévoilement que nous avons miseà jour, opération pleine de périls, semble conduire à la destruction d'énoncés moraux, fruits de l'impuissance ou desforces de mort.

Comment la morale pourrait-elle résister à la manifestation de ses origines, alors qu'elle signifietriomphe de la vie faible sur les puissances actives ? Le dévoilement des origines de la morale est bel et biendangereux pour elle : il nous signale qu'elle ne vaut rien, seulement un « nihil », un rien, puisqu'elle repose sur lamort et semble née d'elle. B) Néanmoins, la morale de la création résiste au dévoilement des origines de la morale. La morale, à la fois comme ensemble de prescriptions et de jugements concernant le Bien et le Mal, le juste etl'injuste, mais aussi comme théorie des valeurs raisonnée et réfléchie, serait-elle condamnée et destinée à tomberen poussière devant le dévoilement opéré, doit-elle apparaître nécessairement comme privée de valeur et designifications positives ? Le sujet posait le problème de la valeur réelle de nos valeurs morales et il semble,maintenant, que la morale ne soit guère digne d'estime.Néanmoins, déjà, à un premier niveau d'analyse, on remarquera que toute morale ne signifie pas néant ni absence devie, que certains énoncés axiologiques se relient à la plénitude de l'âme créatrice, à la surabondance existentielle etvitale.

C'est à la joie et à l'affirmation joyeuse que se rattachent les nouvelles tables de valeurs de Zarathoustra.Une fois brisées les anciennes tables, le créateur en inventera de nouvelles, fidèles à la vie et à la terre, etrésistant donc fermement au dévoilement premier de l'origine des valeurs.

Ainsi, dans l'acte même où la morale estréduite, reprise, ramenée à une simple expression de la volonté de vengeance, se crée une autre morale, irréductibleet supportant sans faiblir l'examen.

Ce qui constitue l'homme, ce ne sont pas seulement les forces de ressentimentet de faiblesse, mais aussi les forces actives, celles qui peuvent créer, qui ne restent pas dans l'élément du négatifet de la vengeance.

Dès lors, une vraie morale se dessine, ensemble d'énoncés axiologiques correspondant aumoment de la création et de la joie.

« Voyez-les, ces bons et ces justes ! Quel est celui qu'ils haïssent le plus ?C'est celui qui brise leurs tables de valeurs, le brise-tout, le criminel ; or celui-là, c'est le créateur » (Nietzsche,Ainsi parlait Zarathoustra).Loin donc que toute morale s'effondre devant le dévoilement opéré, elle ressurgit en lui, comme exigence liée auxvertus affirmatives, à la reconnaissance envers la terre et la vie, comme morale de l'immanence pure, pétrie defidélité vis-à-vis de la terre et des choses.

Cette éthique, triomphante, se tenant ferme et résistant au soupçon,c'est celle de la joie, celle-là même qui inspirera le grand cri de Gide dans les Nourritures terrestres.

« Ne souhaitepas, Nathanaël, trouver Dieu ailleurs que partout.

» Or, les normes créatrices surgissent au sein même de cetteaffirmation absolue, dans ce contact avec la terre et les choses, où l'esprit retrouve sa noblesse.Ainsi, si l'on s'efforce, avec Nietzsche, d'interpréter la morale à partir d'un processus psychologique de ressentimentet de vengeance, néanmoins une nouvelle morale ressurgit, intacte, éclairée par les forces de vie et de création.Mais ne peut-on aller plus loin dans l'effort pour appréhender soit une éthique soit une morale résistant audévoilement opéré ?. »

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