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LA MORALE AU XVIIIe siècle

Publié le 28/06/2011

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morale

C'était ici la grande épreuve, franchement acceptée. Comme on reconnaît l'arbre à ses fruits, la valeur d'une philosophie se mesure à la bienfaisance de son action. La morale chrétienne étant une fois pour toutes écartée, il en fallait une qui fût plus haute et plus pure. Sinon, l'œuvre totale était manquée. De la morale stoïcienne nous ne voulons plus. Nous avons une certaine estime pour Zénon, mais nous préférons Epicure ; nous admirons Sénèque, l'ennemi du despotisme, mais ce serait un conseiller trop austère pour nous guider vers la joie. — De la morale mondaine nous ne voulons glus. Dans les préceptes que Mme de Lambert adressait à son fils et à sa fille, dans ceux que Lord Chesterfield adressait à Chesterfield le jeune, et dans tant d'autres lettres, avis, traités, nous ne trouvons jamais qu'un relent du dix-septième siècle. Nous ne voulons plus que l'honnête homme soit notre guide, il est attardé; ses qualités s'acquièrent à trop vil prix pour que nous en soyons jaloux; beaucoup de suffisance, une fortune aisée, des vices applaudis, constituaient son patrimoine; la vertu n'y entrait pour rien, et tous les honnêtes gens du monde ne valent pas un homme vertueux.

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« de ce principe des conséquences extrêmes : si un homme vole un cheval, c'est qu'il a commis une erreur au sujet dece cheval, n'ayant pas compris que le cheval était la propriété d'un autre homme.

Il lui suffisait de mieuxcomprendre pour ne pas voler.La raison est la grande loi du monde, l'Etre suprême lui-même est soumis à la Vérité qui, dans Tordre théorique,reste le fondement de la moralité ; de sorte que cette dernière ne vient pas de lui, mais d'une puissance qui est au-dessus de lui, de la Raison éternelle.

Ne faut-il pas, pour concevoir l'exercice d'un pouvoir infini, qu'il y ait despossibles indépendants de ce pouvoir ? Ne faut-il pas, pour concevoir la manifestation d'une volonté divine, qu'il yait des volontés indépendantes de cette volonté? Autrement, la volonté divine se serait créée elle-même, ce qui estimpossible à supposer.

Pareillement, s'il n'y avait pas une moralité indépendante de la divinité, il ne saurait y avoird'attributs moraux de cette divinité.Nature empirique ou nature rationnelle : la morale devait être naturelle, ou n'être pas.Les conséquences de ces principes iront divergeant.

Mais si nous voulons marquer ici les volontés communes, nousconstatons que deux données au moins furent admises comme certaines par la plupart des moralistes du temps.La première : légitimité de l'amour-propre.

« Il n'est point d'amour désintéressé.

» — « Cette forte affection que lapure nature nous inspire pour nous- mêmes, nous dicte nos devoirs envers notre corps et envers notre âme.

»* — «L'amour du bien-être, plus fort que celui de l'existence même, devrait être à la morale ce que la pesanteur est à lamécanique.

» Ou pour le dire plus prosaïquement, comme Mme d'Épinay à l'abbé Galiani, dans une lettre du 29septembre 1769 : « La première loi est d'avoir soin de soi, n'est-ce pas ? »Tel est le fait d'observation, indéniable; il offre en outre l'avantage d'être à la portée de tout le monde.

Ni lechristianisme, ni la philosophie n'ont amené la vertu sur la terre ; sans doute parce qu'on s'est trompé sur les motifsqu'on invoquait pour recommander la vertu.

Il faut, pour recommencer la tâche, invoquer auprès du vulgaire unprincipe plus général et plus simple que l'amour divin, que l'amour de la pure sagesse : ce sera l'amour-propre.Entendons-nous bien : il ne saurait être question d'un déchaînement de l'égoïsme, sans frein.

La raison doit diriger lacomplaisance qui nous porte à poursuivre notre intérêt; elle choisit, elle montre que notre bonheur n'est ni celui desbrutes, dont nous nous séparons par les plus hauts de nos attributs, ni celui des anges, inaccessible; elle distingueentre la qualité des plaisirs, elle les hiérarchise suivant une loi de modération, elle conseille de les abandonner dèsqu'ils menacent de devenir tyrannie : bref elle reste dominatrice.

« Qu'est-ce que le vice et qu'est-ce que la vertu ?Le vice, je pense, n'est autre chose que l'excès, l'abus, la mauvaise application des appétits, des désirs, despassions, qui sont naturels et innocents, voire même utiles et nécessaires.

La vertu consiste dans la modération etdans le gouvernement, dans l'usage et dans l'application de ces appétits, de ces désirs, de ces passions, enconformité avec les règles de la raison, et donc en opposition, souvent, à leurs impulsions aveugles.

»A ce point apparaît la seconde affirmation, qui marque la limite de la première; la recherche de notre intérêt doit nepas nuire à l'intérêt d'autrui ; et aussi bien, n'y a-t-il pas de bonheur individuel sans bonheur collectif. LE SAGEQuels sont, à votre avis, les devoirs de l'homme?LE PROSELYTEDe se rendre heureux.

D'où dérive la nécessité de contribuer au bonheur des autres, ou, en d'autres termes, d'êtrevertueux. Vertu égale sociabilité.

Le baron d'Holbach a défini cette sociabilité vertueuse : « La sociabilité est dans l'homme unsentiment naturel, fortifié par l'habitude et cultivé par la raison.

La nature en faisant l'homme sensible lui inspiral'amour du plaisir et la crainte de la douleur.

La société est l'ouvrage de la nature, puisque c'est la nature qui placel'homme dans la Société...

L'homme est sociable, parce qu'il aime le bien-être et se plaît dans un état de sécurité.Ces sentiments sont naturels, c'est-à-dire découlent de l'essence ou de la nature d'un être qui cherche à seconserver, qui s'aime lui- même, qui veut rendre son existence heureuse et qui saisit avec ardeur les moyens d'yparvenir.

Tout prouve à l'homme que la vie sociale lui est avantageuse; l'habitude l'y attache et il se trouvemalheureux dès qu'il est privé de l'assistance de ses semblables.

Voilà le vrai principe de la sociabilité.

» Mais c'estd'Alembert, peut-être, qui a le mieux marqué la liaison, quand il a prononcé, au chapitre iv de ses Eléments dephilosophie : « La morale est peut-être la plus complète de toutes les sciences, quant aux vérités qui en sont lesprincipes, et quant à l'enchaînement de ces vérités.

Tout y est établi sur une seule vérité de fait, maisincontestable sur le besoin mutuel que les hommes ont les uns des autres, et sur les devoirs réciproques que cebesoin leur impose.

Cette vérité supposée, toutes les règles de la morale en dérivent par un enchaînementnécessaire...

Toutes ces questions qui tiennent à la morale ont dans notre propre cœur une solution toujours prête,que les passions nous empêchent quelquefois de suivre, mais qu'elles ne détruisent jamais ; et la solution de toutesles questions aboutit toujours par plus ou moins de tranches à un tronc commun, à notre intérêt bien entendu,principe de toutes les obligations morales.

»L'intérêt de l'individu et l'intérêt du groupe ne s'opposent-ils donc jamais ? — Jamais.

En apparence, le secondsemble exiger renoncements, abandons, sacrifices : mais ceux-ci tournent toujours au profit de qui les consent.L'égoïste intégral se punirait lui-même en s'isolant.

La réciprocité est absolue : en travaillant pour autrui on travaillepour soi-même; l'obligation de chacun est celle de tous.Mais les voyages et l'histoire ne rapportent-ils pas d'étranges variations de la morale, suivant les sols, suivant leciel? On rencontrait au bout du monde des sauvages qui mangeaient les vieillards de la tribu; les Lacédémonienshonoraient le vol, pour lequel on condamnait aux mines chez les Athéniens ; il était défendu à un homme d'épousersa sœur dans la Rome antique ; mais il était permis d'épouser la sœur de son père, chez les Egyptiens...

A quoi l'onrépondait que l'on variait, en effet, sur l'interprétation de certaines valeurs, mais non pas sur l'idée du permis et dudéfendu.

Quelques cas isolés prévalaient-ils contre la loi de l'intérêt général, présente à tous les esprits, inscrite. »

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