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La mort est-elle la vérité de l'existence ?

Publié le 11/08/2004

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La mort peut apparaître comme le moment de vérité de l?existence. En effet, la mort permet de relire rétrospectivement le projet que l'homme a porté en lui et développer. C'est en ce sens que l'on peut faire l'éloge ou blâmer un homme à la mort de ce dernier : cela permet de faire le calcul de son action, de ses bienfaits et de ses méfaits. Mais bien plus, si l'on peut parler de vérité, c'est déjà parce que l'existence, en tant qu'existence biologique, tend nécessairement vers la mort. Tout être biologique contient génétiquement le moment de sa mort. Sa croissance est mûrissement et dépérissement. Si la mort semble pouvoir être pensée comme le moment de vérité de l'existence, c'est aussi parce qu'il semble qu'elle soit le seul moment authentique de la vie de l'homme. Plus exactement, le seul moment où l'homme se retrouve seul face à lui-même. Il ne peut plus dire « on « (signe d'inauthenticité) mais « je « : on meurt toujours seul ; autrui me survie. Et c'est bien cette solitude et ce moment authentique du vrai qui est cause d'angoisse. Pourtant, peut-on réduire une vie, l'existence à cette simple fatalité ? A quoi bon sinon ? En effet, mon projet d'existence traverse systématiquement la mort. Elle n'est rien pour moi et lorsqu'elle advient je ne suis déjà plus. La mort n'est pas un obstacle à mon développement. Je fais toujours des projets sans m'en soucier. Je peux mourir demain mais rien n'y fait, elle peut être cause d'angoisse mais simplement par cause de l'imagination, par la simple impossibilité de se penser « être péri «. Dès lors, il s'agit de s'interroger radicalement sur la pensabilité de la mort.

« 111.

Passion d'exister ou sagesse de vivre? • Philosopher est apprendre à mourir : c'est la leçon du Phédon de Platon. Le corps est letombeau del'âme (Cratyle) La théorie de la réminiscencestipule que c'est en s'incarnantdans le corps que l'âme oublie laconnaissance des idées acquisedans un autre monde.

C'est doncen se délivrant du corps que l'âmeretrouvera pleinement son pouvoirde connaissance.

Ce méprisclassique du corps sera interprétépar Nietzsche comme un mépris dela vie.Plus généralement, la philosophieest accès à l'intelligible et doncrefus du sensible.

Philosopher,c'est apprendreà mourir ausensible(Phédon) Il faut mourir à la vie du corps et du sensible, par souci de son âmeimmortelle.

La passion de l'existence renverse ce motif à la manière tragique -sans immortalité consolatrice.

La mort serait la vérité de l'existence, la seulepensée qui ne nous détourne pas de notre condition et qui accepte del'affronter dans sa finitude, sans la garantie facile de l'au-delà. • Tant que l'heure semble lointaine, je peux négliger de penser à ma mort.

Mais celui qui sent que sa mort estproche éprouve parfois une extrême angoisse.

La mort apparaît alors, non plus comme une certitude objective (tousles hommes sont mortels ; or je suis un homme ; donc je suis mortel), mais comme un événement qui me concernede façon unique et singulière, et en face duquel je me trouve radicalement seul et démuni.

C'est pourquoi d'autresphilosophes estiment qu'il n'y a pas d'authentique sagesse sans une méditation constante de la mort.Les stoïciens, par exemple, nous suggèrent de vivre chaque journée comme si c'était la dernière.

Pour eux, la vien'est qu'un prêt que les dieux nous ont consenti.

Leur plaît-il de nous demander la restitution de ce prêt ? Il fautnous y résoudre sans tarder ni protester.

C'est cette leçon que retiendra Montaigne.

Pour ce dernier, la conditionhumaine s'inscrit fondamentalement dans la précarité et dans l'insécurité : « Le but de notre carrière, c'est la mort».

Mais si celle-ci nous effraie, comment goûter aux joies présentes sans fièvre ni angoisse ? Alors que la plupartdes gens remédient à leur crainte en choisissant de ne jamais penser à la mort, Montaigne préconise au contraired'y penser toujours, de l'avoir sans cesse présente à l'esprit.

Une fois « apprivoisée », la mort perd son caractèreeffrayant, pour n'apparaître que comme un long sommeil sans fin. • Spinoza, dans l'Éthique, soumet à la critique cette pensée de la mort.

Ils'agit pour lui d'une passion triste, qui diminue notre « puissance d'agir » : lasagesse d'un homme libre « est une méditation non de la mort mais de la vie»(Éthique IV, LXVII).

Cette formule semble nous proposer une sagesse, unecertaine manière d'exister et de se comporter, se rattachant bien davantageaux exigences de la vie qu'à la réflexion et à la méditation de la mort.

Notonsque ces mots résonnent de façon polémique, qu'ils paraissent dire non àquelque chose et le répudier.

Vivre et agir de façon rationnelle, ce n'estnullement, affirme Spinoza dans ces lignes, apprendre à mourir, mais méditerla vie, qui semble dès lors le seul objet de la réflexion philosophique et de lasagesse, comme union du théorique et du pratique.Si Épicure pulvérise l'idée même de mort et centre toute l'existence humaineautour du désir' et des forces de vie, s'appuyant sur cette énergie de la vie,Spinoza, lui aussi, voit dans la sagesse une méditation de la vie, et non pointde la mort.

La philosophie, montre Spinoza, n'est point une méditation sur lamort, mais sur la vie, sur Dieu conçue comme totalité du monde, sur l'Espritdans sa plénitude.

Si je me relie à l'ensemble des êtres, alors, appréhendantla totalité du réel, je me saisis comme éternel.

La pensée de la mort estinséparable d'une vision en quelque sorte «égoïste» des choses, privilégiant lemoi particulier au lieu de se diriger vers l'Universel, vers la vérité de l'Esprit qui ordonne le monde.

La mort n'a donc pas de réalité positive.

Nulle raison de la méditer.

Le salut consiste àcontempler l'Universel, à s'intégrer dans l'ensemble de la nature éternelle.« L'homme libre ne pense à rien moins qu'à la mort, et sa sagesse n'est point une méditation de la mort, mais de lavie.» (Spinoza, Éthique) • Épicure livrait une semblable sagesse, dans sa Lettre à Ménécée : le sage parvient au plaisir stable, c'est-à-dire àressentir l'absence de douleur comme un plaisir - alors que nous cherchons habituellement le plaisir dans des objets. »

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