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Le mot « cause » signifie-t-il toujours la même chose ?

Publié le 20/01/2011

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La recherche des causes est une pratique typiquement humaine et la majeure partie des interrogations les plus profondes de l’Homme commencent par : « pourquoi «, « comment «. Ces questions se posent à tout âge car l’homme est traversé par ce besoin de comprendre d’où viennent les choses qui l’entourent, que ce soit connaître pour connaître ou dans un but de maîtrise de ces choses, d’anticipation. Le mot « cause « vient du latin « causa «. Etymologiquement, il a la même origine que le mot « chose « qui nous vient du même terme latin. Ces deux mots, de ce fait, entretiennent une relation particulière en français : on dit que toute chose est causée et que toute cause est chose. On entend par cause l’origine, le motif de l’existence d’une chose. C’est ce qui fait qu’une chose est une chose, qu’une chose a lieu. Une chose, c’est tout ce qui nous est accessible par les sens ou par l’esprit. Une chose c’est une substance qui peut recevoir des attributs, attributs qui sont choses également.

D’une part, d’après notre propre expérience d’Homme, il est logique de penser qu’une cause peut signifier plusieurs choses car on donne ce nom de cause aussi bien à un homme qu’à un animal ou encore un objet. Dans notre vie de tous les jours, nous utilisons ce mot pour désigner bien des choses. De plus, il nous est possible de trouver plusieurs causes d’une seule chose comme un feu de bois qui serait causé et par l’allumette et par le bois.

D’autre part, la tendance de l’Homme à chercher la cause de la cause et à remonter dans les causes des choses laisse à penser qu’il existe UNE cause de toute chose, une cause première. Il doit bien y avoir un début au monde puisqu’on sait qu’il semble y avoir un début à toute chose.

 

      Nous verrons dans un premier moment ce qu’il est possible de penser comme cause première et donc comme cause unique.

Puis nous nous intéresserons aux moyens de penser la cause comme une pluralité de choses.

Enfin, nous nous questionnerons sur la possibilité de réduire le mot « cause « à celui de « chose « ou « choses «.

Le mot « cause « renvoi toujours à la même chose si l’on admet l’existence d’une cause première, d’une cause de tout. Car une cause première est particulière : c’est une cause non-causée puisqu’elle est antérieure à toute chose, à toute cause. Une cause première est une chose qui est cause de toute chose mais aussi de toute cause. C’est en cela que l’on peut dire que s’il existe une cause première, il n’existe qu’une seule cause réellement car toute cause serait directement reliée par le chemin des causes à cette chose et on pourrait dire que sans cette cause première, il n’existerait pas de cause.

 

La première chose qui peut nous venir à l’esprit comme étant la cause de toute chose, c’est le temps. Cela s’explique du fait que dans la causalité est incluse l’idée d’une temporalité : une première chose est cause d’une seconde chose, ou, disons plutôt : la seconde chose est causée par la première. On voit bien ici que l’emploi du passé est nécessaire, ce qui démontre que le temps intervient toujours dans la cause. Pour qu’une chose soit cause, il faut en effet qu’elle soit antérieure à son effet, son résultat. Une cause, c’est un devenir. Toute chose présente est le résultat d’une action qui a modifié le passé, elles sont des productions, c'est-à-dire des résultats, d’états antérieurs de l’univers. Le temps serait donc vraisemblablement cause de tout et, lorsqu’une chose succède à une autre dans le temps, on dirait qu’elle a été causée par cette autre chose. Prenons pour exemple le feu : au départ du feu suit la chaleur. Avant le feu, la chaleur n’existait pas, pendant elle existe, après le feu elle ne sera plus. Pendant le temps du feu, son effet : la chaleur, existe. Voyons un exemple différent de cause : L’artiste fait un tableau, avant qu’il ne prenne son pinceau, le tableau n’existe pas. Une fois qu’il a finit son travail, le tableau existe. La cause serait donc la relation temporelle entre une chose avant et une chose après. Voila pourquoi on pourrait parler d’une seule signification du mot « cause «. La cause est une seule chose : le Temps. Etant infini, il n’a pas de cause, il serait donc bien cause première. De plus, il ne serait pas seulement cause première mais cause directe des choses car chaque seconde en plus voit apparaître des choses, engendre des choses. Cependant on peut émettre des objections à une première cause temporelle de toute chose : la relation temporelle ne semble pas suffire pour qu’il y ait cause. Dans la cause est inclus le concept d’efficience : l’idée de mise en mouvement par quelque chose. De plus, on pourrait se demander : qu’elle est la cause de l’infinité du temps qui le rend non-causé ?

Il est possible alors, de penser que « cause « ne signifie qu’une chose : un modèle. La cause de toute chose serait un modèle car, chaque chose cherchant naturellement à imiter ce modèle se mettrait en mouvement par soi même pour être au plus proche de lui. Ainsi, dans cette idée de cause unique est inclus le concept d’efficience. En effet, ici, chaque chose serait mue, et donc produirait son effet, par elle-même ; le modèle provoquant le mouvement par émanation. Cela rejoint le concept des Idées chez Platon. Les Idées sont causes de tout car chaque chose participerait de ces Idées comme une feu de cheminé participe de l’Idée de feu tout comme une feu de forêt. Chaque chose sensible tient son essence des Idées puisqu’elle y participe et qu’elle a été crée par soucis de ressemblance à ces modèles. Les Idées sont bien une seule chose car elles sont unes, contrairement aux choses sensibles qui sont diverses. Pour continuer sur l’exemple du feu : Un feu dans une forêt est constitué de feuilles, de branches d’arbre et il est dans un endroit précis, disons, au milieu d’une clairière. Ce feu est différent du feu de cheminé fait de buches et situé dans la maison. Il y a plusieurs feux dans le monde sensible mais il n’y a qu’une Idée de feu. On pourrait donc accepter que les modèles, les Idées soient cause de tout. Cependant, accepter cela serait donner de la vie à la matière inerte car la causalité des Idées fonctionne par émanation : Elles ne donnent pas directement le mouvement, c’est la chose elle-même qui se met en mouvement pour se rapprocher de son Idée. Or, un bloc de pierre ne donnera pas une statue sans la main d’un artisan. Les modèles ne suffisent pas à causer les choses.

Enfin, la seule chose cause de tout valable serait Dieu. Dieu qui peut être vu comme le « grand horloger «, c'est-à-dire celui qui, comme c’est écrit dans la genèse, a crée le monde (horloge, qui tourne donc toute seule et qu’il s’occupe de maintenir en fonctionnement). Dans ce cas, si on demandait la cause du feu, on dira donc que c’est le bois et l’éclair et, en remontant à la cause de ces choses on trouvera la graine et les nuages et, en remontant encore et encore, on trouvera forcément Dieu cause de l’existence du monde. Mais ce Dieu à l’origine de toute chose, par quoi a-t-il lui-même était causé ? Ne peut-on pas remonter à la cause de Dieu ? Pourquoi doit-il y avoir une limite à la recherche des causes : une première cause ? Des théologiens ont répondus à ces questions en disant qu’il fallait comprendre Dieu comme cause de lui-même. Or, comme nous l’avons vu plus haut, la cause implique une temporalité. L’effet est après la cause, en ce cas, comment dieu peut-il être sa cause et son effet en même temps ? On trouve une réponse à cette interrogation chez Descartes, qui, premièrement élimine l’idée de temporalité dans l’essence de la cause. En effet, la cause  n’existe que lorsqu’il y a effet. Il n’existe pas de cause sans effet, cause et effet sont simultanés. Il n’y a donc plus de potentialité. Ainsi, Dieu peut être considéré comme cause de lui-même, mais aussi, Descartes avance l’idée que Dieu, à tout moment, se donne son être. Dieu se crée et se conserve à chaque instant, il s’actualise. Dieu serait donc cause de lui-même et cause première mais aussi qu’il serait cause directe de toute chose car à tout moment il crée. En effet avec cette idée de Dieu on peut concevoir facilement que si le gaz et l’étincelle son cause du feu, c’est parce que Dieu, à l’instant de la rencontre de ces deux choses, crée le feu. Dieu serait donc première cause de tout et cause efficiente de toute chose.

 

La seule cause unique acceptable serait donc celle de Dieu, mais encore faut-il croire à cet être suprême, LA cause Dieu ne s’impose pas forcément à l’intellect. De plus, l’Homme, par nécessité, est forcé de refuser cette cause unique car, s’il l’acceptait, il resterait alors dans l’attente, conscient de ne rien pouvoir faire. Si Dieu seul est cause de tout, toute action humaine serait vaine, inutile. Pourquoi agir si Dieu est seule cause ? De ce fait, l’Homme est obligé de penser DES causes, faute de quoi, il se laisserait mourir. L’Homme a besoin de trouver des causes pour maîtriser et reproduire les choses, comme il a besoin de savoir comment se forme le feu pour faire cuire ses aliments.

 

Il est donc nécessaire que le mot cause désigne une pluralité de choses. Ainsi, il peut recouvrir deux significations bien différentes qui sont : La raison d’être et la condition d’existence. Ce sont deux notions bien distinctes : la raison d’être, pour commencer, contient le terme « raison « car il y a un rapport à une intelligence. C’est ce pourquoi on fait une action, ce qui nous motive à faire telle ou telle chose et ce pourquoi une chose est plutôt que rien. C’est la fin en vue de quoi une chose a été crée, existe. A la différence, la condition d’existence c’est l’ensemble des moyens matériels nécessaires pour l’existence d’une chose. C’est ce qui est indispensable matériellement pour produire l’effet, comme le bois est nécessaire pour le feu. On a donc bien affaires à deux termes bien différents : d’un côté le « pourquoi « et de l’autre le « comment « car la question « pourquoi … ? « permet de retrouver ce en vue de quoi une chose a été faite, « comment … ? « permet de retrouver par quels moyens elle l’a été. Les scientifiques s’intéressent particulièrement à cette dernière question tandis que la philosophie se penche plutôt sur la première : c’est là une des différences fondamentales entre ces deux domaines. Cependant, ne peut-on se limiter qu’à ces deux causes ? Il semble qu’on puise encore trouver différents types de causes dans la condition d’existence, car enfin, l’Homme qui anime un feu n’est pas cause de la même façon que le bois qui sert pour ce feu. Ce sont pourtant deux conditions d’existence du feu, il faut donc les distinguer.

On peut donc encore décliner la condition d’existence d’une chose. En effet, elle comporte ce/celui qui lance la création ; la matière avec quoi une chose est crée et enfin la forme de cette chose crée. On rejoint donc ici la pensée aristotélicienne de la cause. Selon Aristote, il existait quatre causes : la cause formelle : forme de l’objet, la cause matérielle : matière de l’objet, la cause efficiente : ce qui met en mouvement ou produit le changement, et enfin, la cause finale : la fin visée. Cette dernière pour Aristote était la plus importante et cela nous est compréhensible puisque nous avons vu que les trois premières causes sont des sous-ensembles de la condition d’existence qui, elle, est au même niveau d’importance que la raison d’être qui est en vérité la cause finale. Ainsi, avec ce système des causes on pourrait dire que les causes d’un feu sont : La cause matérielle : le bois, la paille, des feuilles, des silex ; la cause formelle : sa grandeur, sa taille ; la cause efficiente : un homme et sa cause finale : ce que l’homme veut en faire, donc, ici, la cuisson d’une pièce de viande par exemple. On pourrait objecter qu’il est possible de chercher plus loin des causes et de dire qu’il y a plusieurs causes matérielles dans le feu telles que : le silex, le bois, la paille, … mais il est impossible d’avancer cette idée car on ne peut classer ces soi-disant autres causes en catégories applicables à toutes choses. Et, pour ceux qui diraient que ces quatre causes ne s’appliquent pas aux choses de la nature, comme une fleur, car elles ne semblent pas avoir de cause efficiente ni de cause final ; on pourra répondre que, le modèle aristotélicien du premier moteur immobile permettant de montrer ces causes dans la nature étant dépassé, on peut plutôt affirmer que la nature porte en elle-même son moteur, son efficience. En effet, on constate qu’une plante qui pousse le fait toute seule et rien ni personne d’autre ne vient lui étirer les feuilles ou les tiges. Quant à la cause finale dans la nature, on peut dire qu’elle la porte également en elle-même : c’est la conservation, le développement, la vie. En effet, quoi que fasse la nature, c’est toujours pour se défendre et se préserver.

 

L’idée de quatre grandes causes de tout semble donc recevable : toute chose serait donc le résultat de ces quatre causes. Cependant, pourquoi le mot « cause « devrait-il se réduire à n’être qu’une ou plusieurs « chose « ? Ce mot ne diffère-t-il que si peu du mot « chose « ? La cause n’est elle pas bien différente des choses ?

 

La cause est un lien entre les choses et toute chose résulte d’un lien causal. En effet, on ne peut nier qu’une cause soit reliée à son effet, ces deux notions ne sont pas séparées. On peut dire qu’une chose UNE est relié à une chose DEUX par une chose cause TROIS. Ainsi le feu est relié à l’homme par le silex par exemple. Mais, comme il y a entre la chose UNE et la chose DEUX la nécessité d’intervention d’une chose TROIS pour faire le lien, alors logiquement, entre la chose UNE et la chose TROIS il faut faire intervenir une autre chose car un lien s’est formé naturellement entre ces deux choses, car la chose UNE passe par la chose TROIS pour être reliée à la DEUX. Ainsi, l’homme est relié au feu par le silex car il l’a causé grâce au silex : Homme – silex- feu. Donc l’homme et le silex on un lien, quel est-il ? On peu dire que c’est les mains : le silex est relié à l’homme par ses mains : homme – mains –

silex – feu. De même, le silex est relié au feu par l’étincelle : homme – main – silex – étincelle – feu. De cette manière, on peut logiquement remonter jusqu’à une infinité de cause du lien causal car toute chose étant reliée à une chose par une chose, il est impossible de mettre fin à cela. De plus, il n’existe pas qu’une seule voie pour trouver les liens entre les choses : le comment et le pourquoi. En effet on peut se demander quel est le lien entre le feu et l’homme et répondre que c’est le besoin d’un repas chaud. Ainsi, la cause n’est pas « une « ni « plusieurs « choses mais une infinité de choses et dire qu’une cause est une ou plusieurs chose est très réducteur car la cause est un infini. Pour trouver la cause réelle d’une substance, l’Homme aura besoin de penser l’infini, mais pour la nécessité de l’action et à cause de ses capacités réduites, il se contente d’étudier les causes proches.

Enfin, on peut dire que la cause est fondamentalement différente d’une chose car la chose est substance ou attribut. Ces deux notions sont traduisibles par des noms : par exemple « un arbre «, ou un adjectif pour les substances, comme « bleu «. Ces notions ont quelque chose de statique ; une substance, un attribut c’est ce qui est là. A la différence, la cause apporte l’idée d’un élan, d’un mouvement. En effet, ce qui cause le feu par exemple c’est l’éclair qui tombe ou les silex qui s’entrechoquent. On voit que la cause, elle, est traduisible par un nom ou un adjectif et un verbe. La cause, c’est l’action. La cause n’est pas une chose, on voit bien en effet que la cause du feu n’est pas le silex, ni l’homme, ni même le bois car ces choses sans action ne produisent pas le feu. Ce qui est cause c’est l’homme qui frappe les silex près du bois et de la paille qui produit le feu. Toute cause est choses et action et non seulement choses.

 

On peut donc conclure que, la seule pensée valable d’une seule chose cause est celle de Dieu mais il faut préférer penser la cause comme multiple, c'est-à-dire séparée en quatre comme la voit Aristote. Cependant cela reste réducteur de parler de « plusieurs choses « pour la cause car la cause c’est le lien causal donc l’infini mais on peut aussi la voir comme un composé de choses et d’action. Le mot « cause « ne signifie donc pas toujours la même « chose « car il ne signifie pas qu’une ou plusieurs choses mais une action avec des choses ou une infinité de choses et l’infini est toujours différent parce qu’il n’a pas de limites ; on a jamais à faire au même infini.

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