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Nizan, Aden Arabie (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Nizan, Aden Arabie (extrait). Dans ce célèbre essai, salué par Sartre pour ses qualités de pamphlet révolutionnaire et prophétique, Nizan se fait le porte-parole de sa génération et dénonce, avec une verve rageuse et nihiliste, parfois excentrique, les valeurs oligarchiques, bourgeoises et sclérosées de la société française. Si les évocations de la colonie britannique d'Aden sont autant d'échappatoires aux malaises existentiels de l'auteur, comme toute invitation au voyage en général pour un écrivain, elles ont surtout pour fonction de discréditer le capitalisme colonialiste, avilissant l'individu, quelle que soit sa place. Aden Arabie de Paul Nizan J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. Tout menace de ruine un jeune homme : l'amour, les idées, la perte de sa famille, l'entrée parmi les grandes personnes. Il est dur à apprendre sa partie dans le monde. À quoi ressemblait notre monde ? Il avait l'air du chaos que les Grecs mettaient à l'origine de l'univers dans les nuées de la fabrication. Seulement on croyait y voir le commencement de la fin, de la vraie fin, et non de celle qui est le commencement d'un commencement. Devant des transformations épuisantes dont un nombre infime de témoins s'efforçait de découvrir la clef, on pouvait simplement apercevoir que la confusion conduisait à la belle mort de ce qui existait. Tout ressemblait au désordre qui conclut les maladies : avant la mort qui se charge de rendre tous les corps invisibles, l'unité de la chair se dissipe, chaque partie dans cette multiplication tire dans son sens. Cela finit par la pourriture qui ne comporte pas de résurrection. Très peu d'hommes se sentaient alors assez clairvoyants pour débrouiller les forces déjà à l'oeuvre derrière les grands débris pourrissants. On ne savait rien de ce qu'il eût fallu savoir : la culture était trop compliquée pour permettre de comprendre autre chose que les rides de la surface. Elle se consumait en subtilités dans un monde rangé de raisons et presque tous ses professionnels étaient incapables d'épeler les textes qu'ils commentaient. L'erreur est toujours moins simple que le vrai. Source : Nizan (Paul), Aden Arabie, Paris, François Maspero, 1960. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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