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La notion de liberté est-elle pensable ?

Publié le 27/02/2008

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Mais l'être alors se sent libéré, en même temps que s'ouvrent à lui des horizons nouveaux et qu'il a l'impression d'affronter les obstacles avec une ardeur inconnue. Il construit quelque chose : son ?uvre, ou mieux encore, sa vie. Tl ne sait pas exactement vers quoi il va car ce n'est pas le calcul ni le raisonnement qui suffisent à expliquer son élan. Mais il sent qu'il va vers quelque chose. Et si une sorte d'angoisse l'effleure à chaque fois que se renouvelle l'angoisse de la liberté... au fond de cette angoisse... ce que l'homme sent alors confusément, c'est l'appel d'un monde nouveau. Loin d'être écrasé par le destin, il suit sa vocation (.T. BOUTONIER, L'angoisse).

« en nous à la manière d'une loi, il ne s'ensuit pas que la personne tout entière puisse se réduire à cette seuledimension.

La sensibilité, l'affectivité, les passions, bien que dépendant d'un objet extérieur, sont cependantétroitement liées à notre existence concrète, et rien ne prouve, comme le pense Hegel, qu'elles doivent se résorberprogressivement dans une raison arrivée peu à peu à son complet épanouissement. Ces difficultés conduisent à se demander si la notion de liberté est véritablement pensable, si l'analyse de l'acte libren'aboutit pas fatalement à trahir ce qui en fait la spécificité ?Il semble, en effet, que nous soyons prisonniers d'un dilemme :— ou bien la réflexion s'attache au moment qui précède l'acte : il sera alors facile d'inventorier les diversespossibilités qui s'offrent au sujet, les raisons ou mobiles qui l'inclinent à trancher en faveur de l'une ou l'autre, etc.

Acondition cependant de les équilibrer soigneusement, car, si l'und'eux prédominait absolument, la puissance de choix dont le sujet dispose s'évanouirait ipso facto ;— ou bien on examine les choses après coup, lorsque le choix a été accompli.

On constatera alors qu'un possible aété élu, et, la plupart du temps, ce choix ne nous étonnera guère, il était dans l'ordre des choses, correspondaitbien à l'idée qu'on se faisait du caractère de la personne concernée, etc.

Mais de toutes manières, le dynamismeintellectuel et affectif qui a présidé à son élection est déjà épuisé; il échappe donc à toute observation.Sommes-nous donc condamnés à ne connaître de l'acte libre que ses pôles extrêmes qui sont d'un côté un libre-arbitre vide choisissant sans raison parmi des virtualités équivalentes, de l'autre des choix effectués revêtantl'opacité d'un fait que l'on ne peut que constater ? La liberté serait-elle vouée...

« soit à se dissoudre dansl'abstention, soit à expirer dans le choix accompli, c'est-à-dire dans les gestes qui la rendent méconnaissable ?» (V.JANKELEVITCH, L'alternative, p.

148).

Il est cependant clair que la réalité de l'acte libre se situe entre ces deuxpôles, et qu'il ne s'identifie ni à une pure puissance de choix, ni à l'ordre — ou au désordre — qu'il instaure. On peut tirer de ces remarques la conclusion que la liberté n'est pas susceptible de se réduire à l'instantanéité duchoix.

L'option libre ne s'identifie pas au « fiât » mystérieux qui nous permettrait, à la croisée des chemins, dechoisir l'un d'eux par une soudaine inspiration, car ce « fiât », ou bien dépendrait de quelque propriété objective duchemin choisi, ou bien serait gratuité pure : dans l'un et l'autre cas, la liberté serait absente.Il faut donc admettre que tout choix véritable procède de plus loin, qu'il puise son inspiration dans un long passé,qu'il s'inscrit dans un « style de vie » qui est celui de la personne qui l'accomplit.

Tel est bien le sens des lignessuivantes :« Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité tout entière, quand ils l'expriment, quand ilsont avec elle cette indéfinissable ressemblance que l'on trouve parfois entre l'œuvre et l'artiste.

En vain on allégueraque nous cédons alors à l'influence toute puissante de notre caractère : notre caractère, c'est encore nous...Certes (il) se modifie insensiblement tous les jours et notre liberté en souffrirait si ces acquisitions venaient segreffer sur notre moi et non se fondre en lui.

Mais dès que cette fusion aura lieu, on devra dire que le changementsurvenu est bien nôtre...

» (H.

BERGSON, Essai sur les données immédiates de la conscience, pp.

129-130).Mais ceci à la condition formelle, comme l'auteur semble en avoir eu parfois la tentation, de ne pas confondre le moiavec la simple accumulation mécanique de ce que la mémoire dépose en nous à chaque instant.A condition également de ne pas voir un acte libre dans toute manifestation de notre subjectivité.

Il est en effetnécessaire de distinguer plusieurs niveaux de conscience qui ne sont pas équivalents.

Ainsi, nous pouvons agir sousl'impulsion de ce que Bergson nomme le moi superficiel, constitué d'idées toutes faites, de préjugés sociaux, dedébris de connaissances, qui flottent isolément dans notre esprit « comme des feuilles mortes à la surface d'unétang » : mais cet acte n'est pas vraiment nôtre ; il procède de ce que l'existence a de plus extérieur, de plusdépendant des modes, le moi profond est le domaine propre des connaissances bien assimilées, des goûtsauthentiques et des volontés lentement mûries.

En lui tout se fond et s'interpénètre au sein d'une continuitéqualitative.

De sorte que nous pouvons dire nôtres les actes seuls qui en procèdent, la grande difficulté étanttoutefois, dans la pratique, de bien les distinguer des autres. Cependant, non seulement l'acte libre est issu de tout un passé, mais encore, ce que les analyses bergsoniennes nemettent peut-être pas suffisamment en lumière, il est créateur d'avenir et visée de valeur.

En agissant librement, lapersonne va dans le sens de sa destinée et s'invente pour ainsi dire elle-même.

«La liberté, écrit Le Senne, c'est lacréation de soi par soi » (Le Devoir, p.

262).

Elle ne se manifeste que dans et par l'effort de la personne pour sedépasser elle-même vers un avenir meilleur:« ...il faut, pour que le choix se fasse, qu'une organisation nouvelle ait soudain remplacé cet équilibre apparent quin'était en réalité qu'un conflit.

Mais l'être alors se sent libéré, en même temps que s'ouvrent à lui des horizonsnouveaux et qu'il a l'impression d'affronter les obstacles avec une ardeur inconnue.

Il construit quelque chose : sonœuvre, ou mieux encore, sa vie.

Tl ne sait pas exactement vers quoi il va car ce n'est pas le calcul ni leraisonnement qui suffisent à expliquer son élan.

Mais il sent qu'il va vers quelque chose.

Et si une sorte d'angoissel'effleure à chaque fois que se renouvelle l'angoisse de la liberté...

au fond de cette angoisse...

ce que l'homme sentalors confusément, c'est l'appel d'un monde nouveau.

Loin d'être écrasé par le destin, il suit sa vocation (.T.BOUTONIER, L'angoisse). La pratique effective de la liberté est donc inséparable d'une certaine quête de transcendance ; on mesure alorsl'insuffisance des analyses qui cherchent à en déterminer la nature à propos de choix futiles et sans conséquence,comme de savoir si nous allons faire une promenade ou prendre un livre.. »

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