Devoir de Philosophie

« Nous pouvons être savants du savoir d'autrui, mais nous ne pouvons être sages que de notre propre sagesse. » Comment comprenez-vous ce mot de Montaigne? Pensez-vous qu'il ait gardé sa valeur?

Publié le 19/02/2011

Extrait du document

montaigne

INTRODUCTION

C'est en des termes un peu différents de ceux proposés aux candidats que Montaigne déclare dans le chapitre Du pédantisme (dont on conseillera la lecture, ainsi que des chapitres I, 26 et III, 21 et 13) : « Quand bien nous pourrions être savants du savoir d'autrui, au moins sages ne pouvons-nous être que de notre propre sagesse. « Cette forme plus restrictive et le sens général du chapitre nous laissent donc à penser que Montaigne apporte quelque réserve à l'idée qu'on puisse être réellement savant du savoir d'autrui. Elle implique toutefois qu'il est plus difficile encore de trouver la sagesse en dehors de soi-même. A l'époque où les Humanistes avaient eu tendance à demander aux Anciens les sources de la science et de la sagesse, Montaigne apporte sans doute une observation fondée sur sa propre expérience, mais qui aujourd'hui encore pourrait nous être profitable.

montaigne

« marjolaine : ainsi les pièces empruntées d'autrui, il les transformera et confondra, pour en faire un ouvrage tout sien: à savoir son jugement.

Son institution, son travail et étude ne vise qu'à le former.

»Le véritable critère de cette éducation montre bien que, selon Montaigne, le véritable savant est tout autre qu'unpédant : « Qu'il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance, etqu'il juge du profit qu'il aura fait, non par le témoignage de sa mémoire, mais de sa vie...

Le gain de notre étude,c'est en être devenu meilleur et plus sage.

» Cette dernière maxime nous laisserait penser que l'opposition entre lavéritable science et la véritable sagesse n'est peut-être pas aussi nette que nous pouvions le croire tout d'abord. II.

-- SAGES DE NOTRE PROPRE SAGESSE? 1° Notre sagesse ne doit-elle rien à autrui?Il pourrait paraître bien présomptueux d'affirmer que notre sagesse ne doit rien à celle d'autrui.

Mais cela serait aussibien en contradiction avec les idées de Montaigne concernant l'éducation et la coutume qu'avec son propreexemple. A.

— L'enseignement de la sagesse.Si Montaigne conteste parfois l'utilité d'une science qui ne nous aide pas à mieux vivre (« L'étude des sciencesamollit et effémine le courage », p.

176) et s'il affirme : « La meilleure part des sciences qui sont en usage est horsde notre usage », c'est pour qu'on accorde la première place aux discours qui « règlent ses moeurs et son sens, quilui apprennent à se connaître, et à savoir bien mourir et bien vivre » (p.

192).Ce n'est, il est vrai, pas aux discours seuls qu'il fait appel et il cite les maîtres de vaillance anciens qui voulaientinstruire leurs élèves « non par ouï-dire, mais par l'essai de l'action, en les formant et moulant vivement, nonseulement de préceptes et paroles, mais principalement d'exemples et d'oeuvres, afin que ce ne fût pas une scienceen leur âme, mais sa complexion et habitude ».

C'est admettre néanmoins le rôle de l'éducation dans l'acquisition denotre sagesse. B.

— Le rôle de la coutume.D'ailleurs Montaigne accorde trop d'importance à la coutume pour penser que la sagesse de l'individu ne doive rien àautrui.

Non seulement il montre tout ce que nos opinions doivent à la tradition : voulant écarter les conséquencesdu libre-examen en matière de foi : « Nous ne saurions pirement choisir que par nous, en un siècle si faible », dit-ilau début du chapitre III, 12; mais si cela ne concernait pas directement la sagesse, il affirme aussi (III, 13, p.

1213): « C'est à la coutume de donner forme à nôtre vie.

» C.

— L'exemple de Montaigne.Dans le chapitre des Livres (II, 10, p.

45o), tout en prétendant ne chercher dans la lecture qu'à s'y donner du plaisirpar un honnête amusement, il ajoute : « Ou, si j'étudie, je n'y cherche que la science qui traite de la connaissancede moi-même, et qui m'instruise à bien mourir et à bien vivre.

» C'est admettre que certains livres peuvent l'aiderdans sa quête de la sagesse : parmi ceux où il apprend à « ranger ses humeurs et ses conditions », c'est Plutarqueet Sénèque qui lui servent avant tout (p.

454) et les ouvrages philosophiques de Cicéron, ainsi que les historiens.

P.Villey a montré que Montaigne est passé de Sénèque à Plutarque; au premier il « empruntait de toutes pièces uneconception de l'homme et de la vie ».

Plutarque ne lui propose pas une doctrine, mais une masse d'exemples.

« Dansle commerce intime de Plutarque, Montaigne apprend trois choses : à observer la vie morale autour de lui, à jugersans esprit de système les faits d'expérience qu'il recueille, enfin à se mieux connaître soi-même ».

Il faut donc bienreconnaître que sa propre sagesse doit quelque chose à autrui.20 Inutilité des leçons des livres.Et pourtant, après avoir lu « un peu pour s'assagir », Montaigne en est venu bientôt à la conviction que les leçonsdes livres ne sont ni utiles, ni nécessaires.

Déjà, contestant l'utilité de toute connaissance qui ne conduit pas à unjugement personnel, il écrivait (I, 25, p.

168) : « Nous savons dire : Cicéron dit ainsi; voilà les moeurs de Platon; cesont les mots mêmes d'Aristote.

Mais nous, que disons-nous nous-mêmes? Que jugeons-nous? Que faisons-nous?Autant en dirait bien un perroquet » Et plus loin (169) : « Me veux-je armer contre la crainte de la mort? C'est auxdépens de Seneca.

Veux-je tirer de la consolation pour moi ou pour un autre? Je l'emprunte à Cicéron.

Je l'eusseprise en moi-même si on m'y eût exercé.

» Mais plus tard il constate que « la plupart des instructions de la scienceà nous encourager ont plus de montre que de force et plus d'ornement que de fruit » (III, 12, p.

1177) ou encore :« Fussé-je mort moins allégrement avant d'avoir vu les Tusculanes? J'estime que non...

Je sens que ma langue s'estenrichie, mon courage de rien.

» Et il définit ainsi le rôle de ses lectures : « Les livres m'ont servi non tantd'instruction que d'exercitation.

»La vie lui révèle qu'il n'est pas besoin de demander aux livres des sages la clé de la sagesse; il lui suffit de voir lespaysans autour de lui, et même les animaux, bref, de suivre la nature.« A quoi faire nous allons nous gendarmant par ces efforts de la science? Regardons à terre les pauvres gens quenous y voyons épandus, ...

qui ne savent ni Aristote, ni Caton, ni exemple, ni précepte; de ceux-là tire nature tousles jours des effets de constance et de patience, plus purs et plus roides que ne sont ceux que nous étudions sicurieusement en l'école.

» Et en effet ils ne craignent ni la pauvreté, ni la mort.

Il fait beau voir que c'est à ceshommes simples que les disciples des sages doivent emprunter des exemples « et que notre sapience apprenne desbêtes mêmes les plus utiles enseignements aux plus grandes et nécessaires parties de notre vie : comme il nous. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles