Obéir est-ce se soumettre ?
Publié le 03/12/2005
Extrait du document
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- Il ne saurait y avoir de contrainte, si forte qu'elle fût, qui ne soit l'objet d'unchoix libre initial.
Ainsi, la collaboration, sous l'Occupation allemande, étaitl'objet d'un choix libre de la part des Français, car il y avait toujours lapossibilité d'entrer dans la Résistance.
C'est pourquoi Sartre a pu énoncercette célèbre phrase, qui n'est en rien une boutade (comme peuvent le croireles historiens ignorants) : "L'homme n'a jamais été aussi libre que sousl'Occupation".
Afin de poursuivre notre réflexion, arrêtons-nous un moment sur les proposde Sartre concernant la liberté.
Dans L'existentialisme est un humanisme,nous apprenons que l'homme peut être pensé comme libre par essence.Autrement dit, l'homme se définit essentiellement par sa liberté.
Cette liberté,Sartre la nomme « ontologique », c'est-à-dire qu'elle est ce qui caractérisel'être de l'homme, son essence.
Ainsi, sous l'Occupation, les hommes avaientle choix de se soumettre ou bien d'entrer dans la Résistance.
Prisonniers, defait, dans un pays occupé, ils étaient libres (ils avaient le choix) d'acceptercette situation ou de résister.
D'où l'idée que la liberté (ontologique) est lacondition de la libération (politique, en l'occurrence).
L'homme doit être libre,il doit pouvoir faire des choix, afin de se libérer.
Or, cette liberté implique que l'homme, sans cesse, fasse des choix et se détermine.
Elle est proprement vertige, car je ne dépends de rien d'autre que de moi.
Alors qu'auparavant on pensaitque Dieu était la valeur suprême qui me déterminait et choisissait pour moi, je suis désormais libre, absolument,infiniment même.
Mais, là encore, j'ai le choix : je peux, dit Sartre, être de « mauvaise foi » et faire comme si jen'étais pas libre ; je me fige alors dans une certaine attitude.
Je peux, au contraire, être de manière authentique etfaire face aux choix que je dois constamment faire.
En cela, je m'engage et j'engage l'humanité derrière moi :j'annonce que l'homme est infiniment libre, qu'il doit donner un sens à sa vie par ses actes et que tous doiventassumer cette condition.
Nous retrouvons alors le rapport qu'il existait entre les libertés morales chez Kant.
En effet, la liberté ontologiqued'autrui, qui s'affirme comme absolue, n'est pas une limite à ma liberté, mais un appel à son extension.
Autruim'interpelle et me rappelle que ma liberté est absolue, qu'elle s'étend à l'infini et que je dois m'engager dans lemonde.
La liberté d'autrui étend la mienne à l'infini, puisqu'elle me rappelle que je suis foncièrement libre, que je nedépends que de moi et que rien ne limite ma puissance de choix (car même si je ne choisis rien, c'est que j'ai choiside ne pas choisir).
- La liberté constitue le lot commun à tous les hommes, qui n'est justifié par rien et que l'on ne saurait aliéner.
Lacontrainte même, par la possibilité que l'on a de la refuser, s'inscrit au sein de cette liberté.
Tout l'effort de l'hommedoit donc consister en l'acceptation de sa condition libre, pour pouvoir refuser précisément la contrainte extérieureen tant que déterminisme fatal.
Refuser la contrainte revient à refuser d'être de mauvaise foi.
Conclusion.
-Le sens commun a pris l'habitude d'identifier la soumission, indétachable de l'obéissance, à la contrainte : cetteidentification est justifiée dans le cas de l'esclavage, mais ce cas précis ne saurait épuiser tout le champ del'obéissance, d'autant que même dans le cas de l'esclavage l'obéissance prend la forme d'un intérêt propre àl'esclave ; on pourrait se demander si, même dans ce cas, il ne va pas de la liberté de l'esclave (au sens d'uneautonomie qui ne serait rendue possible qu'à partir de l'hétéronomie figurée par le maître) de se placer sous lasoumission à son maître.-L'obéissance, c'est donc plus vraisemblablement la libre soumission à cela même qui doit me déterminer pour qu'à travers cette détermination même j'exerce ma liberté : obéir, c'est se soumettre à la loi morale.-Plus fondamentalement encore, l'obéissance ne saurait prendre la forme de la contrainte sans que l'on soitsoupçonné de mauvaise foi : car nous avons toujours la liberté, précisément, de refuser d'obéir par contrainte ;obéir, c'est donc toujours se soumettre librement..
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