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L'oeuvre de La Bruyère

Publié le 27/06/2012

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Dans le domaine de la foi, de la politique, de la doctrine littéraire, dans son style même, Fénelon est novateur. La Bruyère (1645-1696), avec moins d'envergure intellectuelle, l'est aussi. A certains égards, pourtant, il appartient pleinement à l'époque littéraire du clasicisme triomphant. Son étude est de l'homme et il se borne à le portraiturer dans les aspects innombrables de ses travers, de ses vices, de ses misères, de ses ridicules; pour ce faire, il emprunte le genre déjà maintes fois utilisé, dans les romans, au théâtre, dans la satire, dans le sermon même, du « portrait «; il mêle à ses portraits des maximes qui définissent tel aspect de ...

« 196 HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE l'homme et énoncent quelque loi de sa vie morale.

Tout cela est dans la parfaite lignée de la littérature psycho­ logique et morale qui, depuis Montaigne, s'attache à peindre l'homme ou à l'analyser.

Mais ses devanciers ou ses contemporains n'utilisaient le portrait que comme agrément ou comme élément d'une démonstration; les ouvrages au milieu desquels ils plaçaient ces por­ traits ne leur permettaient guère de développer le côté physique de la description.

Quant aux portraits dont le salon de la duchesse de Montpensier, la Grande Mademoiselle, s'était fait une spécialité, entre 1656 et 1659, et que Segrais réunit et publia à cette dernière date, ils étaient surtout moraux, et fort peu concrets.

L'originalité de La Bruyère est d'abord d'avoir isolé ces tableaux, de les avoir rendus indépendants de tout contexte, de toute démonstration, de les avoir traités en eux-mêmes et pour eux-mêmes.

Ensuite de les avoir traités, en véritable artiste, bien plus qu'en moraliste, par l'extérieur; il a su accumuler les traits concrets, les notations visuelles ou auditives, se soumettre à son objet avec une sorte de passivité apparente, qui est déjà d'un réaliste de l'époque 1840-1850.

L'admiration passionnée de Flaubert pour La Bruyère s'explique en grande partie parce qu'il a senti dans l'auteur des Caractères un devancier.

Sur ce point, l'observation de La Bruyère est admirable; son œil saisit le geste, le détail du costume, de la parole, de l'attitude, mais ces notations ne l'intéressent pas pour elles-mêmes; elles lui offrent les clefs d'une âme ou d'un caractère; elles sont les signes révélateurs d'une réalité morale profonde qu'il pénètre ainsi par l'extérieur.

Héritier direct de la préciosité mondaine pour le genre qu'il traite, ille dépouille, selon le plus pur classicisme, de toute recherche artificielle d'esprit et l'enrichit par une observation réaliste qui est très en avance sur son temps.

Réaliste, il est pessimiste; le tableau qu'il nous donne de l'humanité est triste.

Mais remarquons que cette humanité est fort restreinte; dans cette galerie de portraits défilent des gens de cour, des bourgeois à manie, des dames frivoles et inoccupées, des gens de lettres besogneux et jaloux, des mondains; l'auteur prend le ridicule où il le trouve; mais il trouve son pessimisme en lui-même, qui se complaît aux laideurs,. »

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