L'oeuvre de Molière.
Publié le 27/06/2012
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Molière (1622-1673) débute à Paris au moment où Pascal élaborait son Apologie de la religion chrétienne, et La Rochefoucauld ses Maximes. Tous trois jettent sur l'humanité le même regard impitoyable; mais tandis que l'un se réjouit amèrement de voir l'homme si foncièrement mauvais, parce que c'est en l'avilissant qu'il l'exaltera jusqu'à Dieu, tandis que l'autre veut briller par l'exercice de son acuité psychologique et les raffinements de sa prose condensée, Molière saisit avant tout dans le spectacle de l'absurdité humaine, la source éternelle du rire.
«
162 HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE
entraîne une salle, déchaîne le rire, passe la rampe, et ce qui, au contraire, laisse les spectateurs indifférents.
Il avait appris enfin cette politique compliquée du monde
des théâtres, où un directeur doit évoluer avec diploma tie au milieu des intrigues, contracter des alliances,
s'assurer des protecteurs, ménager la susceptibilité
des comédiens, rassurer les pouvoirs religieux ou civils, souvent inquiets et hostiles.
Molière arrive à Paris précédé d'une grande réputa tion; on a oublié les fâcheux débuts de l'Illustre Théâtre en 1643; il obtient de jouer devant le roi, qui lui fait attribuer la salle du Petit Bourbon, puis celle du Palais Royal; celle-ci, plusieurs fois reconstruite, deviendra notre Comédie-Française, justement surnommée Maison
de Molière.
Pendant quatorze ans, il mènera à Paris la vie qu'il avait menée en province, plus active peut être encore, plus harassante; il mourra en 1673, riche, admiré des meilleurs esprits, aimé du parterre, à la suite d'une représentation du Malade Imaginaire, et presque sur la scène; il avait cinquante et un ans.
Il
laissait une trentaine d'ouvrages dramatiques de divers
genres.
Cette carrière si féconde
fut jusqu'au bout marquée par des luttes; Molière ne put subsister qu'en résistant aux assauts; peu de destinées littéraires furent aussi traversées; peu d'œuvres aussi mêlées de polémiques; contre les Précieux, les doctes, les rivaux, les jaloux,
les dévots, Molière dut batailler.
Le choix d'une bonne part des personnages qu'il peint, poètes, précieuses,
femmes savantes, dévots hypocrites, nobles impies,
s'explique
par là; et combien de développements dans le détail du dialogue l Une grande partie de l'intérêt profond de ses comédies vient de ce que cette littérature de circonstance est une littérature engagée.
La pression
des événements en approfondit la valeur humaine.
L'humanité n'est pas pour lui, comme pour tant de
médiocres auteurs comiques, ses contemporains ou ses
successeurs, un plaisant tableau qu'on regarde de
l'extérieur.
Molière, lui, n'a pas le loisir de piquer au hasard dans les types qui l'entourent des ridicules
curieux pour en développer les traits sans être lui-même
intéressé; il est au contraire con tamment en jeu, lui et sa troupe, avec son honneur d'écrivain ou d'homme, ses idées et sa morale.
De là vient sa chaleur; c'est là.
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