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L'originalité suffit-elle à faire la valeur d'une oeuvre d'art ?

Publié le 01/04/2005

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Suffit-il de connaître parfaitement le solfège et la technique pianistique pour être virtuose ? Sait-on composer un poème parce qu'on maîtrise parfaitement la grammaire, le vocabulaire ? Mozart est-il réductible à sa technique musicale ? Les règles sont peut-être nécessaires mais l'artiste génial est justement celui qui va les faire éclater, les dépasser, les transcender pour en inventer de nouvelles.   C'est donc toujours dans son originalité que l'oeuvre réside. On va ainsi parler d'originalité d'une oeuvre pour désigner son authenticité. Une oeuvre non originale est une oeuvre qui n'est qu'une copie. Pourtant, suffit-il de faire une oeuvre originale pour faire une oeuvre d'art ? Suffit-il d'être le premier à faire quelque chose pour être un génie ? En effet, que l'originalité soit un critère nécessaire, soit, mais ce critère est-il suffisant ? En effet, si l'originalité désigne l'aspect premier, primitif, il ne suffit peut-être pas de simplement faire ce qui n'a jamais été fait auparavant pour faire une oeuvre d'art. Hegel, dans son Esthétique" rapporte cet exemple cocasse: "Un homme s'étant vanté de pouvoir lancer des lentilles à travers un petit orifice, Alexandre, devant lequel il exécuta son tour de force, lui fit offrir quelques boisseaux de lentilles ; et avec raison, car cet homme avait acquis une adresse non seulement inutile, mais dépourvue de toute signification." Ce exemple montre que l'originalité n'est pas un critère de génie créateur. Elle peut n'être qu'absurdité et vacuité.

 

[I. L'originalité est-elle nécessaire pour faire la valeur d'une oeuvre d'art  ?]

 

[II. L'originalité n’est-elle pas insuffisante pour faire la valeur d'une oeuvre d'art ?]

[III. N'est-ce pas l'originalité de la perception ou de l'interprétation de l'ouvre d'art qui en fait la valeur ?]

 

 

« L'originalité suffit-elle pourtant à définir totalement le génie artistique ? On pourrait, en effet, objecter que laconduite du fou est parfois si inattendue, si « extravagante », qu'elle se présente aussi comme originale, puisqu'ellene s'est rencontrée nulle part ailleurs.C'est pour répondre à cette objection que Kant nous précise alors qu'étant donné qu'il peut effectivement setrouver des « extravagances originales », les productions du génie doivent se reconnaître à un second critère : «elles doivent être des modèles, elles doivent être exemplaires », c'est-à-dire servir d'exemples pour l'imitation.Cela sous-entend que le génie se distingue de la folie en ceci que sa production est consciente et volontaire, alorsque le fou commet ses extravagances sans savoir ce qu'il fait, et ne peut pour cela servir de modèle.Le génie, au contraire, produit des oeuvres qui peuvent être proposées à l'imitation.

Ainsi, dans les écoles d'art, lesélèves tentent d'imiter le style du maître lorsqu'ils apprennent les techniques de base de la peinture ou de lasculpture.

Ce à quoi s'oppose cet extrait: Le génie se distingue donc du technicien en ce que, contrairement à ce dernier, il ne peut décrire ou montrer quelleméthode il utilise pour accomplir ses productions, car il ne la possède pas sous la forme d'une recette formuléecomme une règle qui constituerait un savoir (« une science ») qu'il pourrait, de ce fait, montrer « scientifiquement»Al invente la règle en même temps qu'il crée et, en ce sens, la découvre en la réalisant, « par une inspiration de lanature ».Cela signifie qu'il y a dans le génie un élément naturel que nous appelons un « don » : l'artiste élabore son oeuvrespontanément, sans avoir conscience d'inventer les règles qui ordonnent sa construction.

Cette nouvelle définitionproposée par Kant institue, entre l'artiste et l'artisan, une distinction que les penseurs de l'Antiquité ignorèrent.

PourPlaton, par exemple, seule existait la technè, dénomination qui recouvrait aussi bien le savoir-faire du potier celui del'artiste.L'art n'était alors considéré que comme une technè parmi d'autres, et c'est pourquoi Platon peut qualifier le peintred'« illusionniste » et lui reprocher de ne rien connaître de ce qu'il représente, par rapport à un artisan qui connaît lespropriétés des objets qu'il fabrique.

Les arguments avancés par Platon dans sa critique méconnaissent la distinctionque nous faisons aujourd'hui entre une activité de fabrication matérielle (l'artisanat) et une oeuvre de créationintellectuelle (l'art).Pour Kant, en revanche, il n'y a pas à savoir comment se fabrique un lit pour le représenter artistiquement.

Ce quicommande l'oeuvre d'art, le génie, est sans rapport avec ce qui guide la main de l'artisan, l'application d'un savoir-faire clairement formulable.

Kant définit les beaux-arts comme les arts du génie, et le génie comme « la disposition innée de l'esprit par laquellela nature donne ses règles à l'art ».

Il se caractérise par :1) l'originalité : « le génie est le talent de produire ce dont on ne saurait donner de règle déterminée, ce n'est pasl'aptitude à ce qui peut être appris d'après une règle quelconque » ;2) l'exemplarité : « ses productions doivent en même temps être des modèles » et pouvoir « être proposées àl'imitation des autres » ;3) l'incapacité à « indiquer scientifiquement comment il réalise son oeuvre ».

Et cependant « il donne, en tant quenature, la règle.

Donc l'auteur d'une oeuvre qu'il doit à son génie ne sait pas lui-même d'où lui viennent les idées et ilne dépend pas de lui d'en concevoir à volonté ou d'après un plan, ni de les communiquer à d'autres dans desprescriptions qui les mettraient à même de produire de semblables ouvrages ». L'oeuvre de génie est l'oeuvre qui produit une rupture esthétique en créant de nouvelles règles, mais cela ne signifiepas qu'elle est oeuvre de génie simplement parce que ces règles sont originales, premières et nouvelles.

Elle estoeuvre de génie parce que ces règles s'imposent comme de nouvelles règles et deviendront des modèles à imiterpour les autres artistes.

Par exemple, l'impressionnisme de Monnet va faire école et va transformer notre vision dumonde.

Avant Turner, « il n'y avait pas de brouillard à Londres », affirmait Oscar Wilde, fidèle à son goût furieux duparadoxe - « frumieux », aurait pu dire Lewis Carrol - comme à ses théories esthétiques : « La nature imite l'art.

»Mais s'il n'y en avait pas avant, qu'il y en eût donc après.

Pas seulement parce que l'essor de la civilisationindustrielle vint mêler sans retenue les fumées des usines aux brumes de la Tamise, du fog au smog, mais bien parceque le brouillard révélé par Turner devint pour d'autres après lui objet de peinture, dans ses irisations, ses formeschangeantes, les jeux de la lumière et du soleil dans ses nappes erratiques.Kant montre aussi que l'originalité n'est pas le seul critère de démarcation d'un oeuvre d'art authentique.

En effet,face à l'art contemporain, en particulier, on a tendance à considérer que l'originalité fait oeuvre.

On se dit alorsqu'une oeuvre est une oeuvre parce qu'elle est nouvelle, parce qu'elle produit du nouveau : une nouvelle manière decréer, de se représenter les choses.

Que l'on songe ici aux exemples surprenants d'artistes contemporains peignantavec leurs excréments ou leur sang, etc.

! On a souvent tendance à considérer qu'il fallait être le premier à en avoirl'idée.

Mais, si l'originalité est un critère nécessaire à l'oeuvre d'art, il ne saurait être comme le rappelle Kant, uncritère suffisant.. »

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