Devoir de Philosophie

LES ORIGINES ET L'ATAVISME chez BALZAC

Publié le 01/07/2011

Extrait du document

balzac

On aime à scruter les traces d'un atavisme. On espère toujours, malgré l'inconsistance de sa loi, retrouver par elles les secrètes influences qui déterminèrent une destinée. Etre le seul de onze enfants, frères et sœurs, à savoir lire et écrire, débuter comme petit clerc chez le tabellion du bourg voisin après avoir gardé les brebis de ses parents, puis planter là sa famille pour obéir à l'appel d'une ambition aussi ardente que le soleil du pays albigeois, partir âgé de seize ans, à pied, gourdin en main et gros souliers ferrés aux pieds, baluchon au dos, sur la grand'route royale qui mène vers Paris ; y être à vingt ans, clerc de procureur ; puis plus tard occuper une place de Secrétaire au Conseil du Roi, telle fut l'odyssée de Bernard-François Balzac, père d'Honoré de Balzac. Il était né en 1746, au village de la Nougayrié, en la paroisse de Canezac, commune de Montirat, dans le Tarn (il mourra à Paris en 1829 à quatre-vingt deux ans). N'y avait-il pas dans cette extraordinaire réussite d'un père — qui ne la laissait pas ignorer — de quoi stimuler l'ambition qui brûla le sang du fils ?

balzac

« heure les rêves d'Honoré.

Si l'on en croit ses aveux, comme aussi ceux de Fessart, un ami de la famille, Mme Balzacne fut pas très tendre pour son fils aîné, « l'enfant du devoir et du hasard », tandis qu'elle couvrait de « caressesfolles », le cadet, « l'enfant de l'amour », l'adultérin, le préféré.

Rebuté par la « froideur maternelle », Honoré encomprit assez tôt la cause.

Il la jugea sévèrement, dans ses terribles confidences aux trois plus chères amies, MmesZulma Carraud, de Berny, Hanska.

(Cf.

Lettres à l'Etrangère, 1842-1848, en particulier 19 juin 1948).

Comme unevieille plaie, l'acuité de cette peine secrète se réveilla souvent ; son amertume transparaîtra, en claires allusions,dans Le Centenaire, Jane la Pâle, La Grenadière, La Femme de Trente ans, Le Lys dans la Vallée.

Quand il sait lescomprendre, le lecteur en éprouve un choc ; le récit fictif en devient plus émouvant.

Aussi la mésentente ne cessases ravages entre Mme Balzac et son fils.

Elle avait d'autres causes : la nervosité et la susceptibilité de celle-là.une excessive originalité dont celui-ci n'était point dépourvu.

« Nous sommes de fameux originaux dans la famille »,devait-il écrire.

Et puis il y eut la question d'argent qui les riva l'un à l'autre.

Créancier de sa mère qu'il avait engrande partie ruinée par sa faillite d'imprimeur, cette dette les vouait à des récriminations mutuelles qui ne finirentjamais : elle pour « recevoir un morceau de pain », lui pour renouveler ses promesses d'acquittement jamais remplieset colorer ses subterfuges dilatoires.On a dit de toutes ces misères qu'elles avaient eu pour conséquences certaines figures maternelles, inférieures, deLa Comédie Humaine.

Il y en a d'admirables comme Mme Birotteau, Lady Brandon, Hochon, Mme Sauviat.

Il y en aqui sont franchement odieuses comme la marquise d'Aiglemont.

La diversité n'est-elle pas un heureux effet de l'artet de la vie ? On constate cependant, dans les portraits maternels de Balzac, des touches maladroites, fausses : J.de Maistre, Victor Hugo, Lamartine ne commettent pas ces gaucheries.Les Mémoires de deux Jeunes Mariées (1846) présentent au public une sorte de poème lyrique qui porte aux cieux «le grand art de la maternité ».

Le bonheur s'y épanouit enchâssé dans la dogmatique traditionnelle.

C'est le fruit dela réflexion philosophique, que n'a point précédé l'efflorescence du cœur.

Ce roman fut écrit par réaction intime :l'auteur s'y libérait de souvenirs trop lourds où sa mère n'était que trop présente.

Une tare y subsiste : la prudencecalculatrice de l'égoïsme bourgeois que professe la jeune mariée au détriment de l'honneur conjugal et chrétien.Enfin relisez comme commentaire les Lettres à l'Etrangère à la même date : vous serez édifié.L'atmosphère du foyer était nettement anti-chrétienne, quoiqu'on y parlât beaucoup de religion avec des vuesrationalistes.

Curieuse des idées, Mme Balzac aimait les discuter ; sa correspondance en fait foi.

Elle satisfaisaitpleinement ses croyances dans l'enseignement ésotérique des sectes qui pullulaient alors : swedenborgiens,martinistes, mesmériens.

Elle s'adonnait passionnément au magnétisme, aux pratiques occultistes.

Sa bibliothèqueétait abondamment pourvue de tous les auteurs illuministes.

Swedenborg, Saint-Martin « le Philosophe inconnu »,sur le rayon le plus proche.

De bonne heure elle met ces derniers entre les mains d'Honoré dont la curiosité s'éveille.Son imagination s'ébranle ; l'adolescent se délecte dans les représentations paradisiaques : splendeur et volupté.Cette initiation se répercutera dans toute son œuvre.

Dès l'âge de dix-sept ans ; pour répondre à une sorte d'appelmystique, il compose un poème en prose rythmée : Falthurne, dont il dira plus tard à Mme Hanska, que c'étaient des« bégaiements », « le manuscrit de l'enfant », une « esquisse » du grand tableau que devait être Séraphîta.

Chaqueessai nouveau, le second Falthurne (1820), Le Centenaire (1822), le Traité de la Prière (1824), attestent unepersévérante activité dans l'élaboration d'un idéal religieux à base d'illuminisme martiniste.

La personnalité de MmeBalzac projette des lumières sur la genèse de plusieurs caractères et situations de La Comédie Humaine.

Il est utilede la bien connaître.

Elle eut la douleur de survivre à son fils, et mourut aux Andelys, le Ier avril 1854, âgée desoixante-quinze ans.Des affinités extraordinaires se révèlent entre Paris et Balzac.

Faut-il ici se soumettre au prestige de l'atavismematernel ? De 1814 jusqu'à sa mort en 1850, l'écrivain n'avait quitté sa ville que pour des voyages passagers.Indiquons très succinctement le rôle immense que joue Paris dans La Comédie Humaine, Paris, qu'il observait jusquedans les moindres détails, maisons et monuments, « avec l'attention analytique d'un connaisseur », dont il battait lepavé jour et nuit, « le nez à la piste ! » Paris qu'il contemplait comme un être vivant, « une créature » dont ilsoumettait les « tissus cellulaires » à des examens physiologiques.

Il était de ceux « qui dégustent leur Paris, qui enpossèdent si bien la physionomie qu'ils y voient une verrue, un bouton, une rougeur ».

Il l'installera reine etmaîtresse en son œuvre gigantesque.

Elle en forma le cœur monstrueux.

Collégien, étudiant, clerc d'avoué, débutantdes Lettres, menant la vie de bohème, amant, dandy, écrivain célèbre, la cité fabuleuse aux ciels de légende, « auxcent mille romans », excita, connut, couronna toutes ses ardeurs.

Il faut lire les Scènes de la Vie Parisienne, etsurtout les descriptions de Paris dans Fenagus, La Fille aux yeux d'Or, Le Père Goriot, pour en admirer le haut relief.Balzac sut pomper tous les sucs, les substances, les contrastes de cet habitat favorable à son génie créateur.

LaPeau de Chagrin, Z.

Marcas, Les Martyrs ignorés, la confession du Médecin de Campagne, les tableautins desŒuvres Diverses évoquent sa jeunesse ardente, ambitieuse.Mais enfin Balzac naquit à Tours, le 20 mai 1799.

La mutation d'un fonctionnaire, son père, fit de l'enfant unTourangeau.

Il quitta sa ville natale en 1807, âgé de huit ans, emportant au collège de Vendôme, « des premierssouvenirs de ma vie — dit-il dans Le Lys dans la Vallée — le sentiment du beau qui respire dans le paysage de Toursavec lequel je m'étais familiarisé ».

Cette empreinte signalera d'une façon bien nette l'œuvre future.Il avait été élevé jusqu'à quatre ans, en même temps que sa sœur Laure, par une nourrice habitant Saint-Cyr.

C'estun faubourg de Tours ex l'un des plus beaux sites de la Touraine.

Les maisons du village s'alignaient toute blanchessur la levée, « bordée de peupliers magnifiques dont on entend le bruissement ».

Elle longe la Loire dont les eauxmoirées s'en vont lentes, entre des bancs de sables cuivrés, les coulées blondes des grèves, les îles verdoyantes etfeuillues d'oseraies.

Incessamment sur le fleuve, passaient majestueux, par équipes, les grands bateaux aux voilesblanchâtres gonflées par la brise, et les échos renvoyaient les cris, les chants des mariniers.

L'enfant ouvrait sonregard à la vie sous ce ciel immense et nacré, se baignait dans cette atmosphère tranquille et char- mante, « oùrègne non pas l'audace, le grandiose, mais la bonté naïve de la nature », devait-il dire de ses impressions d'alors.Les coteaux bleuis, veloutés, s'estompaient dans le lointain, piquetés de taches blanches que font les châteaux, lescloseries, environnés de bosquets, de fleurs, de vignes.

« C'est sous ton ciel pur, que mes premiers regards ont vufuir les premiers nuages ».

Ces émerveillements, ces étonnements avaient marqué l'essor de sa sensibilité précoce ;. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles