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PAR LAGERKVIST

Publié le 20/04/2012

Extrait du document

Lagerkvist est, en toute humilité, un poète inspiré, bouleversé par sa vision, en quelque sorte étranger à ce qui parle par sa voix et pathétique avec ce naturel qui n'appartient qu'à celui qui s'est oublié lui-même. Il parle sans effort le langage ambigu du mythe, ayant une fois pour toutes atteint cette simplicité de l'expression et cette naïveté du coeur qui sont au seuil de la sagesse....

« s'agisse de l'amour d'une femme ou de ce rappel de l'éternité que lui apportent les lettres de sa mère, même si, l'instant après, il éclate en imprécations ou distille cette ironie féroce qui fait la force de ses Contes cruels.

C'est qu'il n'est pas seulement un« hôte de la réalité », conscient de ce qu'il existe autre chose, un au-delà où il n'est jamais allé encore, mais dont il a le pressentiment et la nostalgie.

Il est aussi, comme le dit une de ses pièces en prose, un « hôte exigeant », qui s'obstine à poser la question : « Pardon ...

vous ne voudriez pas me dire ...

pourquoi j'ai vécu? » Question absurde, qui restera sans réponse, mais qui le glace de solitude : Dieu est mort, l'univers reste indifférent aux souffrances comme aux joies humaines, la vie est horrible, seul l'homme existe ct c'est à la gloire de l'homme, cet éternèl chercheur sans éternité, qu'il élèvera son chant.

Or, l'homme n'est pas seulement amour, il n'est pas seulement cet obscur besoin de« vaincre la vie », il porte aussi en lui le Mal, ce mal qui dans les années 1930 s'incarne dans les régimes de violence qui s'instaurent en Europe.

Délaissant momentanément sa propre quête, Lagerkvist se dresse pour défendre un humanisme que symbolise à ses yeux l'Acropole, levé comme un poing fermé vers le ciel nocturne.

Mais c'est lorsqu'il dépasse les contingences qu'il atteint sa véritable grandeur, en renouant avec les symboles les plus anciens : voici le Bourreau, le mal conscient mais douloureux, bouc émissaire et âme damnée, qui porte, tel un Christ, les douleurs et les fautes des hommes; voici le Nain, mal triomphant, profondément enraciné dans le cœur humain, attendant patiemment dans sa geôle que son maître le rappelle, puisqu'il se sait indispensable; voici Barabbas, le mal inconscient, presque innocent, qui pose le problème dans toute son absurdité, Barabbas hanté par l'image du Christ et qui ne trouve d'autre moyen de le servir que la violence et la destruction.

Est-ce à dire que Dieu lui-même a voulu ce Mal, pour lequel il nous condamne? C'est la question que pose à la Sib]'lle, Ahasverus, le Juif errant, damné à jamais parce que, parmi tous les condamnés qui sont passés devant sa porte, il n'a pas su reconnaître le Fils de Dieu : si par légèreté il a commis un mal, qu'il ignorait, que dire alors de Dieu qui le poursuit si impitoyablement? Or l'ancienne pythie a, elle aussi, connu un dieu : au fond d'une caverne, au milieu des vapeurs sulfureuses et l'âcre odeur des boucs, elle a été possédée par lui, prise d'une extase répugnante d'où est jaillie la parole sacrée.

De ce dieu, elle a eu un fils, un pauvre idiot, le regard éteint et les lèvres baveuses, éternellement souriantes comme pour montrer que même ce qui est dénué de tout sem peut être divin.

Cette étrange rencontre figure bien le drame personnel de Lagerkvist, « ce croyant sans foi », comme il s'intitule lui-même.

Le dieu jaloux et vindicatif, bien différent de celui qui donnait à sa mère son étrange assurance, ce dieu impitoyable qui le poursuit sans répit de sa damnation comme de sa bénédiction n "esr-il pas en fin de compte le même que celui qu'a rencontré la pythie, à savoir Apollon, et son mystère n'est-il pas aussi celui de toute création ou procréation poétique? Lagerkvist est, en toute humilité, un poète inspiré, bouleversé par sa vision, en quelque sorte étranger à ce qui parle par sa voix et pathétique avec ce naturel qui n'appartient qu'à celui qui s'est oublié lui-même.

Il parle sans effort le langage ambigu du mythe, ayant une fois pour toutes atteint cette simplicité de l'expression et cette naïveté du cœur qui sont au seuil de la sagesse.

Une sagesse qui ne signifie d'ailleurs pas le repos, puisque de la Sibylle il est reparti pour une nouvelle quête, afin d'atteindre « le divin qui se trouve au-delà de tout ce fatras sacré », au-delà de Dieu lui-même, qui n'est pour lui qu'un obstacle.

A travers ses derniers livres se poursuit un étrange relais : Ahasvcrus quitte la Sibylle, trouve enfin la paix ct transmet dans la Mort d' Ahasverus le flambeau au brigand Tobie, lequel à son tour, dans le Pèlerin sur la mer, semble transmettre son obscur message à un prêtre défroqué ...

C.

G.

BJURSTROM. »

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