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Pascal, Blaise - philosophie.

Publié le 08/05/2013

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Pascal, Blaise - philosophie. 1 PRÉSENTATION Pascal, Blaise (1623-1662), mathématicien, physicien, théologien, mystique, philosophe, moraliste et polémiste français du XVIIe siècle. L'étendue des domaines d'intérêt et du génie de Pascal est impressionnante : inventeur de la machine à calculer, concepteur des premiers transports en commun en France, artisan de l'assèchement des marais poitevins, polémiste brillant contre les jésuites dans les Provinciales, apologiste de la foi chrétienne avec les fragments rassemblés sous le titre de Pensées, il fut également l'un des plus brillants prosateurs de la langue française et l'une des plus grandes figures du XVIIe siècle français. 2 BIOGRAPHIE 2.1 Un génie précoce Fils d'Étienne Pascal (1588-1651), mathématicien amateur et juriste, second président de la cour des aides de Clermont, et d'Antoinette Begon (1596-1626), Blaise Pascal naquit à Clermont (aujourd'hui Clermont-Ferrand) le 19 juin 1623. Sa mère mourut lorsqu'il avait trois ans. La famille Pascal (le père Étienne, son fils Blaise et ses deux filles Gilberte et Jacqueline) s'installa à Paris en novembre 1631. À partir de 1635, Étienne Pascal fréquenta avec son fils l'Académie de mathématique fondée par le philosophe Marin Mersenne en 1635. Génie précoce, le jeune Blaise Pascal écrivit un Traité sur les sons à l'âge de onze ans, réinventa les théorèmes d'Euclide jusqu'à la trente-deuxième proposition alors qu'il n'avait que douze ans (1635). Son père, rentier de l'Hôtel de Ville, manifesta pour défendre ses droits à la suite d'une suppression des rentes et se cacha, craignant d'être arrêté. Il fut ensuite nommé commissaire pour l'impôt en Haute-Normandie en 1639 par Richelieu et rattaché directement au roi. Dès lors, la famille s'installa à Rouen. Elle y reçut la visite de Pierre Corneille, qui demanda à Jacqueline Pascal d'écrire des vers. C'est à Rouen, en 1640, que Pascal rédigea l' Essay pour les coniques. En 1642, il conçut la machine arithmétique (la « roue pascale «) pour aider son père dans son travail de comptabilité fiscale. 2.2 Conversions et expériences En 1646, la famille Pascal se convertit à un christianisme plus austère, marqué par la spiritualité de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, tandis que le jansénisme faisait déjà l'objet, depuis 1641, de premières condamnations. En 1646, il lut Jansénius. En 1646 également, Pascal procéda à de premières expériences sur le vide, qu'il poursuivit en 1647 avec son père et Florin Périer, le mari de sa soeur Gilberte, puis il profita du retour de la famille à Paris pour les refaire du haut de la tour SaintJacques en 1648 ; il publia Expériences nouvelles touchant le vide en 1647 et Récit de la grande expérience de l'équilibre des liqueurs en 1648. En 1647, Descartes aurait rendu visite à Pascal à propos de ces expériences. Le père de Pascal mourut en 1651. En 1652, Jacqueline Pascal entra à Port-Royal. Pascal fit don de sommes importantes à l'abbaye. Pascal poursuivit ses travaux scientifiques et mena alors une période de vie mondaine, avec notamment le moraliste Antoine Gombaud (1607-1684), chevalier de Méré -- auteur probable du Discours sur les passions de l'amour (1652), attribué longtemps à tort à Pascal -- et le riche Damien Mitton, dont on peut présumer qu'ils seront la première cible de l'Apologie de la religion chrétienne, destinée aux libertins. Cette période s'acheva le 23 novembre 1654 avec la nuit dite du Mémorial, nuit durant laquelle il connut une illumination mystique qu'il consigna sur une page (le Mémorial) qu'il conserva cousue dans son pourpoint : « Certitude, certitude, sentiment, joie, paix. Joie, joie, joie, pleurs de joie «. 2.3 Défense de Port-Royal : polémiques et apologétique En 1655-1656, Pascal fit donc deux retraites aux Granges de Port-Royal-des-Champs, rédigea l'Abrégé de la Vie de Jésus-Christ, l'Entretien avec Monsieur de Saci sur Épictète et Montaigne, et prit part à la querelle qui opposait les jansénistes à la Sorbonne et aux jésuites en rédigeant les Provinciales (lettres fictives adressées à un ami provincial), publiées une par une et anonymement. Le 24 mars 1656, la filleule de Pascal, Marguerite Perrier, fut guérie miraculeusement d'une fistule à l'oeil gauche -- dont elle souffrait depuis trois ans -- par le contact de la Sainte-Épine, relique conservée à Port-Royal. Pascal forma alors le projet de rédiger une Apologie de la religion chrétienne, dont il exposa la teneur lors d'une conférence à Port-Royal en 1658 et à laquelle il travailla surtout de 1659 à 1661 ; nous en connaissons des fragments réunis sous le titre de Pensées. De 1656 à 1659, Pascal, mis à part l'Histoire de la roulette, se consacra surtout à des publications « philosophiques « ou rhétoriques (De l'art de persuader, De l'esprit géométrique) et religieuses (Écrits sur la grâce, Écrits des curés de Paris). Très malade, Pascal rédigea en 1659 une Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies. Lors de la sommation faite aux jansénistes de signer un « formulaire « reconnaissant les erreurs de Jansénius, en 1661, Pascal s'opposa à la signature faite sans réserves, puis se retira. Le 18 mars 1662 furent inaugurées à Paris les lignes de carrosses à cinq sols, ancêtres des transports en commun urbains, dont Pascal avait conçu le projet avec le duc de Roannez. Il mourut le 19 août 1662, ses soeurs, en 1661 et 1687. Malade toute sa vie, Pascal ne cessa jamais de conjuguer réflexion religieuse et science expérimentale, se penchant sur des questions très concrètes aussi bien que sur des questions mystiques. 3 OEUVRE SCIENTIFIQUE 3.1 Physique et mathématique Formé à l'Académie de mathématiques de Mersenne, Pascal hérita très tôt de l'esprit anti-scolastique et anti-aristotélicien -- initiés par Descartes -- qui y régnaient alors. Dès son plus jeune âge, Pascal fut ainsi éduqué au débat scientifique, et il correspondit avec de nombreux savants, et notamment avec le mathématicien Pierre de Fermat. Du point de vue scientifique, les travaux de Pascal n'ont pas le caractère révolutionnaire de ceux de Galilée ou de Descartes au XVIIe siècle. L'apport de Pascal dans le domaine scientifique réside surtout dans le recours à l'expérience comme donnée de fait, et dans l'art de la découverte (méthode, « esprit de géométrie «) et de la présentation (« art de persuader «) de ses recherches, plus que dans leur originalité. Ses travaux ont porté sur la pesanteur, le vide et la pression, l'hydrostatique (voir Fluides, mécanique des), la géométrie, l'arithmétique, les probabilités et les mathématiques. Dès son Essay pour les coniques (1640), Pascal utilisa la méthode projective pour déduire les propriétés des coniques du théorème sur l'hexagramme. À la suite de Torricelli, disciple de Galilée, il se livra à l'étude de la question du vide : « la nature a horreur du vide « pensait-on depuis le Moyen Âge. En 1648, il se rendit avec son beau-frère Périer au puy de Dôme pour réitérer l'expérience de Torricelli sur le baromètre, et observant le niveau de mercure diminuer avec l'altitude, fit la preuve de l'existence du vide et de la « pesanteur de la masse de l'air «, sans toutefois remettre en cause l'ensemble de la physique scolastique et ses corrélats philosophiques. Sa perspective était expérimentale, non métaphysique. Il est également à l'origine du « principe de Pascal « qui établit que, dans un fluide incompressible en équilibre, les pressions se transmettent intégralement. Son nom fut donné à une unité de pression. Il conçut en 1654 un triangle, appelé depuis « triangle de Pascal « utile à de nombreux calculs arithmétiques. Il travailla ensuite sur les probabilités à partir de deux problèmes de jeu et tenta de « géométriser le hasard «. Il travailla sur l'infini mathématique (voir Infinitésimal, calcul) et mit au point la méthode d'induction en mathématique. Il est également à l'origine des méthodes combinatoires. Avec les Éléments de géométrie (1657), il inaugura la géométrie non-euclidienne. En 1658, il développa les méthodes infinitésimales et soumit un problème de cycloïde à un concours international de géomètres. 3.2 Machine à calculer C'est à partir de la représentation de mouvements de roue que Pascal, dans le dessein de « réduire en mouvement réglé toutes les opérations de l'arithmétique «, inventa en 1642 la « machine d'arithmétique « (appelée aussi par un de ses correspondants la « roue pascale «), capable d'additionner et de soustraire, et conçue pour la comptabilité, les calculs d'architectes, le calcul abstrait. Il en montra un exemplaire en 1644 à Henri II de Bourbon, père du Grand Condé, la dédia en 1645 au chancelier Séguier et la fit adresser en 1659 au savant Christiaan Huygens. Afin de la faire connaître et de lutter contre les faussaires, il publia un Avis nécessaire à ceux qui auront curiosité de voir la machine d'arithmétique, et de s'en servir utilitaire et publicitaire. Le sieur Roberval, professeur ordinaire de mathématiques au Collège royal de France, fut chargé d'en faire la démonstration à qui souhaiterait la découvrir. Cinquante prototypes furent construits. Elle fut fabriquée dans de nombreux modèles, en bois, en cuivre, en ébène et en ivoire. Elle fut vendue 100 livres, prix très élevé. Construite sur six niveaux (selon les ordres d'unité), elle fonctionnait avec des roues à dix dents et faisait apparaître les résultats à travers de petites fenêtres. Quatre exemplaires sont actuellement conservés au Conservatoire national des arts et métiers à Paris. Sa machine n'était toutefois pas la première. Kepler avait en effet commandé un modèle analogue au mathématicien, astronome et linguiste allemand Wilhelm Schickard (1592-1635) en 1623, conçu pour calculer les éphémérides. Il aurait toutefois disparu dans un incendie et Pascal n'en a pas eu connaissance. 3.3 Marais et carrosses Spécialiste d'hydrostatique, Pascal collabora à l'entreprise d'assèchement des marais poitevins. Précurseur des transports en commun, il travailla également à la création d'une ligne de carrosses payants (cinq sols) circulant à travers Paris, en portant son attention sur la sécurité, la facilité d'accès (notamment aux handicapés) et de changement. Tout comme la machine d'arithmétique, ces deux entreprises montrent le souci pratique de Pascal, et mirent en oeuvre son sens de la communication et de la diffusion de ses travaux. 4 L'APOLOGÉTIQUE CHRÉTIENNE : LES PENSÉES Dès sa « conversion « au « Dieu d'Abraham « d'Isaac et de Jacob, en 1654 et, surtout, à partir d'un entretien avec son directeur spirituel M. de Sacy en 1655, Pascal entreprit de rédiger une Apologie de la religion chrétienne, dont des fragments épars nous sont connus sous le titre de Pensées. L'apologétique, genre littéraire chrétien traditionnel qui fit florès au Moyen Âge, est un discours de croyant ; elle se fonde sur la certitude de la vérité de la Révélation chrétienne -- manifestée selon Pascal par les Évangiles, et confirmée, s'il en était besoin, par sa conversion et le miracle de la Sainte-Épine -- et vise à convertir les « infidèles « ou les incroyants. Conformément à la tradition apologétique -- représentée notamment pour le christianisme par Raymond Sebond et Raymond Lulle, pour le judaïsme par Judah Halevi (v. 1075-1141) dans son Livre du Kuzari -- Pascal examine dans son Apologie les différentes religions (islam, judaïsme), l'absence de religion, et en conclut à la nécessité de la foi et de la conversion. L'apologétique de Pascal n'est pas destinée au peuple, mais aux lettrés et aux savants : Pascal y vise les « libertins «, penseurs et moralistes érudits et savants sur lesquels la religion n'a plus de prise. Pour les persuader, Pascal s'adapte à leur esprit par l'élégance, la vigueur et la subtilité de son argumentation. Examinant leur vie, il tente de montrer qu'elle n'est que fuite de Dieu, « divertissement « et que pour ne pas être condamné éternellement (voir Enfer ; Eschatologie), l'Homme doit se recentrer sur Dieu : « Si vous mourez sans adorer le vrai principe, vous êtes perdu « (pensée n° 158 de l'édition Lafuma). C'est le sens de l'argument du pari (n° 418) qui mêle rhétorique apologétique, logique et probabilités, étudiées par Pascal notamment dans le jeu de la roulette, et oppose le caractère fini des plaisirs de la vie humaine à l'infinité de l'amour de Dieu : « Il y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte et ce que vous jouez est fini. Il n'y a point à balancer, il faut tout donner « et, plus loin, « Quel mal vous arrivera-t-il en prenant ce parti ? Vous serez fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, ami sincère, véritable, etc. À la vérité vous ne serez point dans les plaisirs empestés, dans la gloire, dans les délices, mais n'en aurez-vous point d'autres ? «. Examinant leur pensée, il combat également le scepticisme des libertins en critiquant l'orgueil de la Raison et en établissant que l'Homme ne peut se fier à son propre jugement, même sceptique. L'Homme est grand (parce qu'il est créé par Dieu) mais il est misérable (parce qu'il est pécheur) : il doit donc se tourner vers Dieu seul et lui « soumettre « sa raison. Cette pensée s'intègre dans le courant de ce que le philosophe et historien de la philosophie français Henri Gouhier (1898-1994) a appelé la pensée « anti-humaniste « du XVIIe siècle, réaction chrétienne contre la valorisation de l'Homme chère à la Renaissance et l'anthropocentrisme qui en découle : l'Homme n'est rien en face de l'immensité de Dieu. Le Dieu de Pascal est un Dieu caché (Deus absconditus), un Dieu de jugement plus que d'amour, qui s'est manifesté en Jésus-Christ. La nature et les preuves logiques et métaphysiques de l'existence de Dieu (l'argument ontologique de saint Anselme de Canterbury et de Descartes, notamment) ne sont pas réellement probantes car seule l'est la Révélation faite par les Écritures : « la foi est différente de la preuve. L'une est humaine et l'autre est un don de Dieu «. Pascal se livre donc à une exégèse biblique qui lit l'annonce de la venue de Jésus-Christ jusque dans l'Ancien Testament (voir Bible). Mais la pensée théologique de Pascal se développe également dans les Écrits sur la grâce et dans les Provinciales : contre les jésuites, il affirme que l'Homme ne peut être sauvé que par la grâce accordée par Dieu, et que ses bonnes oeuvres et sa volonté bonne ne concourent en rien au salut, gratuit et « arbitraire «. Pascal se situe ainsi, sur la question de la prédestination, entre le calvinisme (voir Calvin, Jean) et le pélagianisme (voir Pélagianisme), dans la tradition de saint Augustin d'Hippone. En un sens, l'Apologie et les Provinciales sont les deux versants d'un même projet qui prend, d'un côté, une forme positive et théologico-philosophique, de l'autre, une forme littéraire polémique et brillante. 5 UN MORALISTE Pour séduire les libertins et les amener à la foi chrétienne, Pascal, marqué également par eux avant sa conversion, se fait moraliste et scrute dans le détail les passions de l'Homme, qui « nous poussent au-dehors «. C'est un moraliste chrétien, héritier du « Vanité, tout est vanité « de l'Ecclésiaste : relativité des lois, hasard à l'origine des grands événements, vanité de la gloire, tout concourt à produire un abaissement de l'Homme. Pascal critique le « divertissement « à l'oeuvre dans la chasse, le jeu, la danse et les plaisirs : « Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser «. Moraliste chrétien, Pascal l'est aussi lorsqu'il distingue (pensée n° 308), à la suite de l'Évangile selon saint Jean, de saint Augustin et de Jansénius, les trois concupiscences (la « chair «, le savoir et l'orgueil) et en fait trois ordres : l'ordre « charnel « du pouvoir et de la possession (personnifié par Alexandre le Grand), l'ordre « de l'esprit «, du savoir et de la connaissance (personnifié par Archimède), l'ordre « spirituel « du « coeur « et de la charité (amour chrétien), incarné par Jésus-Christ dans son « sacrifice «. La morale devient spirituelle, voire métaphysique. Mais c'est aussi un moraliste sceptique qui rappelle parfois le calcul des plaisirs cher aux moralistes antiques, et notamment au stoïcien Épictète. Là où Montaigne cherchait une voie médiane entre les contradictions de l'Homme, Pascal maintient l'opposition et la dépasse en recourant à un principe supérieur : l'âme, Jésus-Christ, Dieu. Mais Pascal moraliste est aussi un polémiste qui dénonce dans les Provinciales les abus de la casuistique morale des jésuites, qui font varier la valeur d'un acte selon l'intention et la situation, allant jusqu'à permettre le meurtre et le vol. 6 PASCAL PHILOSOPHE ? L'une des épithètes que nous donnions à Pascal en tête de cet article, toutefois, est incertaine, celle de philosophe : si Pascal discute Descartes, c'est en scientifique et en apologiste de la foi chrétienne, s'il lit Épictète et Montaigne, c'est à la lumière d'un entretien avec son directeur spirituel, M. de Saci. Descartes, et avec lui, le travail philosophique, est « inutile et incertain «, et « toute la philosophie ne vaut pas une heure de peine «. Cette critique de la philosophie, fondée sur la vérité de la religion chrétienne (la vérité a été donnée aux hommes : elle s'appelle Jésus-Christ) questionne toutefois la philosophie, qui n'a cessé de lire Pascal, tout en le tenant à part. En effet, Pascal ne se situe pas d'emblée dans la tradition philosophique. Son objectif est avant tout théologique et apologétique, et la philosophie lui paraît bien plutôt l'arme de ses adversaires, « les libertins «. Le Dieu de Pascal n'est pas « le Dieu des philosophes et des savants «, mais « le Dieu d'Abraham d'Isaac et de Jacob « (Mémorial). Il refuse également la prétention de Descartes ou de Pic de la Mirandole à la totalisation du savoir : le savoir est l'oeuvre de la science, qui progresse dans l'histoire, la certitude de l'ordre de la foi. Il pose ainsi une différence de statut du passé entre la science et la religion et se prononce pour l'innovation en science et pour la tradition en théologie. S'il forme implicitement, dans la Préface sur le traité du vide, le projet d'une science universelle, elle doit être l'effet conjugué du savoir des Anciens et des Modernes (« un nain sur les épaules d'un géant «) et du progrès de la science, et non pas d'une synthèse philosophique. Il élabore donc en science la méthode expérimentale chère au philosophe de la Renaissance Francis Bacon, et récuse les prétentions métaphysiques de la philosophie, au nom de la religion chrétienne. La philosophie est source d'erreur si elle est plus qu'une méthode. Ainsi, comme chez Descartes, il y a chez Pascal la recherche d'un critère pour distinguer le vrai du faux, travail philosophique s'il en est, depuis Platon : « L'Homme est donc si heureusement fabriqué qu'il n'a aucun principe juste du vrai, et plusieurs excellents du faux. Voyons maintenant combien. « (n° 44). Il distingue également les modes de l'esprit : esprit de finesse (intuitif), esprit de géométrie (rigoureux) et appelle à l'intelligence du « coeur «, et non seulement de l'esprit, ce qui est une nouveauté en philosophie. Ignorant Platon et Aristote, passant par-dessus la tradition scolastique médiévale, Pascal pose en philosophie, dans l'Entretien avec Monsieur de Saci sur Épictète et Montaigne (1655) et dans les Pensées, l'alternative stoïcisme (Épictète) ou scepticisme (Montaigne), qu'il identifie respectivement à l'orgueil et à la paresse de l'esprit humain. Il met en doute la capacité de l'Homme à combler ses désirs et critique les capacités de la raison. Comme Nietzsche plus tard, il adopte une attitude critique à l'égard de la philosophie, qui, en un sens, est elle-même philosophique : « Se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher «. 7 POSTÉRITÉ 7.1 Éditions des Pensées Le premier problème laissé par Pascal à la postérité a été celui du classement des fragments de son Apologie de la religion chrétienne. Désireux de faire paraître une Apologie construite avec méthode, Pascal laissa une oeuvre de fragments, constituée d'un ensemble désordonné de longs papiers découpés destinés à un classement final qui nous reste inconnu : si les Pensées ont été publiées pour la première fois en 1670 dans une version censurée, des éditions modernes, à partir de la découverte des manuscrits de Pascal par le philosophe Victor Cousin, ont été établies par Louis Lafuma, Léon Brunschvicg, Jean Mesnard et Philippe Sellier. Chacune adopte son propre système de classification, en établissant des tables de correspondance avec celle des autres éditions. 7.2 Jugements sur Pascal La postérité de Pascal est immense et contradictoire : Leibniz commenta ses oeuvres scientifiques, Nietzsche vit en lui un homme qui a accompli un « lent suicide de la raison « par la foi, l'existentialisme chrétien a vu en lui un précurseur, tandis que divers courants philosophiques d'inspiration chrétienne prendront appui sur lui pour critiquer le rationalisme. On a dit également de Pascal qu'il était le « dernier Père de l'Église « : c'est effectivement le situer dans le cadre de la tradition dont il s'est nourri et reconnaître son projet religieux tel qu'il l'a conçu : une défense de la foi chrétienne. Rejeté par les philosophes, qu'il a lui-même rejetés, relégué dans l'« histoire « des sciences, Pascal est également oublié de l'histoire chrétienne : trop proche du jansénisme pour y avoir survécu, on ne lit plus aujourd'hui Pascal comme auteur spirituel, et son « apologétique « n'est plus actuelle. Pascal resterait une figure des lettres françaises ... Comme si cette passion à prouver et à convaincre avait réduit l'oeuvre de Pascal à n'être qu'un simple discours ... Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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« Ses travaux ont porté sur la pesanteur, le vide et la pression, l'hydrostatique ( voir Fluides, mécanique des), la géométrie, l'arithmétique, les probabilités et les mathématiques. Dès son Essay pour les coniques (1640), Pascal utilisa la méthode projective pour déduire les propriétés des coniques du théorème sur l'hexagramme.

À la suite de Torricelli, disciple de Galilée, il se livra à l'étude de la question du vide : « la nature a horreur du vide » pensait-on depuis le Moyen Âge.

En 1648, il se rendit avec son beau-frère Périer au puy de Dôme pour réitérer l'expérience de Torricelli sur le baromètre, et observant le niveau de mercure diminuer avec l'altitude, fit la preuve de l'existence du vide et de la « pesanteur de la masse de l'air », sans toutefois remettre en cause l'ensemble de la physique scolastique et ses corrélats philosophiques.

Sa perspective était expérimentale, non métaphysique. Il est également à l'origine du « principe de Pascal » qui établit que, dans un fluide incompressible en équilibre, les pressions se transmettent intégralement.

Son nom fut donné à une unité de pression. Il conçut en 1654 un triangle, appelé depuis « triangle de Pascal » utile à de nombreux calculs arithmétiques.

Il travailla ensuite sur les probabilités à partir de deux problèmes de jeu et tenta de « géométriser le hasard ».

Il travailla sur l'infini mathématique ( voir Infinitésimal, calcul) et mit au point la méthode d'induction en mathématique.

Il est également à l'origine des méthodes combinatoires.

Avec les Éléments de géométrie (1657), il inaugura la géométrie non-euclidienne.

En 1658, il développa les méthodes infinitésimales et soumit un problème de cycloïde à un concours international de géomètres. 3. 2 Machine à calculer C'est à partir de la représentation de mouvements de roue que Pascal, dans le dessein de « réduire en mouvement réglé toutes les opérations de l'arithmétique », inventa en 1642 la « machine d'arithmétique » (appelée aussi par un de ses correspondants la « roue pascale »), capable d'additionner et de soustraire, et conçue pour la comptabilité, les calculs d'architectes, le calcul abstrait.

Il en montra un exemplaire en 1644 à Henri II de Bourbon, père du Grand Condé, la dédia en 1645 au chancelier Séguier et la fit adresser en 1659 au savant Christiaan Huygens.

Afin de la faire connaître et de lutter contre les faussaires, il publia un Avis nécessaire à ceux qui auront curiosité de voir la machine d'arithmétique, et de s'en servir utilitaire et publicitaire.

Le sieur Roberval, professeur ordinaire de mathématiques au Collège royal de France, fut chargé d'en faire la démonstration à qui souhaiterait la découvrir.

Cinquante prototypes furent construits.

Elle fut fabriquée dans de nombreux modèles, en bois, en cuivre, en ébène et en ivoire.

Elle fut vendue 100 livres, prix très élevé.

Construite sur six niveaux (selon les ordres d'unité), elle fonctionnait avec des roues à dix dents et faisait apparaître les résultats à travers de petites fenêtres.

Quatre exemplaires sont actuellement conservés au Conservatoire national des arts et métiers à Paris. Sa machine n'était toutefois pas la première.

Kepler avait en effet commandé un modèle analogue au mathématicien, astronome et linguiste allemand Wilhelm Schickard (1592-1635) en 1623, conçu pour calculer les éphémérides.

Il aurait toutefois disparu dans un incendie et Pascal n'en a pas eu connaissance. 3. 3 Marais et carrosses Spécialiste d'hydrostatique, Pascal collabora à l'entreprise d'assèchement des marais poitevins.

Précurseur des transports en commun, il travailla également à la création d'une ligne de carrosses payants (cinq sols) circulant à travers Paris, en portant son attention sur la sécurité, la facilité d'accès (notamment aux handicapés) et de changement.

Tout comme la machine d'arithmétique, ces deux entreprises montrent le souci pratique de Pascal, et mirent en œuvre son sens de la communication et de la diffusion de ses travaux. 4 L'APOLOGÉTIQUE CHRÉTIENNE : LES PENSÉES Dès sa « conversion » au « Dieu d'Abraham » d'Isaac et de Jacob, en 1654 et, surtout, à partir d'un entretien avec son directeur spirituel M.

de Sacy en 1655, Pascal entreprit de rédiger une Apologie de la religion chrétienne, dont des fragments épars nous sont connus sous le titre de Pensées. L'apologétique, genre littéraire chrétien traditionnel qui fit florès au Moyen Âge, est un discours de croyant ; elle se fonde sur la certitude de la vérité de la Révélation chrétienne — manifestée selon Pascal par les Évangiles, et confirmée, s'il en était besoin, par sa conversion et le miracle de la Sainte-Épine — et vise à convertir les « infidèles » ou les incroyants.

Conformément à la tradition apologétique — représentée notamment pour le christianisme par Raymond Sebond et Raymond Lulle, pour le judaïsme par Judah Halevi (v.

1075-1141) dans son Livre du Kuzari — Pascal examine dans son Apologie les différentes religions (islam, judaïsme), l'absence de religion, et en conclut à la nécessité de la foi et de la conversion.

L'apologétique de Pascal n'est pas destinée au peuple, mais aux lettrés et aux savants : Pascal y vise les « libertins », penseurs et moralistes érudits et savants sur lesquels la religion n'a plus de prise. Pour les persuader, Pascal s'adapte à leur esprit par l'élégance, la vigueur et la subtilité de son argumentation.

Examinant leur vie, il tente de montrer qu'elle n'est que fuite de Dieu, « divertissement » et que pour ne pas être condamné éternellement (voir Enfer ; Eschatologie), l'Homme doit se recentrer sur Dieu : « Si vous mourez sans adorer le vrai principe, vous êtes perdu » (pensée n° 158 de l'édition Lafuma).

C'est le sens de l'argument du pari (n° 418) qui mêle rhétorique apologétique, logique et probabilités, étudiées par Pascal notamment dans le jeu de la roulette, et oppose le caractère fini des plaisirs de la vie humaine à l'infinité de l'amour de Dieu : « Il y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte et ce que vous jouez est fini.

Il n'y a point à balancer, il faut tout donner » et, plus loin, « Quel mal vous arrivera-t-il en prenant ce parti ? Vous serez fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, ami sincère, véritable, etc.

À la vérité vous ne serez point dans les plaisirs empestés, dans la gloire, dans les délices, mais n'en aurez-vous point d'autres ? ». Examinant leur pensée, il combat également le scepticisme des libertins en critiquant l'orgueil de la Raison et en établissant que l'Homme ne peut se fier à son propre jugement, même sceptique.

L'Homme est grand (parce qu'il est créé par Dieu) mais il est misérable (parce qu'il est pécheur) : il doit donc se tourner vers Dieu seul et lui « soumettre » sa raison.

Cette pensée s'intègre dans le courant de ce que le philosophe et historien de la philosophie français Henri Gouhier (1898-1994) a appelé la pensée « anti-humaniste » du XVII e siècle, réaction chrétienne contre la valorisation de l'Homme chère à la Renaissance et l'anthropocentrisme qui en découle : l'Homme n'est rien en face de l'immensité de Dieu. Le Dieu de Pascal est un Dieu caché (Deus absconditus), un Dieu de jugement plus que d'amour, qui s'est manifesté en Jésus-Christ.

La nature et les preuves logiques et métaphysiques de l'existence de Dieu (l'argument ontologique de saint Anselme de Canterbury et de Descartes, notamment) ne sont pas réellement probantes car seule l'est la Révélation faite par les Écritures : « la foi est différente de la preuve.

L'une est humaine et l'autre est un don de Dieu ».

Pascal se livre donc à une exégèse biblique qui lit l'annonce de la venue de Jésus-Christ jusque dans l'Ancien Testament ( voir Bible). Mais la pensée théologique de Pascal se développe également dans les Écrits sur la grâce et dans les Provinciales : contre les jésuites, il affirme que l'Homme ne peut être sauvé que par la grâce accordée par Dieu, et que ses bonnes œuvres et sa volonté bonne ne concourent en rien au salut, gratuit et « arbitraire ».

Pascal se situe ainsi, sur la question de la prédestination, entre le calvinisme ( voir Calvin, Jean) et le pélagianisme ( voir Pélagianisme), dans la tradition de saint Augustin d'Hippone.. »

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