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La passion est-elle compatible avec la sagesse ?

Publié le 05/10/2005

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L'exclusivisme passionnel explique ce paradoxe, souvent mis en lumière par les psychologues, les moralistes et les romanciers : l'état de passion implique à la fois un enrichissement et un dessèchement de l'affectivité. L'objet de la passion devient la source des émotions les plus vives Grandet est d'une extrême sensibilité pour tout ce qui concerne son argent. Mais à l'égard de ses proches, c'est un coeur sec, un monstre d'insensibilité. Et si le passionné ne montre pas toujours cette indifférence, s'il semble quelquefois capable de « vibrer » pour bien d'autres choses que l'objet défini de sa passion (par exemple l'amoureux devient très sensible à la musique, ou bien découvre la poésie de la nature), c'est précisément parce qu'il aperçoit le monde entier à travers son délire, parce qu'il « projette » sa passion sur l'univers. Ainsi le poète dit à la femme aimée : « J'entends vibrer ta voix dans tous les bruits du monde » (Eluard). Stendhal a très bien décrit ce processus psychologique sous le nom CRISTALLISATION : Terme forgé par Stendhal par analogie avec la formation de cristaux scintillants autour des objets abandonnés dans les mines de sel. Il désigne le phénomène par lequel l'imagination transforme l'objet aimé et lui attribue sans cesse de nouvelles qualités et perfections. de cristallisation. Une branche banale, jetée dans les salines de Salzbourg, est retirée toute couverte de cristaux, étincelante comme un bijou. C'est une image exacte de ce qui se passe dans l'état de passion.
  • Qu'implique traditionnellement la sagesse ? Le sage n'est-il pas celui qui justement ne doit pas connaître de passion ?
  • La passion est-elle maîtrisablepar la raison triomphante du sage ?
  • N'y a-t-il pas une sagesse des passions ? Ou, tout au moins de bonnes passions ?

« • Dans cette optique, Spinoza par exemple rattache la passion à la nécessité qui régit l'ensemble de la nature; onpeut l'interpréter comme un mécanisme qui supprime notre apparence de liberté.

En la rattachant à la nécessité, onne se contente pas de la comprendre pour ce qu'elle est : on se donne aussi les moyens de la connaître, au moinsen partie, et donc de la maîtriser.

Car tel doit être l'objectif : dans la mesure où la passion n'est qu'une « idéeconfuse », notre âme en souffre et il faut nous en délivrer si nous voulons espérer atteindre aussi bien la vérité quela sagesse. C'est en effet l'imagination qui préside au développement des passions.

Elle procède par rapprochements,associations, ressemblances vagues, causalités illusoires, — loin de tout rapport conforme à l'ordre réel des choses.Subir des passions, c'est avoir l'âme passive, c'est-à-dire ignorante des causes.

Voyons à l'oeuvre la logique passionnelle.

Si j'ai vécu mon plus grand chagrin au printemps, cette saison sera causede tristesse, sans raison qui tienne au printemps lui-même.

De même, si je subis un outrage d'un homme membred'une communauté quelconque, je garderai une méfiance irrationnelle envers tous les membres de cettecommunauté, par simple généralisation.

Si une chose qui m'agace a une ressemblance avec une autre que j'aime, jela haïrai et l'aimerai en même temps : c'est le flottement de l'âme, ou ambivalence.

Entraînés par ces associations automatiques, nous sommes réduits en esclavage par nos passions.

Passifs, noussommes séparés de notre puissance, rendus étrangers à nous-mêmes.

Les passions tristes en particulier nousamenuisent, nous détruisent.

Nous pensons, par exemple, à la mort, ce qui est contraire à toute sagesse, car la mort est une idée inadéquate,étrangère à notre nature qui n'implique qu'affirmation d'elle-même dans le conatus.

En ce sens, le sage doit vivrecomme s'il n'allait jamais mourir. LE « CONATUS » OU EFFORT DE L'ÊTRE. Rien ne va au néant.

Le nihilisme est absurde : « Nulle chose ne peutêtre détruite, sinon par une cause extérieure » (Éthique, III, P.

4).L'essence d'une chose est une manifestation limitée de l'essence de laCause de soi, qui est puissance infinie : « Tant que nous considéronsseulement la chose elle-même, et non les causes extérieures, nous nepouvons rien trouver en elle qui puisse la détruire » (ibid.).De là découle la proposition 6, justement célèbre: « De par son être,chaque chose s'efforce de persévérer dans son être » L'être est désird'être. « Cet effort, rapporté à l'esprit seul, s'appelle volonté ; mais quand il serapporte à la fois à l'esprit et au corps, il s'appelle tendance (appetitus); la tendance n'est donc rien d'autre que l'essence même de l'homme ;de cette essence découlent nécessairement les actes qui servent à saconservation; et ainsi l'homme est déterminé à les faire.

De plus, entrela tendance et le désir (cupiditas) il n'y a nulle différence, sinon que ledésir se rapporte généralement aux hommes dans la mesure où ils sontconscients de leurs tendances et c'est pourquoi on peut donner la définition suivante : Le désir est la tendance accompagnée de la conscience de cette même tendance.

Ainsi ilest établi que nous faisons effort en vue de quelque chose, la voulons, tendons vers elle, la désirons, non pasparce que nous jugeons qu'elle est bonne : au contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nousfaisons effort pour l'avoir, la voulons, tendons vers elle et la désirons.

» (Éthique, III, P.

9, Sc.).

Ainsi le désir,reconnu par toute la philosophie comme le dynamisme immanent à la nature, exprime directement l'essence del'être fini, ou puissance finie. Kant va plus avant dans la condamnation, parce que la passion est de nature pathologique ; elle est une perversionde la raison qui la détourne de ses fins légitimes.

De surcroît, la passion même « noble » considère nécessairementl'autre humain comme un moyen pour sa propre satisfaction, elle est donc condamnable aussi du point de vue moral.. »

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