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Si la passion est involontaire, y a-t-il un sens a vouloir la maîtriser ?

Publié le 27/02/2005

Extrait du document

  • a) «Si la passion est involontaire...«

 Cette formulation limite l'interrogation. Il faut accepter de se placer dans ce cadre. Mais rien ne contraint de l'accepter sans réserve. Il faudra donc commencer par réfléchir à l'intérieur de cette problématique, puis s'interroger sur sa pertinence.  

  •  b) «Vouloir maîtriser«

 Vouloir maîtriser la passion présuppose qu'un sujet, devenu l'esclave d'une passion, entreprend de renverser cette situation, de soumettre sa passion à sa volonté consciente ou, du moins, de s'en libérer (et c'est déjà la dominer). Quoi qu'il en soit, la passion est posée non seulement comme quelque chose d'involontaire, Quelque chose qui échappe au contrôle de la volonté, mais comme ce qui pourrait maîtriser, contrôler la volonté du sujet. On est ainsi placé dans une perspective traditionnelle qui interprète la passion en termes de passivité : l'être passionné subit, quand il pourrait et/ou devrait commander.  

 

  • a) A première vue, et par définition, l'involontaire est ce qui échappe au contrôle de la volonté ; vouloir maîtriser ce qui échappe au vouloir paraît évidemment contradictoire ou insensé (contraire au sens commun, à la raison et à son principe de cohérence). Si donc la passion est involontaire, il semble impossible de vouloir la maîtriser.
  •  b) Toutefois, n'y a-t-il pas de l'involontaire dont je puisse me rendre maître ? Je n'ai, par exemple, pas décidé d'avoir faim ; n'ai-je pas le pouvoir de résister à ce besoin ? N'y a-t-il pas des hommes qui ont choisi d'y résister toujours (grève de la faim) ?
  •  c) C'est pourquoi la question se pose de savoir s'il y a un sens à vouloir maîtriser la passion, même si elle est involontaire.

« Ainsi, l'âme du passionné est comme l'esclave du corps, et on pourrait dire que la passion est involontaire. b) Passion et liberté• «Mais la volonté de l'homme est tellement libre, souligne Descartes, qu'elle ne peut jamais être contrainte.» Il fautdonc nuancer l'analyse :— la passion est involontaire dans la mesure où elle est par définition un mouvement de l'âme et de la volontéorienté par le corps ;—- mais il faut que la volonté consente à se laisser diriger ; si sa nature est telle qu'elle ne peut jamais êtrecontrainte, elle a, en quelque sorte, choisi de ne plus choisir, décidé librement de ne plus être maîtresse d'elle-même; elle a, en tout cas et en dernière analyse, laissé le corps agir sur elle.

Le caractère involontaire de la passionn'exclut aucunement la présence d'une volonté capable d'entreprendre de la maîtriser (cf.

sujet-texte n° 11),puisqu'il y a, dans cette forme d'involontaire, une sorte de complicité de la «victime», l'âme.• Descartes peut donc écrire : « Ceux même qui ont les plus faibles âmes pourraient acquérir un empire très absolusur toutes leurs passions», "à condition toutefois qu'ils emploient «assez d'industrie à les dresser et à les conduire»(Ibid.

art.

50).

Il peut être, en effet, difficile de se déprendre de telles ou telles passions excessives, lorsqu'on nes'exerce jamais à les régler, qu'on se laisse d'ordinaire ballotter par elles, bref, lorsqu'elles rendent «l'âme esclave etmalheureuse» (art.

48).

Mais, en droit, nous sommes sûrs de «ne manquer jamais de volonté pour entreprendre etexécuter toutes les choses [que nous jugerons] être les meilleures ; ce qui est suivre parfaitement la vertu» (art.153).Si, en un sens, la passion est involontaire, en un autre sens, de cet involontaire, il faut dire que nous le voulons oul'avons voulu.

Pâtir de la passion dépend encore de nous.• Alain prolonge la tradition cartésienne lorsque, en particulier, il nous donne un exemple plaisant d'exercice quipermettrait à la volonté de surmonter l'esclavage des passions.

«Au reste, dit-il, on peut rire et surtout sourirevolontairement ; et comme ces mouvements sont les plus puissants contre les passions, je dirais même que lesourire est la plus haute marque du vouloir, et, comme on l'a presque dit, le propre de la raison» (Éléments dePhilosophie, coll.

Idées, p.

294). 4 être le jouet de l'inconscient? a) Approche psychanalytique• Alquié fait remarquer que «la passion, supposant compréhension et synthèses, n'est intelligible que si l'on invoquel'esprit».

C'est donc au sein de notre psychisme qu'il faudrait chercher cet involontaire que contient la passion etque note si souvent le passionné («C'est plus fort que moi»).

Selon Freud, les conduites d'un homme passionnépeuvent être comprises comme les symptômes, indéchiffrables par la conscience ou l'introspection, de forcesinconscientes dont l'organisation particulière s'est faite au cours de la petite enfance.« La psychanalyse nous apprend que les émotions de notre enfance gouvernent notre vie, que le but de nospassions est de les retrouver », écrit F.

Alquié.

« Don Juan est si certain de n'être pas aimé que toujours il séduit,et toujours refuse de croire à l'amour qu'on lui porte, le présent ne pouvant lui fournir la preuve qu'il cherche en vainpour guérir sa blessure ancienne.

De même, l'avarice a souvent pour cause quelque crainte infantile de mourir defaim, l'ambition prend souvent sa source dans le désir de compenser une ancienne humiliation...

Mais ces souvenirsn'étant pas conscients et tirés au clair, il faut sans cesse recommencer les actes qui les pourraient apaiser.

» (LeDésir d'éternité, pp.

23-24).• La conscience s'épuiserait donc à vouloir maîtriser une passion dont le sens lui échappe, comme lui échappe lesens d'un symptôme névrotique ou d'un rêve.

Si le passionné avait le sentiment de parvenir à dominer les forces quile traversent, il serait encore dans l'illusion : selon le mot de Freud, le moi n'est «pas maître dans sa propre maison».

Au cours de la cure psychanalytique, la relation qui s'établit entre le psychanalyste et celui qui parle pourraitconduire, moins à une conscience claire de l'inconscient, qu'à une reprise, une réactualisation d'un passé et de seseffets psychiques, par quoi seraient rendus possibles certains remaniements de la personnalité.

Ainsi, l'idée d'unemaîtrise de sa passion paraît bien discutable, si l'homme n'est jamais en possession de lui-même, si la maîtrise de sonpsychisme est un idéal qui ne peut être atteint.. »

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