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Paul Verlaine, La Bonne Chanson: Ce poème est extrait d'un recueil composé par Verlaine juste avant son mariage avec Mathilde Mauté de Fleurville.

Publié le 30/03/2011

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Le paysage dans le cadre des portières Court furieusement, et des plaines entières Avec de l'eau, des blés, des arbres et du ciel Vont s'engouffrant parmi le tourbillon cruel Où tombent les poteaux minces du télégraphe Dont les fils ont l'allure étrange d'un paraphe.1 Une odeur de charbon qui brûle et d'eau qui bout, Tout le bruit que feraient mille chaînes au bout Desquelles hurleraient mille géants qu'on fouette ; Et tout à coup des cris prolongés de chouette. — Que me fait tout cela, puisque j'ai dans les yeux La blanche vision qui fait mon cœur joyeux, Puisque la douce voix pour moi murmure encore, Puisque le Nom si beau, si noble et si sonore Se mêle, pur pivot de tout ce tournoiement, Au rythme2 du wagon brutal, suavement. Paul Verlaine, La Bonne Chanson, 1870. Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous montrerez, par exemple, en vous appuyant sur l'étude précise des moyens poétiques, comment Verlaine a su créer une impression de mouvement et de violence contrastant avec l'évocation apaisante de la femme aimée. 1. Paraphe : trait qu'on ajoute à la signature pour la caractériser. 2. Rhythme : jusqu'à la fin du XIXe siècle, le mot « rythme « s'écrivait « rhythme «.

On parle souvent à propos de Verlaine, le poète maudit, d'une double postulation vers le Bien et vers le Mal. La rencontre avec Mathilde Mauté en 1869, puis le mariage avec « l'Etre de lumière « en 1870 inaugurent une période de sérénité chez le poète, concrétisée par le recueil de La Bonne Chanson. Cependant la figure rédemptrice de Mathilde ne suffira pas à vaincre les tentations de la Commune, du jeune Rimbaud, de l'absinthe et de l'errance. La jeune femme demande la séparation en 1874.

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« « Une odeur de charbon qui brûle et d'eau qui bout » mais également d'une machine infernale ou fantastique (lerythme « du wagon brutal »). Dès la deuxième strophe, mais préparé par la première, le fantastique l'emporte sur le réalisme.

Les illusions d'optiquede la première strophe tendent en effet à animer le paysage.

Le paysage « court », les plaines « vont s'engouffrant», les poteaux « tombent ».

Non seulement les verbes de mouvement, mais les adjectifs et les adverbes concourent à cette impression : le paysage court « furieusement », le tourbillon est « cruel», le wagon est « brutal ». Cette transformation s'organise autour d'une notion de violence.

Verlaine part de constatations réalistes : « Une odeur de charbon qui brûle et d'eau qui bout » pour arriver à des comparaisons très classiques, que l'on dirait issues des tortures de l'Antiquité : « Tout le bruit que feraient mille chaines au bout Desquelles hurleraient mille géants qu'on fouette ». Tantale, Ixion, les Titans, les souvenirs de la mythologie gréco-latine, telles sont les seules images que le poète, àl'aube de la modernité, trouve pour traduire ses impressions ferroviaires. La violence se double de maléfices et de nouveau Verlaine recourt à la tradition avec l'oiseau de nuit redouté : « Et tout à coup des cris prolongés de chouette.

» On voit donc combien l'irruption de la modernité se fait progressivement en poésie, unissant l'expression réaliste etle mode fantastique.

La forte subjectivité du poème justifie également cette dualité de tons.

Au voyage « brutal »s'oppose Mathilde, « l'Etre de lumière », la « petite fiancée ». Le poème, par sa construction, ses oppositions terme à terme entre un voyage éprouvant et l'image apaisante de lafemme, évoque le rôle de Mathilde vis-à-vis de Verlaine. Le poème comprend trois strophes d'alexandrins aux rimes plates.

Cette sagesse métrique, qui n'est pas toujours lefait de Verlaine, souligne de nouveau l'alliance de la modernité et d'un certain classicisme.

Cependant la structured'ensemble est plus audacieuse, les strophes sont de longueurs inégales, (deux sizains et un quatrain), deux sontconsacrées au voyage en train, la première réaliste et la seconde fantastique.

La dernière strophe s'opposeradicalement aux deux précédentes.

Le premier vers vient tirer un trait sur les évocations passées : « — Que me fait tout cela, puisque j'ai dans les yeux » Le souvenir de Mathilde lutte victorieusement contre le voyage en train de s'effectuer comme le montre lerapprochement de ces deux termes antonymes : « Au rythme du wagon brutal, suavement.

» « Suavement » clôt le poème et s'oppose à « brutal ». En effet l'évocation de la femme s'oppose point par point avec les impressions du voyage.

Au paysage s'oppose lavision intérieure, au charbon la blancheur et son symbole, au bruit la mélodie, au mouvement la stabilité. La réalité du monde extérieur s'efface devant les souvenirs qui bercent le poète.

La violence du paysage extérieurentrevu à grande vitesse s'estompe : « Que me fait tout cela, puisque j'ai dans les yeux La blanche vision (...). Le monde extérieur est modifié par l'image que le poète porte en lui : Puisque le Nom si beau, si noble et si sonore se mêle (...) Au rythme du wagon brutal, suavement.

» La jeune fille incarne la pureté.

Elle est « blanche vision qui fait mon cœur joyeux », l'innocence, la virginalité danscet univers sale du charbon et de la suie (« Une odeur de charbon qui brûle »).

Au bruit infernal qui évoque quelquechâtiment implacable de la mythologie, elle oppose le silence ou l'harmonie : « Puisque la douce voix pour moi murmure encore ». »

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