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LA PEINTURE ROMANE

Publié le 24/06/2012

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L'artiste y déploie un sens génial de la couleur. Sans doute la tâche lui est-elle facile lorsqu'il dispose, comme dans les sanctuaires de Rome ou les abbayes clunisiennes, d'une riche palette; sur les fonds d'un bleu sombre il accumule alors les parures: perles et oves forment les lourds galons qui bordent les tuniques, rehaussent les auréoles ou les diadèmes à l'orientale: c'est la Madone de Saint-Clément de Rome, ou encore de Saint-Michel du Puy; toute une mosaïque de gemmes relève l'éclat sombre des fonds, écrins de joyaux multicolores.

« • magnifiquement, avec le musée de Barcelone, cette complète réussite que constitue, à Paris, le Musée de la fresque.

Beaucoup moins coTUZue que la sculpture, l'architecture ou même l'enluminure de la même époque, la peinture murale est sans doute l'expression la plus complète, la ptus saisissante, de l'art de son temps~ L'impression première qui se dégage de cette peinture murale du Xe au XIIe siècle est celle d'un art intense, violent, prodigieusement varié.

C'est une humanité singulière qui s'agite, monde ver­ tigineux où, dans les voûtes absidiales, autour des gloires ovales ou circulaires, gravitent les anges aux ailes fantastiques et les symboles des évangélistes, tandis qu'à l'étage inférieur les vieillards de l'Apocalypse, tête levée et phylactères en mains, tressaillent au .

Sur les murs des n~fs, les têtes auréolées des martyrs roulent sous l'ipée des bourreaux, les scènes de l'Evangile se déploient de la Nativité à la Descente de croix; prophètes et apôtres déroulent leurs longues files mouvantes à Saint-Jean de Poitiers ou à Sainte-Marie de Tahull, ou se dressent, chacun sous une arcade, à Nieder;:.ell.

Parfois presque classiques de formes et d'attitudes, comme à Sainte-Marie au Capitole, parfois d'une immobilité hiératique comme aux écoinçons de Berd-la­ Ville, ces êtres extra-naturels s'agitent le plus souvent avec une violence dramatique dont Tavant, Vic, ou la chapelle du Saint-Sépulcre à la cathédrale de Winchester, offrent les exemples les plus saisissants.

Puissance, richesse,fécondité, -et pourtant, lorsqu'on examine de près la fresque romane, on constate que dans aucun art sans doute la technique n'aura été plus tyrannique, la couleur plus simple, la ligne plus sobre.

Jamais le peintre n'aura subi plus de contraintes extérieures à lui-même, jamais non plus il n'a mieux su tirer saforce de ce qui aurait dû faire safaiblesse, et affirmer avec plus d'éclat sa personnalité d'artiste qu'en ces œuvres anonymes.

Il ne substitue pas son parti à celui du maître d'œuvre; il n'ajoute pas sa peinture à l'architecture, mais pense lui-même en architecte.

Sur les murailles pleines de la nef ou sur les reins des voûtes en berceau, il déroule ses longues suites d'images: de Saint-Savin ou de Reichenau, qui parcourent le mur sans le creuser; il incurve une bande d'ornement pour souligner un arc, dresse sur un piédroit la longue silhouette du chevalier d'Areines, courbe sous une même arcade les têtes accolées de la Vierge et d'Elisabeth dans la Visitation de Rocamadour, et répartit les scènes suivant le dessin de la voûte comme au chapitre de Brauweiler.

Ainsi, la pierre n'est plus simple support, la fresque n'est plus simple décor; elles semblent avoir surgi du sol d'une seule poussée, organiquement liées l'une à l'autre, et semblable accord ne se retrouvera plus par la suite.

Art d' eifacement, de sacrifices volontaires: pas plus qu'il n'est maître de l'architecture, le peintre n'est maître du sujet de ses compositions que déterminent la liturgie et l'iconographie.

Il se soumet sans la moindre peine à cette ordonnance qu'on retrouve à peu près invariable, dans tout l'Occident.

lvfême l'ornement, qui souligne et encadre ce décor et y tient une place importante, se réduit à quelques thèmes très simples, suivant un répertoire presque immuable d'un bout à l'autre de l'Europe: rubans plissés qui composent les mandorles ou encadrent les compositions de Saint-Jacques des Guérets ou de Sainte- Marie de Kempley, grecques, rinceaux et palmettes semblables, dans leurs principes, des bords du Rhin aux bords de la Loire, du Wurtemberg à la Catalogne.

Mais voilà précisément où inter­ vient l'invention, car cette grecque toujours semblable est toujours différente: simple et pure à Schwar;:.­ rheindorj, double à Saint-Chef en Isère, triplée et quadruplée à Burgfelden, adoucie de courbes à Saint-Aignan-sur-Cher, elle enclôt dans ses méandres un cabochon en trompe-l' œil à Saint-Georges d'Ober;:.ell, ou des médaillons figurés à Saint-Philibert de Tournus ou au Liget, ou encore forme, comme à Werden, des séries de swastikas.

Ainsi semble-t-elle renaître chaque fois sous le pinceau de l'artiste; et ce n'est que le moindre exemple de cette création perpétuelle qui fait l'essence de la peinture romane, sous l'humilité des apparences.

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