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Que penser de cette thèse de P. EMMANUEL : « La fête est-elle de trop, anachronique dans notre [société moderne],.., un monde bien autrement laborieux que les sociétés plus anciennes... » ?

Publié le 20/02/2011

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Introduction.

• Dans la conception courante : jeu # travail. • La thèse de P. Emmanuel est que notre société moderne est essentiellement laborieuse, axée sur le labeur, le travail. • Or racine latine : labor = travail de l'esclave. • Une telle conception aurait, juge-t-il, éliminé peu à peu les sources vives de la fête, elle-même interdépendante des cultures où elle était pratiquée, ne laissant plus à notre disposition que le loisir où la fête est pré-organisée. • Présentation du plan en deux questions. 

« production de masse, malaxés, conditionnés par la pénétration — bien plus forte dans la vie familiale que dans letravail — des mass-media qui commercialisent les loisirs.Car ces moyens modernes de diffusion déterminent et manipulent la civilisation nouvelle, soumettent et rendentpassifs les individus à de nouveaux besoins, comme par exemple le beau temps au week-end ou les vacances, àl'organisation desquelles on pensera (et pour lesquelles on travaillera) onze mois sur douze.• Or le loisir demeure encore souvent plutôt un désir de libération hors de « tout caractère de nécessité etd'obligation » (Dumazedier) plus encore hors des racines culturelles, et n'est pas encore vraiment un « style ».• D'ailleurs la masse humaine ne réalise que très partiellement ce que les sociologues appellent « les loisirs actifs »,ceux que l'on considère souvent comme traditionnels, individuels, activités de détente, ou même tâches de directionet de connaissance qui les assimilent à un mode de vie « aristocratique » et à la culture, donc aux loisirsdésintéressés.• Jeu naturel, au contraire, qui est vu traditionnellement comme un amusement, est une réalité complexe.• Le jeu est rarement solitaire ; il est distraction en groupe, donc élément de communication, de communion.• Il est bien plus complet s'il trouve résonance chez autrui ; il comporte un élément de fièvre collective : football,carnaval, fêtes foraines.• Donc le jeu s'intègre dans la communauté, ce qui est le premier mouvement d'une culture.• « On peut aller plus loin et dénoncer [...] une solidarité véritable entre toute société et les jeux qui s'y trouventpratiqués avec prédilection.

» (R.

Caillois.)• Or désir intense de fête en cette fin de XXe siècle.• Sans cesse ce terme revient à la surface et tous nos édiles veulent « organiser la fête ! »...• Pourquoi ? : Nécessité désespérée d'échapper à l'ennui (sens pascalien : angoisse existentielle et baudelairien :spleen).

D'où divertissement (encore au sens pascalien : qui détourne du gris quotidien et de soi-même).• La présence d'un tel besoin est si bien ressentie que le mot fête devient passeport, « Sésame, ouvre-toi », magie,utilisé par la publicité, repris par tous les organisateurs importants (maires).• Multiples études sociologiques et ethnologiques sur les origines, les racines de la fête.• Elles affirment que, si notre société éprouve un tel besoin de fête, c'est que celles qu'elle s'offre sont plaquées sursa culture, « pâles simulacres ».• Or tout en représentant le besoin et la réalisation d'une rupture avec train-train de la quotidienneté, la fêtevéritable est en rapport étroit avec lui, part de son âme, si elle veut conserver sa véridicité, son authenticité.• C'est que le jeu reflète les préférences, les usages, les croyances : « Dans l'Antiquité, la marelle est un labyrintheoù l'on pousse une pierre — l'âme — vers la sortie.

Avec le christianisme, le dessin [...] reproduit le plan d'unebasilique : il s'agit de faire parvenir l'âme lecaillou jusqu'au [...] Paradis.

» (R.

Caillois : Les Jeux et les hommes).• Il faut que la collectivité ressente le jeu, que ses goûts, tendances, s'y manifestent, que ses « caractères morauxou intellectuels » (idem) s'y définissent : Carnaval de Rio et ses masques de mort correspondent à une religionsombre, un pays au peuple misérable.

Il reste le déchaînement collectif, l'explosion libératrice — l'espace d'unesemaine — de cette misère.Il reste une forme de cérémonie traditionnelle.• Donc la fête doit être retrouvée collectivement, spontanément, non imposée, même avec les meilleures intentions.• Or nous avons désormais une société rationnelle et technologique où les visions spontanées et la fantaisie sont àpeine tolérées, d'où la disparition de la fête véritable, puisqu'elle n'est plus le produit naturel de l'esprit même denotre civilisation.• Mais un tel résultat négatif fait bon marché de tout un aspect profond de l'homme :— il n'est pas seulement homofaber, qui travaille et pense ;— il est aussi homo festivus dont les expressions naturelles sont chant, danse, jeu, conte à la veillée ;— et homo fantasia, « créateur de mythes », cf.

Antiquité grecque et sa mythologie peuplant l'univers de dieux etde déesses, ou l'imagination gaélique et scandinave créant korrigans, fées, enchanteurs...• La fête permet à ces deux dernières tendances, qui sont de l'essence même de l'homme, de se manifester.• Elle n'est pas que défoulement ; elle est création, non une création venue de l'extérieur, mais une création encommunion complète de tout un groupe.

D'où le sens du théâtre amateur, en nette montée actuellement.• Mais une troupe théâtrale d'amateurs n'est constituée que d'un nombre réduit de gens ; c'est donc plus facile àmener que toute une foule, une ville, comme dans une fête.

En France très individualiste, phénomène très visible :toujours des défections, des moqueries, même des bavures dans les fêtes actuelles organisées officiellement (lesCorsos fleuris).• La fête est pourtant une nécessité, car elle apporte :— joie, et joie partagée ;— moment d'exception et de complicité où l'on tente de vivre l'immédiat, rejetant le passé/futur de la duréehistorique, si lourde à porter ;— abondance (multiplication des petits marchands et stands, achats ou dépenses inutiles) ;— cris, tumulte, mouvance, animation, donc forme d'ivresse sensorielle ;— éclat et brillance teintés d'illusion ;— imagination libérée et libératrice ;— spectacle orchestré dans abolition des barrières sociales et individuelles, pendant au moins un temps...

celui de lafête ! ;— fête du langage, parades, musiques.• Car la fête est un monde non officiel et c'est là que réside la contradiction actuelle, puisque souvent la fête estofficiellement organisée.. »

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