Le personnage d'OEDIPE

« l'homme qui s'enfonce en croyant se libérer.

Ce procédé apparaît souvent dans des histoires grecques, latines,arabes...Donnons-en deux exemples extraits l'un de la tradition arabe et l'autre du fabuliste grec Esope, les récits du Rendez-vous à Samarcande et du Jeune homme et le lion.Au marché de Bagdad, un jeune vizir aperçoit la Mort, qui semble lui faire un signe.

Persuadé qu'elle est là pour leprendre, il demande au Calife l'autorisation de s'enfuir tout de suite pour la lointaine ville de Samarcande.Le Calife accepte puis, son vizir parti, il fait venir la Mort dans son palais.

Pourquoi, lui demande-t-il, s'amuse-t-elleainsi à terroriser son vizir?«Je n'ai pas voulu lui faire peur, répond la Mort.

J'étais seulement surprise de le croiser ce matin au marché deBagdad, alors que j'ai rendez-vous avec lui ce soir à Samarcande.

»L'histoire du Jeune homme et du lion commence par un rêve.

Un vieil homme voit en songe son fils unique mourirsous les griffes d'un lion.

Pour le protéger, il l'enferme dans un appartement superbe, dont les murs sont décorésavec des fresques représentant des animaux sauvages.

Un jour le jeune homme, rendu furieux par sa captivité,frappe du poing la peinture représentant un lion.

Il s'écorche, la blessure s'infecte et il finit par en mourir.On voit la mécanique commune aux différentes histoires : à chaque fois le héros va au-devant de son destin encroyant lui échapper.La seule différence réside dans la position du spectateur.

Dans le conte arabe, la réplique finale tombe comme uncoup de théâtre qui, soudain, éclaire tout ce qui vient de se passer.

Au contraire, dans l'histoire d'OEdipe commedans celle du lion, il faut que le spectateur soit au courant de la prédiction pour apprécier la progression dramatique.L'histoire d'OEdipe montre vraiment la fatalité en marche.

Succès et avatars A partir de la Renaissance, le thème d'OEdipe a été repris dans de nombreuses œuvres.Citons dans l'ordre l'Œdipe de Giovanni Andrea dell'Anguillara (1517-1572) où le héros n'est plus exilé maisemprisonné par ses fils; la médiocre tragédie Œdipe composée en 1659 par Pierre Corneille; la pièce Oedipus del'Anglais John Dryden (1631-1700); l'OEdipe de Voltaire (1718) qui eut un grand succès et consacra la renomméethéâtrale de son auteur; et enfin les interprétations romantiques du thème données par l'Italien Giovanni Niccolini(Œdipe dans le bois des Euménides — 1823) et par le poète allemand Hugo von Hofmannsthal (Œdipe et le Sphinx —1905).A l'époque contemporaine, on peut mentionner la pièce Œdipe d'André Gide (1869-1951), réflexion parfois satiriquesur la question du libre arbitre; et les deux oeuvres de Jean Cocteau (1889-1963), Œdipe-roi (1928) et surtout LaMachine infernale (1934) qui montre des dieux acharnés à la perte des hommes et un sphinx, lassé de tuer, quidonne les solutions de ses propres énigmes.

Cocteau a également écrit en 1927 un opéra-oratorio, OEdipe Rex, surune musique d'Igor Stravinsky.Enfin, Sigmund Freud (1856-1939) donnera un sens nouveau au mythe d'OEdipe en décrivant en 1897 ce qu'ilappellera le «complexe d'OEdipe ».Freud désignait sous ce nom une étape fondamentale de l'évolution psychique, intervenant vers l'âge de quatre ans: le petit garçon a tendance à rejeter son père, à en être jaloux, et à vouloir accaparer sa mère.

Cette étape, quifait suite à la prise de conscience par l'enfant de son individualité, jouerait un rôle essentiel dans la constitution durapport à autrui et de la sexualité future.. »