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Peut-on avoir de bonnes raisons de ne pas dire la vérité ?

Publié le 08/09/2004

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Ne parle-t-on pas de pieux mensonges, c'est-à-dire de manquements à la règle de la sincérité qui ne seraient en réalité pas des fautes? Quelles pourraient être les bonnes raisons qui justifieraient parfois de ne pas dire la vérité?Pour dire la vérité, il faut d'abord la connaître ; or, cette connaissance ne s'avère pas très facile. La notion de vérité est inséparable de celle de jugement. II y a vérité lorsque le contenu de la proposition que j'affirme est en accord soit avec la réalité, soit avec les propositions que j'ai précédemment énoncées. Mais les jugements que nous portons sont très souvent sujets à l'erreur parce qu'ainsi que l'a montré  Descartes, nous avons très souvent tendance à nous prononcer sans précaution sur des choses que nous ne connaissons pas toujours très bien. Ainsi prenons-nous souvent pour la vérité ce qui n'est que son apparence. Persuadés d'être dans le vrai, nous portons avec assurance un jugement erroné, et ainsi se forment les plus grandes erreurs. Ne serait-il donc pas souhaitable d'user d'une certaine prudence et de prendre son temps avant de dire ce que nous croyons être la vérité? Une prudente omission de certains aveux n'est-elle pas parfois préférable à la promptitude d'une sincérité irréfléchie ?

« Kant, dans Les Fondements de la métaphysique des moeurs, s'est efforcé dedonner à l'action morale des fondements rationnels: « Pour ce que j'ai à faireafin que ma volonté soit moralement bonne, je n'ai pas précisément besoind'une subtilité poussée très loin, [...] il suffit que je demande: "Peux-tuvouloir aussi que ta maxime devienne une loi universelle?" Si tu ne le veuxpas, la maxime est à rejeter.

» Un principe d'action peut être ainsi considérécomme moralement bon si celui qui le fait sien peut en même temps vouloirqu'il devienne une loi universelle.

La maxime du menteur ou celle dudissimulateur peut-elle être voulue comme loi universelle par le menteur lui-même? Assurément non : si l'on ment ou si l'on cache la vérité, c'est dansl'espoir que le mensonge ne sera pas reconnu comme tel par autrui.

Bien loinde vouloir universaliser sa maxime, le menteur veut que les autres agissent etpensent en fonction d'une maxime radicalement inverse à la sienne – celle detoujours dire la vérité –, sinon son mensonge ne pourrait pas être cru.Mentir, ou taire une vérité que l'on détient, ne semble donc pas êtreconforme au devoir.

II nous faut, en revanche, convenir que la maxime de lasincérité, parce qu'elle se prête infiniment mieux à la règle kantienne del'universalisation, peut être considérée comme moralement bonne. [Il.

Mais avons-nous le devoir de dire toujours la vérité quelles quesoient les conséquences?] La sagesse populaire reconnaît que toute vérité n'est pas bonne à dire, et moins encore à entendre.

Si nous avonsconvenu précédemment qu'en théorie il est un devoir de dire la vérité, il se pourrait qu'en pratique les chosess'avèrent moins simples.

Ne parle-t-on pas de pieux mensonges, c'est-à-dire de manquements à la règle de lasincérité qui ne seraient en réalité pas des fautes? Quelles pourraient être les bonnes raisons qui justifieraientparfois de ne pas dire la vérité?Pour dire la vérité, il faut d'abord la connaître ; or, cette connaissance ne s'avère pas très facile.

La notion devérité est inséparable de celle de jugement.

II y a vérité lorsque le contenu de la proposition que j'affirme est enaccord soit avec la réalité, soit avec les propositions que j'ai précédemment énoncées.

Mais les jugements que nousportons sont très souvent sujets à l'erreur parce qu'ainsi que l'a montré Descartes, nous avons très souventtendance à nous prononcer sans précaution sur des choses que nous ne connaissons pas toujours très bien.

Ainsiprenons-nous souvent pour la vérité ce qui n'est que son apparence.

Persuadés d'être dans le vrai, nous portonsavec assurance un jugement erroné, et ainsi se forment les plus grandes erreurs.

Ne serait-il donc pas souhaitabled'user d'une certaine prudence et de prendre son temps avant de dire ce que nous croyons être la vérité? Uneprudente omission de certains aveux n'est-elle pas parfois préférable à la promptitude d'une sincérité irréfléchie ?Suspendre notre jugement autant de temps que le moindre doute subsiste, ainsi que le préconisait Descartes,apparaît dans bien des cas souhaitable.Mais que dire du mensonge ou de l'indubitable vérité volontairement dissimulée? Existe-t-il de « pieux mensonges »ainsi que le laisse penser le langage usuel ? II est un exemple que les médecins connaissent bien : faut-il dire toutela vérité à un malade quand celle-ci est douloureuse à entendre? N'est-il pas dans certains cas souhaitable de lemaintenir dans l'ignorance de son état s'il est très grave? La méthode que nous avons empruntée à Kant tout àl'heure semble ici révéler ses limites.

Personne ne peut vouloir universaliser la maxime du médecin menteur et surtoutpas le médecin lui-même.

Le devoir d'information loyale est même expressément énoncé dans le Code de déontologiemédicale dans son article 35: « Le médecin doit à la personne qu'il examine [...] une information loyale, claire etappropriée sur son état.

» La règle est donc claire: le médecin menteur ou dissimulateur faillit à sa mission.

Maissitôt la règle énoncée, survient l'exception: « Toutefois, dans l'intérêt du malade, poursuit le Code de déontologiemédicale, et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dansl'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic graves.

» Il y aurait donc, semble-t-il, de bonnes raisons de ne pas direla vérité ; mais qui peut dire ce qui les rend légitimes? Personne, sinon le médecin renvoyé à sa conscience: enthéorie, il ne doit pas mentir, mais en pratique, le voici condamné à se débrouiller seul.

Que vaut une règle généralequi cesse d'être efficace sitôt qu'on veut l'appliquer? Il existe peut-être de bonnes raisons de ne pas dire la vérité,mais nous ne parvenons pas toujours à rendre compte de leurs fondements. [III.

Qu'est-ce qui nous permet de dire que certaines raisons de ne pas dire la vérité sont légitimes?] En matière morale, la raison dicte la loi, c'est-à-dire qu'elle définit les grandes lignes de ce qu'il faut faire et ne pasfaire: dans le problème qui nous occupe, c'est elle qui nous dit qu'il ne faut pas mentir.

Mais en face d'une situationparticulière, la raison, ainsi qu'on vient de le voir dans l'exemple du médecin, n'apporte pas toujours de réponseimmédiate.

C'est très exactement ce que l'on nomme « un cas de conscience » ou encore « un conflit de devoirs ».La raison détermine le cadre général de l'action, c'est elle qui nous suggère d'« agir uniquement d'après la maximequi fait que nous pouvons vouloir en même temps comme une loi universelle » (Kant, Fondements de lamétaphysique des moeurs).

Mais dans bien des cas particuliers, l'application stricte de certains principes ne permetpas de résoudre tous les problèmes moraux.

Dois-je toujours dire la vérité parce que la raison me le suggère etquelles que soient les conséquences engendrées par mon aveu, ou bien dois-je me résoudre à mentir ou à ne pastout dire au nom de quelque chose relevant plus du sentiment que de la froide raison ? Face à de semblablesdilemmes, le sujet se retrouve seul avec sa conscience.

C'est là qu'il mesure toute l'ampleur de sa liberté.

Onrepense ici à ce passage très fort des Misérables de Victor Hugo dans lequel Jean Valjean balance entre dire lavérité et se taire.

Va-t-il avouer qu'il n'est pas M.

Madeleine, maire de sa commune et industriel estimé, mais le. »

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