A l'inverse la violence est engagement dans une mécanique de
dépense, la violence est toujours en acte, effective. L'être de la violence se
confond avec son apparaître, elle n'est jamais en retrait sur elle-même. La
violence consiste en une dépense de force, tandis que la force, entendue comme
force politique ou morale, non comme force de la physique, consiste en
l'économie de la force physique. La police avant que de réprimer est, dans son
existence même, dissuasion, menace avant d'être répression. La force peut être
efficace sans avoir à agir.
III-La force n'implique pas nécessairement un
rapport à autrui, et la violence un rapport archaïque.
L'homme peut exercer sa
force sans viser autrui, par exemple dans le sport. On évalue sa force par
comparaison avec les performances d'autrui, il y a une confrontation indirecte,
médiatisée par la comparaison. En revanche dans la violence le rapport est
direct, charnel, et parfois force et violence se mêlent comme dans la boxe.
La violence est toutefois généralement sans règles et consiste en un
rapport magique car archaïque à autrui.
Force et violence sont-ils deux termes synonymes ? L’un comme l’autre implique la réalisation d’une puissance, l’exercice d’un pouvoir, quelque chose est soumis dans la violence autant que vaincu par la force. Pourtant il apparaît que la force n’est pas la violence. La seconde a un rayon d’existence limité à la sphère des actions et comportements humains, la nature est violente aux yeux de l’homme, en réalité elle n’exerce qu’une force neutre en elle-même à l’égard des maux qu’elle nous afflige. On pourrait dire que la violence est un usage particulier de la force, une utilisation à dessein du principe a priori neutre car naturel de la force. Or nous verrons que force et violence impliquent peut-être deux positions radicalement opposées, deux régimes antagonistes : celui, économique et dissuasif, de la force, et l’autre, dépensier et réactif, de la violence.