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Peut-on être heureux sans passion ?

Publié le 27/02/2004

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La puissance de l'imagination va même jusqu'à substituer à un caractère son contraire. L'accumulation d'exemples ne font qu'illustrer la thèse de Lucrèce : la passion éloigne de la réalité objective.   La passion est une maladie qui nous éloigne du bonheur Mais beaucoup de moralistes, bien loin de faire l éloge des passions, tendent à les condamner : non pas qu'en général ils considèrent, à la manière d'Epicure, que l'état qui convient le mieux à l'âme soit une indifférence sereine , mais parce qu'ils jugent que la passion introduit en nous un désordre, un déséquilibre. Kant voyait dans la passion une véritable « maladie de l'âme ». La passion développe à l'excès un sentiment et appauvrit tous les autres. Elle apparaît ainsi comme une valorisation partielle du monde, un rétrécissement de notre « Umwelt » à la mesure d'une valeur unique. La passion nous limite à la fois dans l'espace et dans le temps ; dans l'espace puisqu'elle réduit notre champ de conscience et le cercle de nos intérêts, dans le temps, car le passionné est prisonnier de l'instant présent ou du passé, incapable, comme le dit Alquié, de « se penser avec vérité dans le futur ». Le passionné ne sait plus s'adapter aux situations réelles, il refuse de suivre le cours du temps. Son coeur ne bat plus au rythme du monde.   « La possibilité subjective de former un certain désir qui précède la représentation de son objet est le penchant (propensio) ; l'impulsion intérieure de la faculté de désirer à prendre possession de cet objet avant qu'on le connaisse, c'est l'instinct (comme l'instinct sexuel, ou l'instinct parental des animaux à protéger leurs petits ; etc.

« Lorsque nous considérons ce spectacle des passions et les conséquences de leur déchaînement, lorsque nous voyons la déraison s'associer non seulement auxpassions, mais aussi et surtout aux bonnes intentions et aux fins légitimes, lorsque l'histoire nous met devant les yeux le mal, l'iniquité, la ruine des empires lesplus florissants qu'ait produits le génie humain, lorsque nous entendons avec pitié les lamentations sans nom des individus, nous ne pouvons qu'être remplis detristesse à la pensée de la caducité en général.

Et étant donné que ces ruines ne sont pas seulement l'oeuvre de la nature, mais encore de la volonté humaine,le spectacle de l'histoire risque à la fin de provoquer une affliction morale et une révolte de l'esprit du bien, si tant est qu'un tel esprit existe en nous.

On peuttransformer ce bilan en un tableau des plus terrifiants, sans aucune exagération oratoire, rien qu'en relatant avec exactitude les malheurs infligés à la vertu,l'innocence, aux peuples et aux Etats et à leurs plus beaux échantillons.

On en arrive à une douleur profonde, inconsolable que rien ne saurait apaiser.

Pour larendre supportable ou pour nous arracher à son emprise, nous nous disons: Il en a été ainsi; c'est le destin; on n'y peut rien changer; et fuyant la tristesse decette douloureuse réflexion, nous nous retirons dans nos affaires, nos buts et nos intérêts présents, bref, dans l'égoïsme qui, sur la rive tranquille, jouit ensûreté du spectacle lointain de la masse confuse des ruines.

» HEGEL« Les inclinations et les passions ont pour contenu les mêmes déterminations que les sentiments pratiques et, d'un côté, elles ont également pour base la naturerationnelle de l'esprit, mais, d'un autre côté, en tant qu'elles relèvent de la volonté encore subjective, singulière, elles sont affectées de contingence et ilapparaît que, en tant qu'elles sont particulières, elles se comportent, par rapport à l'individu comme entre elles, de façon extérieure et, par conséquent, selonune nécessité non-libre.La passion contient dans sa détermination d'être limitée à une particularité de la détermination-volitive, particularité dans laquelle se noie l'entière subjectivitéde l'individu, quelle que puisse être d'ailleurs la teneur de la détermination qu'on vient d'évoquer.

Mais, en raison de ce caractère formel, la passion n'est nibonne ni méchante ; cette forme exprime simplement le fait qu'un sujet a situé tout l'intérêt vivant de son esprit, de son talent, de son caractère, de sajouissance, dans un certain contenu.

Rien de grand ne s'est accompli sans passion ni ne peut s'accomplir sans elle.

C'est seulement une moralité inerte, voiretrop souvent hypocrite, qui se déchaîne contre la forme de la passion comme telle.[...] La question de savoir qu'elles sont les inclinations bonnes, rationnelles, et quelle est leur subordination, se transforme en l'exposé des rapports que produitl'esprit en se développant lui-même comme esprit objectif.

Développement où le contenu de l'ipso-détermination [Cette expression spécifie que l'esprit se réalise et se détermine lui-même selon des lois rationnelles] perd sa contingence ou son arbitraire.

Le traité des tendances, des inclinations et des passions selon leur véritable teneur est doncessentiellement la doctrine des devoirs dans l'ordre du droit, de la morale et des bonnes moeurs.

»HEGEL.Hegel met ici en évidence la contradiction apparemment inhérente aux passions : elles semblent à la fois provenir de l'individu lui-même qui vise ses intérêts particuliers, et obéir à un ordrerationnel et général, extérieur à l'individu et même contraire à ses intérêts.

Un tel paradoxe soulève la question de la liberté ou de la détermination de nos comportements.

Ce problème, ici posé,est également examiné sous l'angle du sens de l'Histoire.

Auparavant, Hegel écarte toute approche purement moralisante des passions (en termes de bien ou de mal), mais en dégage la fonction éminemment positive.

Il reprend à cet effet la formuled'Helvétius : « Rien de grand...

».

Indépendamment de toute considération éthique, l'auteur établit la nécessité des passions en tant que moteur de l'action.

« Dans l'histoire universelle nous avons affaire à l'Idée telle qu'elle se manifeste dans l'élément de la volonté et de la liberté humaines.

Ici la volonté est la base abstraite de la liberté, mais leproduit qui en résulte forme l'existence éthique du peuple.

Le premier principe est constitué par les passions humaines.

Les deux ensemble forment la trame et le fil de l'histoire universelle.L'Idée en tant que telle est la réalité ; les passions sont le bras avec lequel elle gouverne [...]Ici ou là, les hommes défendent leurs buts particuliers contre le droit général ; ils agissent librement.

Mais ce qui constitue le fondement général, l'élément substantiel, le droit n'en est pastroublé.

Il en va de même pour l'ordre du monde.

Ses éléments sont d'une part les passions, de l'autre la Raison.

Les passions constituent l'élément actif.

Elles ne sont pas toujours opposées àl'ordre éthique ; bien au contraire, elles réalisent l'Universel.

En ce qui concerne la morale des passions il est évident qu'elles n'aspirent qu'à leur propre intérêt.

De ce côté-ci, elles apparaissentcomme égoïstes et mauvaises.

Or ce qui est actif est toujours individuel : dans l'action je suis moi-même, c'est mon propre but que je cherche à accomplir.

Mais ce but peut être bon, et mêmeuniversel.

L'intérêt peut être tout à fait particulier mais il ne s'ensuit pas qu'il soit opposé à l'Universel.

L'Universel doit se réaliser par le particulier.La passion est tenue pour une chose qui n'est pas bonne, qui est plus ou moins mauvaise : l'homme ne doit pas avoir des passions.

Mais passion n'est pas tout à fait le mot qui convient pour ceque je veux désigner ici.

Pour moi, l'activité humaine en général dérive d'intérêts particuliers, de fins spéciales ou, si l'on veut, d'intentions égoïstes, en ce sens que l'homme met toute l'énergiede son vouloir et de son caractère au service de ces buts en leur sacrifiant tout le reste.

Ce contenu particulier coïncide avec la volonté de l'homme au point qu'il en constitue toute ladétermination et en est inséparable : c'est là qu'il est ce qu'il est.

Car l'individu est un « existant » ; ce n'est pas l' « homme général », celui-ci n'existant pas, mais, un homme déterminé.

Le mot« caractère » exprime aussi cette détermination concrète de la volonté et de l'intelligence.

Mais le caractère comprend en général toutes les particularités de l'individu, sa manière de secomporter dans la vie privée, etc.

; et n'indique ps la mise en action et en mouvement de cette détermination.

Je dirai donc passion entendant par là la détermination du vouloir n'ont pas uncontenu purement privé, mais constituent l'élément actif qui met en branle des actions universelles.

L'intention, dans la mesure où elle est cette intériorité impuissante que courtisent lescaractères faibles pour accoucher d'une souris, n'entre évidemment pas dans nos considérations.Nous disons donc que rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ont collaboré.

Cet intérêt, nous l'appelons passion lorsque, refoulant tous les autres intérêts ou buts,l'individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins.

En ce sens, nous devons dire que riende grand ne s'est accompli dans le monde sans passion.La passion, c'est tout d'abord l'aspect subjectif, formel de l'énergie de la volonté et de l'action.

Le contenu ou le but en restent encore indéterminés – aussi indéterminés que dans le cas de laconviction, de l'opinion et de la moralité personnelles.

Il s'agit alors de savoir quel est le contenu de ma conviction, le but de ma passion, - de savoir aussi si l'un ou l'autre est vrai.

S'il est vrai, ilfaut qu'il passe dans la réalité, dans l'existence : c'est alors qu'intervient l'élément de la volonté subjective, lequel comprend tous les besoins, les désirs, les désirs, les passions aussi bien que lesopinions, les idées et les convictions de l'individu.

»HEGEL, « La raison dans l'histoire ».Hegel développe dans ce texte la problématique esquissée dans le texte précédent (la passion est-elle au service du général ou du particulier ?L'apparence contradiction entre l'origine individuelle (et donc libre) des passions, et leur portée générale (relevant d'une nécessité), trouve sa résolution dans la prise en compte du sens del'Histoire : une rationalité est sous-jacente aux passions aveugles, sans que les acteurs de l'Histoire qui s'y abandonnent n'en aient conscience.

Et cette rationalité n'apparaît clairement qu'aposteriori : c'est la ruse de la raison.

Cad, les hommes font l'Histoire (générale et rationnelle) en poursuivant leurs passions (particulières et chaotiques).

Ainsi, par exemple, l'ambitiondémesurée de Napoléon, quoique répondant à une « impulsion subjective » et à des intérêts particuliers, contribua à l'avancée d'une Histoire universelle, qui, elle, est rationnelle et objective.De même l'émergence de l'Etat moderne est le fruit de la concentration de volontés individuelles, ans doute égoïstes et contradictoires.Les passions perdent ainsi toute connotation éthique, puisque la morale se trouve résolument dépassée par l'Histoire.

au lieu de s'interroger sur leur contribution au bonheur des hommes, Hegelne retiendra des passions que leur rôle dans l'accomplissement historique.

Les passions constituent donc le moyen de la réalisation de l'Histoire, qui assure le passage du particulier à l'universel.Elles nourrissent la Raison dans l'Histoire, et par là même réalisent l'humanité.. »

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