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Peut-on juger objectivement de la valeur d'une culture ?

Publié le 18/08/2012

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Respecter l'humanité d'un homme reviendrait alors à le considérer « toujours en même temps comme une fin «. Considérer quelqu'un comme une fin revient ici à s'efforcer de ne pas le condamner à n'être qu'un moyen qu'on pourrait utiliser comme nous le souhaiterions. Par exemple, exciser une femme revient à la considérer uniquement comme un objet à qui on peut imposer notre volonté de domination. De même qu'une pierre n'a aucune volonté propre, l'excision soumet la femme à l'homme comme ci celle-ci n'était pas la source de ses choix et de ses actions. L'idée de Kant est que les pratiques, qui refusent à autrui son autonomie, en ne le considérant que comme un moyen pour nous de réaliser notre volonté, sont des pratiques immorales. Certes, il m'est possible de considérer autrui comme un moyen et un ami sera, par exemple, le moyen pour moi d'obtenir une faveur. 

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« lutter contre cet ethnocentrisme.

Cependant, il y a une autre option envisageable qui consiste à ne pas refuser de juger mais à toujours avoir conscience du caractèred'abord relatif de nos jugements.

Cela signifie que puisque tout jugement repose sur un critère particulier, il ne faut pas faire comme si ce critère était valableuniversellement.

La colonisation, par exemple, reposait sur une justification idéologique singulière : le fait que les peuples africains soient impies ettechnologiquement moins développés que les peuples occidentaux.

A partir de ce constat, on a jugé les africains comme étant à peine des hommes et n'étant même passortis de l'état de nature.

Ce jugement est le résultat de l'ethnocentrisme occidental dans la mesure où les critères de nos jugements (la foi dans le christianisme etl'évolution technique) sont érigés, sans réflexions particulières, comme critères de toute humanité.

C'est cela qui est en soi critiquable et non la volonté de comparerdeux cultures.

Il est bien possible de comparer la culture occidentale et une culture africaine subsaharienne.

Il est même possible de dire que relativement au critèrearbitraire qu'est la technique cette dernière culture est inférieure à la nôtre.

Ce qui est proprement illégitime c'est de faire comme si ce critère était absolu car c'est ence dernier point qu'apparaît l'ethnocentrisme.

Finalement, le jugement de goût est similaire au jugement culturel dans la mesure où il est possible de dire qu'on aimebien tel ou tel aliment alors qu'il est aberrant de dire que tel aliment est mauvais sous prétexte qu'on ne l'aime pas.

Cette dernière formulation est l'occasion d'uneuniversalisation abusive de notre jugement subjectif.

Dans les deux cas, le jugement devient biaisé dès qu'on oublie que le critère du jugement n'est valable que demanière arbitraire et pas universellement.Il est dès lors possible d'envisager une multitude de critères qui permettraient de comparer, entre elles, les valeurs des cultures.

A l'instar de Lévi-Strauss dans Race ethistoire, on peut mentionner par exemple : le savoir théorique, la technique, la capacité d'adaptation à un milieu très hostile, la spiritualité ou encore la maîtrise ducorps.

A partir de ces différents critères, il serait envisageable d'émettre un jugement objectif qui compare deux cultures singulières.

Il faut tout d'abord préciser qu'ilest particulièrement délicat de dire, de manière absolue, qu'elle est la valeur technique, par exemple, d'une culture prise isolément.

Juger la valeur d'une culture enelle-même est chose délicate car il manque un point de repère.

La seule possibilité serait alors de comparer deux cultures entres elles par rapport à un critère dont onsait qu'il reste relatif.

Ainsi, dire d'une culture asiatique qu'elle vaut mieux qu'une culture occidentale relativement au critère de la maîtrise du corps humain n'a peutêtre rien de surprenant quand on sait que les mœurs chinoises, par exemple, véhiculent la nécessité de l'exercice corporel quotidien alors que notre société peine àfaire comprendre aux individus qu'il est nécessaire de faire au moins une demi-heure de marche rapide par jour.

Ce type de jugement pourra être objectif dans lamesure où n'importe quel individu sera en mesure d'examiner nos cultures respectives pour voir quelle est l'importance qui est donnée à la maîtrise du corps humainet à son entretien.

Par conséquent, si le résultat du jugement comparant la valeur de deux cultures relativement à un critère arbitraire ne dépend pas de ce qui estpropre à l'individu qui juge, alors le jugement pourra être dit objectif.

Cette objectivité ne pose-t-elle pourtant pas problème ?La difficulté essentielle d'un tel jugement comparatif est en réalité d'assurer son objectivité en éliminant tout ce qui, dans le jugement, relève de l'interprétationsingulière d'un individu.

Comment, en effet, être certain que tel ou tel individu ne va pas mettre en valeur telle observation plutôt qu'une autre ? Les différents critèresde jugements énoncés précédemment soulignent à quel point il est délicat, voire impossible, de quantifier une quelconque différence entre deux cultures.

Commentmesurer la spiritualité d'une culture ? Comment même mesurer le développement technique d'une culture ? Certes nos cultures occidentales ont atteint, par exemple,des sommets en termes de production énergétique.

Néanmoins, nous nous perdons encore en conjectures sur la manière technique dont les Egyptiens ont pu construiredes pyramides.

Le PIB ne serait alors peut être pas le meilleur critère possible pour rendre compte du niveau technique d'une société.De plus, Lévi-Strauss met en exergue le fait qu'il soit vain de juger de la valeur d'« une » culture car tout progrès reste toujours le fait de rencontres interculturelles.Si une culture occidentale a pu progresser autant d'un point de vue technique c'est parce qu'elle a été un pôle important de rencontres interculturelles.

Pris isolément,une culture n'a que peu de chance d'évoluer véritablement, quelque soit le critère que l'on choisit.

Prétendre juger objectivement de la valeur d' « une » culture c'estalors oublier que cette valeur est bien souvent le fruit de rencontres avec des cultures étrangères.

Ainsi, notre culture et son développement technique a supposé, à denombreuses reprises, l'héritage de certains savoirs et de certaines techniques d'autres cultures (arabe, chinoise...)Ce qui précède montre à quel point il est délicat d'établir une comparaison objective entre deux cultures.

Même en admettant que le critère choisi pour comparer cescultures reste arbitraire, il est toujours difficile de quantifier réellement la comparaison pour que celle-ci soit objective.

De plus, une culture ne possède une valeurqu'en entrant en contact avec d'autres cultures et il deviendrait donc douteux d'isoler une culture pour chercher à juger sa valeur.

Par exemple, nos connaissancesmathématiques ne seraient certainement pas les mêmes sans le développement des sciences de la culture arabe jusqu'au XVième siècle.

Mais alors, cela signifie-t-ilqu'il faille arrêter de vouloir juger une culture? Certaines pratiques culturelles, telles que l'excision, sont-elles acceptables? Ne serait-il pas légitime de vouloircondamner, sur un fondement objectif, ce genre de pratiques? Au contraire, une telle condamnation ne serait-elle pas uniquement l'expression de notreethnocentrisme? Dans cette perspective, c'est peut-être la morale qui pourrait fournir un critère universel assurant à notre jugement une certaine objectivité.

Ainsi, la dignité del'homme pourrait être ce critère permettant de juger si certaines pratiques culturelles son tolérables ou non.

Que faut-il alors entendre par « dignité humaine » etpourquoi ce critère serait-il une ouverture à l'objectivité?Dans Race et histoire, Lévi-Strauss ne dénonce pas l'ethnocentrisme pour soutenir une tolérance absolue.

Ce qui compte pour l'auteur est de désamorcer le racisme enmontrant que la différence ne justifie jamais le rejet d'autrui.

Cependant, cette dénonciation du racisme est en elle-même un jugement.

En effet, l'attitude qui consisteà rejeter autrui sous prétexte de sa différence culturelle est, pour Lévi-Strauss, une attitude qu'il convient de condamner.

En témoigne cette célèbre citation selonlaquelle « le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit en la barbarie ».

Cette affirmation n'est paradoxale que dans son apparence car il y a, en réalité, deux sensimplicites au terme « barbare ».

Le premier sens possible de ce terme est celui dont les racistes font usage: le barbare serait celui qui est plus animal qu'homme àcause de sa différence.

Or, il y a un second sens qui est celui que l'auteur introduit lui-même: le barbare c'est celui qui croit en la barbarie, c'est-à-dire celui qui rejetteautrui hors de l'humanité à cause de sa simple différence.

Dans le premier cas, le critère faisant le barbare est la différence alors que dans le second cas c'est le rejetd'autrui à cause de la différence.

Le jugement de Lévi-Strauss se fonde donc sur un glissement du sens du critère de la barbarie.

Au lieu de juger autrui sur sadifférence (différence qui est toujours subjective par rapport à ce que nous avons l'habitude d'être), l'auteur introduit un jugement sur les comportements qui rejettentl'humanité d'autrui.

Et précisément, cette humanité qui est rejetée serait commune à tout homme.

Au delà de toute les différences, il y aurait alors une humanitécommune à tous et c'est le respect de cette humanité qui fonderait la possibilité d'un jugement objectif.Par exemple, l'excision est une pratique qui vise à supprimer la possibilité d'un plaisir sexuel chez la femme.

Ce faisant, cette pratique culturelle manifeste le faitqu'on considère la femme non comme un Homme à part entière mais comme un objet auquel on peut faire tout ce qu'on veut.

Par conséquent, refuser à la femme unequelconque humanité en la considérant simplement comme un objet qu'on veut dominer serait rejeter ce qui serait universel chez tout Homme.

C'est cette attitude quiserait objectivement condamnable.

Le jugement serait objectif dans la mesure où son critère est quelque chose de commun à tous, l'humanité, et non une particularitéquelconque comme la couleur de peau, le sexe, les croyances, les coutumes...

Dans ces conditions, il serait possible de condamner certaines pratiques culturelles àpartir d'un critère moral objectif: le respect de l'humanité.

Certes, cela ne signifie pas que toute la valeur d'une culture soit remise en question, mais certainespratiques, à l'intérieur de cette culture pourraient être objectivement condamnées.

Mais en quoi consiste précisément cette humanité commune à tout homme?Concrètement, comment savoir ce qu'il serait objectivement possible de condamner dans une culture quelconque?Dans la Critique de la raison pratique, Kant fournit justement un critère permettant de juger objectivement une action du point de vue moral.

Ce jugement se veutobjectif car le critère moral serait issu de notre raison, faculté commune à tout homme.

« L'impératif catégorique » est alors l'expression de ce critère affirmant ce quetout homme doit absolument faire pour que son action soit morale.

Cet impératif catégorique possède une formulation qui est la suivante:« Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamaissimplement comme un moyen.

»Respecter l'humanité d'un homme reviendrait alors à le considérer « toujours en même temps comme une fin ».

Considérer quelqu'un comme une fin revient ici às'efforcer de ne pas le condamner à n'être qu'un moyen qu'on pourrait utiliser comme nous le souhaiterions.

Par exemple, exciser une femme revient à la considéreruniquement comme un objet à qui on peut imposer notre volonté de domination.

De même qu'une pierre n'a aucune volonté propre, l'excision soumet la femme àl'homme comme ci celle-ci n'était pas la source de ses choix et de ses actions.

L'idée de Kant est que les pratiques, qui refusent à autrui son autonomie, en ne leconsidérant que comme un moyen pour nous de réaliser notre volonté, sont des pratiques immorales.

Certes, il m'est possible de considérer autrui comme un moyen et. »

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