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Peut-on préférer la servitude à la liberté ?

Publié le 26/02/2004

Extrait du document

En effet, si dans le premier mouvement du texte, le philosophe allemand définissait de façon générale les " Lumières " et incriminait la " lâcheté " des hommes abdiquant leur conscience à des directeurs de conscience, dans ce passage, il met au jour l'affairement de ces derniers à abêtir leurs ouailles et dénonce les mécanismes pervers d'un tel processus à travers l'image d'un jeune enfant apprenant la marche. ALIÉNATION : Concept juridique (aliéner un bien, c'est le ceder par vente ou par don), psychiatrique (un aliéné est un fou) et philosophique (l'aliénation est le contraire de la liberté). Dans les trois acceptions, on trouve l'idée d'une chose ou d'un être devenu étranger à lui-même. On songera ici à Marx. Pour tenter de comprendre les mécanismes de l'aliénation, de la sclérose intellectuelles du " grand nombre ", du peuple, Kant commence cet extrait par en repérer la double structure, la bipolarité. D'abord, nous l'avons brièvement souligné déjà, c'est la " paresse " c'est-à-dire la propension au repos sans travail préalable et la " lâcheté " c'est-à-dire la pusillanimité sans honneur qui sont causes efficientes de l'obscurantisme dans lequel se complaît et duquel se repaît la majorité voire la quasi-totalité des hommes. Etat de fait d'autant plus scandaleux et en un sens désespérant que les hommes sont depuis longtemps en capacité d'utiliser leur propre entendement à leur " propre compte ". Effectivement, ces hommes ne sont ni affligés des tares de l'idiotie pas plus qu'ils ne souffrent de débilité congénitale. Ils sont capables en droit de faire usage de leur raison propre. Mais, en fait, se laissent asservir par quelqu'uns qui n'ont sur eux nulle supériorité naturelle sinon un ascendant social et factuel qu'ils consentent bien de quelque manière à leur accorder.
La liberté implique des risques, des responsabilités, la solitude et l'angoisse. On peut, tout compte fait, lui préférer une servitude confortable. MAIS, les hommes aiment la liberté par-dessus tout. Comme en témoigne l'histoire, ils préfèrent mourir plutôt que d'accepter la servitude.
  • I) On peut préférer la servitude à la liberté.
a) La liberté comporte des risques. b) La servitude apporte la sécurité. c) La liberté nous rend solitaires.
  • II) On ne peut pas préférer la servitude à la liberté.
a) La liberté est plus précieuse que la vie. b) Les hommes aiment farouchement la liberté. c) Nous sommes condamnés à la liberté (Sartre).
.../...

« quelqu'uns.

On l'aura compris, la minorité appelle et facilite l'emprise des maîtres sur leurs esclaves, destuteurs sur leurs élèves, des rois sur leurs sujets comme le troupeau bêlant et apeuré appelle la protection duberger. Soulignons que dans cette première phrase, Kant impute la responsabilité principale de cet état de fait à lapremière cause et la seconde vient comme finaliser, compléter le processus. En effet, si les hommes avaient le courage de penser par eux-mêmes, nul ne viendrait le faire à leur place ! Mais, " il est si confortable d'être mineur " ajoute plaisamment Kant.

Effectivement quoi de plus sécurisant quel'infantilisme prolongé.

Nous ne résistons pas à joindre ici deux textes de Freud montrant lui aussi à sa manièrecomment l'illusion religieuse est la réactivation du désir d'être aimé et protégé propre à l'enfant : " Représentons-nous la vie psychique du petit enfant.

[] La libido suit la voie des besoins narcissiques ets'attache aux objets qui assurent leur satisfaction.

Ainsi la mère, qui satisfait la faim, devient le premier objetd'amour et certes de plus la première protection contre tous les dangers indéterminés qui menacent l'enfantdans le monde extérieur ; elle devient, peut-on dire, la première protection contre l'angoisse. La mère est bientôt remplacée dans ce rôle par le père plus fort, et ce rôle reste dévolu au père durant toutle cours de l'enfance.

Cependant la relation au père est affectée d'une ambivalence particulière.

Le pèreconstituait lui-même un danger, peut-être en vertu de la relation primitive à la mère.

Aussi inspire-t-il autantde crainte que de nostalgie et d'admiration.

Les signes de cette ambivalence marquent profondément toutesles religions [].

Et quand l'enfant, en grandissant, voit qu'il est destiné à rester à jamais un enfant, qu'il nepourra jamais se passer de protection contre des puissances souveraines et inconnues, alors il prête à celles-ci les traits de la figure paternelle, il se crée des dieux, dont il a peur, qu'il cherche à se rendre propices etauxquels il attribue cependant la tâche de le protéger.

Ainsi la nostalgie qu'a de son père l'enfant coïncideavec le besoin de protection qu'il éprouve en vertu de la faiblesse humaine ; la réaction défensive de l'enfantcontre son sentiment de détresse prête à la réaction au sentiment de détresse que l'adulte éprouve à sontour, et qui engendre la religion, ses traits caractéristiques.

" " Ainsi je suis en contradiction avec vous lorsque, poursuivant vos déductions, vous dites que l'homme nesaurait absolument pas se passer de la consolation que lui apporte l'illusion religieuse, que, sans elle, il nesupporterait pas le poids de la vie, la réalité cruelle.

Oui, cela est vrai de l'homme à qui vous avez instillé dèsl'enfance le doux -ou le doux et amer- poison.

Mais de l'autre, qui a été élevé dans la sobriété? Peut-êtrecelui qui ne souffre d'aucune névrose n'a-t-il pas besoin d'ivresse pour étourdir celle-ci.

Sans aucun doutel'homme alors se trouvera dans une situation difficile; il sera contraint de s'avouer toute sa détresse, sapetitesse dans l'ensemble de l'univers; il ne sera plus le centre de la création, l'objet des tendres soins d'uneprovidence bénévole.

Il se trouvera dans la même situation qu'un enfant qui a quitté la maison paternelle, où ilse sentait si bien et où il avait chaud.

Mais le stade de l'infantilisme n'est-il pas destiné à être dépassé?L'homme ne peut pas éternellement demeurer un enfant, il lui faut enfin s'aventurer dans l'univers hostile.

Onpeut appeler cela " l'éducation en vue de la réalité "; ai-je besoin de vous dire que mon unique dessein, enécrivant cette étude, est d'attirer l'attention sur la nécessité qui s'impose de réaliser ce progrès? " De même, que le suggère Freud dans ces deux extrait de "L'avenir d'une illusion", la religion apaise l'angoissepropre à tout acte d'exister et nous maintient dans la douce paisibilité de l'ignorance, Kant montre combien ilest doux et commode de se laisser bercer et berner des lumières et de la prétendue sagesse d'autrui: meslivres pensent pour moi et me donnent réponses, mon pasteur calme ma conscience et me donne bénédictionset absolutions et mon médecins ne soigne et me saigne en me donnant médications et prescriptions. Ainsi va le monde, avec ses lâchetés et compromissions quotidiennes.

Ainsi s'achète à bon prix la bonneconscience, chose du monde assurément la mieux partagée.

Au royaume des indulgences, l'argent et lamauvaise foi sont rois.

L'homme diligente aux autres ce qui est de sa plus haute responsabilité et l'intendancesuivra! Si jusqu'à présent Kant a mis le doigt sur la pusillanimité des mineurs et leur "active" contribution à leurminorité infantile, la suite du texte va dénoncer les stratagèmes et mécanismes des "tuteurs".

Nous passeronspudiquement sur le "beau sexe" et demanderons non sans malice si l'homme n'est pas le tuteur de la femme ? Quoi qu'il en soit, il est une vérité partagée de tous, des hommes comme des femmes: le pas vers la majoritéest pénible et dangereux.

Du pas au faux-pas il n'y a qu'un pas.

Penser par soi-même n'est-ce pas aussipenser avec soi-même et parfois contre soi-même et contre les autres? Socrate n'en est-il pas le paradigme?La maxime des "Lumières" ne porte-t-elle pas en elle le "connais-toi toi-même" socratique et vice versa ? Certes ce pas vers la libération est périlleux, Kant y consent lui-même.

Et il est d'autant plus périlleux que l'onne cesse de nous le faire imaginer tel.

Pascal ne disait-il pas que le plus grand philosophe du monde sur uneplanche plus large qu'il ne faut ne manque pas lui-même d'être saisi d'effroi? Péril il y a mais de même qu'il ne faut prendre des vessies pour des lanternes, il ne faut pas confondre lachute des corps et la descente aux enfers.. »

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