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Peut-on revendiquer le droit au secret ?

Publié le 11/01/2004

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Que le secret est un pouvoir sur autrui. La coquette se pare du secret, de l'inconnu, et de par ce silence qu'elle oppose au prétendant, se place comme inaccessible, lointaine car indéchiffrable. Cela nous a donné les plus beaux chants élégiaques, mais qu'est-ce à dire? Pouvoir sur les autres, puissance de mystification, de mythification, véritable chantage parfois, le secret instaure une relation de pouvoir. Et cette relation - n'est-ce-pas le fait de toutes les relations de pouvoir? - est inégalitaire. La coquette se targue d'une connaissance que l'autre n'a pas. Celui qui ne sait pas devient plus ou moins la chose de l'autre.Relation de pouvoir, relation inégalitaire, le secret est-il légitime? Peut-on parler d'un droit au secret?
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« Un exemple permet de réfuter autrement cette légitimité du secret : celui du mandarin, homme docte et sage, qui,gardant secret son savoir, gagne un prestige au milieu des autres et acquiert un pouvoir effectif.

On pourrait direque son savoir légitime sa supériorité.

Or, c'est une relation traversée de part en part par l'illégitime : en effet,l'acte par lequel le mandarin se déclare supérieur est l'acte par lequel il maintient les autres dans leur infériorité,dans leur ignorance.

Dans le domaine des relations interpersonnelles on ne peut parler d'un droit au secret.On voit bien qu'une des données fondamentales de toute ébauche de réflexion sur le secret est justement ce quifait l'objet du secret, à savoir : la connaissance, celle que l'autre n'a pas.

C'est là le pivot de la réflexion.

Ceproblème de la connaissance n'amène-t-il pas à nuancer les conclusions précédentes? En tout cas il est au coeurd'une réflexion actuelle sur le secret le secret professionnel.

Il s'agit bien ici d'un secret légitimé.

Quel est-il, cesecret? Pour le médecin, il s'agit par exemple de taire la gravité de son mal à un patient.

Comment cela est-ilacceptable? Ce qui touche à la vie, à la mort d'un individu n'est-il pas son affaire propre? Tout homme adulte n'est-ilpas jugé apte à prendre son destin sur le dos? Il est bien évident que ce secret professionnel ne vas pas de soi.

Leconflit est un problème de connaissance.

L'homme qui a passé des années studieuses à apprendre les mécanismesde la vie peut-il tout dire à celui qui ne possède pas ces mêmes connaissances? Doit-on tout dire à celui qui ne peutrecevoir que comme des coups de massue des conclusions dont il est incapable de comprendre les cheminementsqui les ont produites? De par l'impossibilité où il est de saisir la situation exacte, il risque de ne pas se comporter dela manière la plus adéquate.

Dès lors, les médecins concluent qu'il vaut mieux ne rien dire.

N'est-ce pas rapide, etbien définitif? Ne devrait-on pas plutôt réagir en informant mieux le commun des mortels (que les médecins ne seplaignent pas d'être considérés comme de grands gourous).

Cette attitude révèle des présupposés : suspicion de lacapacité morale de l'individu, réprobation du suicide, loi de la vie à tout prix, etc.

De plus, elle engendrel'irresponsabilité.

Le problème n'est pas ponctuel et propre à la médecine.

Il hante la réflexion de tout penseur politique c'est l'hommeprovidentiel, le législateur du Contrat social.

Pourra-t-il tout dire au peuple des difficultés intellectuelles de saconstitution? Poser le problème du secret, c'est poser le problème de l'information.

Et par là, de la propagande.

C'estle dilemme de Marx écrivant le Manifeste du Parti Communiste : il livre, magnifiquement, ses conclusions sans pouvoir livrer les analyses philosophiques dont elles sont le terme.

C'est là ledrame de toute propagande faite par un penseur sérieux et sincère : fairesilence sur les pourquoi, les comment et ne garder que les pointsd'exclamation conclusifs.Mais ce silence, ce secret obligés ne sont qu'un point-limite dans la réflexionpolitique de Marx ou de Rousseau.

La société qu'ils veulent construire est unesociété d'où sera bannie le secret.

Et c'est par ce biais du politique ques'intègre le dernier volet de cette réflexion sur le secret.

Après avoir montréque le secret ne saurait être un droit, que ce qui faisait son semblant dejustification était un défaut d'information, il faut montrer que nier le droit ausecret c'est revendiquer le plein épanouissement de l'homme.Pour Rousseau penseur politique, le problème du secret ne devra plus seposer à l'homme.

L'acte par lequel se constitue un peuple, cette conventionest la décision de vivre ensemble, et, par là, de toujours prendre en comptel'intérêt général.

L'acte fondateur va être celui par lequel chacun se donne àla communauté, chacun laisse tous les registres de sa personnalité au regardde la société; l'homme est social de part en part; garder un domaine oùl'individu aurait seul droit de regard serait amener un retour progressif audésordre.

L'homme citoyen n'a pas droit au secret, ce serait prôner sonindividualité, se croire assez extraordinaire pour enfreindre la règle : ce seraitêtre immoral et hors-la-loi.

De plus, la société serait divisée en autantd'individus, les individus eux-mêmes en autant de désirs, de secrets...

Un formidable éclatement de la société humaine, voilà ce qu'engendrerait le secret.L'intérêt commun, c'est justement ne plus accepter le secret, ce particulier.

De par la considération de l'intérêtcommun, l'homme va prendre sa véritable dimension, non seulement d'être générique, mais aussi d'être pensant,puisque son esprit va être constamment écartelé entre ses intérêts particuliers et ceux de la communauté.

PourRousseau, sans trop avoir à forcer la note, on pourrait dire que l'abandon du secret ouvre les sphères du champintellectuel.

On ne peut que nier la légitimité d'un droit au secret, même si l'expérience démontre qu'il est parfois nécessaire(mais la nécessité ne fait pas droit).

Au contraire c'est sur la négation de ce droit, et l'abandon du secret, que l'onpeut construire l'égalité, la responsabilité, et que, d'après Rousseau, une société harmonieuse est possible.

Harmoniene signifie pas absence d'effort et pour moi, je vois dans cette tension, cette difficulté à ne pas céder à la facilitédu secret un acte des plus souhaitables.

Créateur, il nous force à inventer notre démarche.

Surtout, il est respectde l'autre.. »

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