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Peut-on traduire ?

Publié le 27/02/2008

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« En raison de sa nature spécifique et dans un sens encore bien différent de ce qui se dit en général de toutes les oeuvres d'une grande originalité, ce poème est intraduisible (il s'agit donc de la tragédie d'Eschyle) » affirme Humboldt dans son  Introduction à L'Agamemnon d'Eschyle (p 129-133).Serait-ce à dire que l'intraduisible existe ? Pouvons-nous ainsi réduire l'exercice de la traduction ? En d'autres termes, ne devrions-nous pas plutôt nous demander si nous pouvons traduire ? Si un tel exercice est possible, que serait –il possible de traduire ? Et que traduirions-nous ? Une langue, une parole, une pensée, une oeuvre ? Mais il faudrait aussi se demander ce qu'on appel par traduction, et de quoi dépend le sens d'une traduction ? Nous allons donc tenter dans un premier moment de nous interroger sur le sens que l'on donne au mot traduction et quelles sont ses objets, pour ensuite étudier les difficultés de la traduction liées à l'un de ses objets, pour finir par expliquer pourquoi la traduction est concevable et peut être considérée comme élément essentiel de la vie des hommes.

« niveau de la communauté linguistique, et la parole au niveau de l'individu, autrement dit encore, nous avons commetout homme une capacité de langage, nous nous exprimons en français par exemple, et nous avons une manièrepersonnelle d'utiliser le code linguistique français et de parler français. Merleau-Ponty affirme dans La phénoménologie de la perception que « lesilence intérieur est bruissant de parole » et que ma pensée n'a pas unlangage, mais qu'elle est langage, comme si « elle naissait tout habillée »(Oscar Wilde).Ainsi le langage, à travers la parole entre autre, n'est plus uniquement unefonction de communication et d'expression, mais elle traduirait une pensée, età travers cette pensée il y aurait la présence d'un « être », un être quis'engage et exprime quelque chose de son moi.La parole serait donc une première forme de traduction, elle traduirait dans unpremier temps notre pensée, et notre intention par des mots.Cependant Merleau-Ponty nous rappelle que la pensée est libre et propre à «l'être » de sorte que la parole elle aussi le sera.

L'être vivant est donc perçucomme un créateur, qui ne se maitrise jamais complètement ; la penséecomme liberté créatrice dépasserait alors ses intentions premières.Nous pouvons donc ainsi affirmer que la parole est en fait plus que l'utilisationpersonnelle d'une langue ; elle témoigne de l'autonomie de celui qui parle parrapport à elle.Ainsi la parole vue comme traduction de notre pensée représente plus quedes mots qui au sens fixé entraîneraient une traduction mécanique et facile,car on ne retrouve dans les mots du dictionnaire que leur sens, alors que laparole exprime le propre de « l'être ».

Le fait que le sujet pense et cherchel'expression avec persévérance, nous montre que la traduction n'est pas donnée, que dans son effort, le sujet est contraint d'être libre, sinon la parole ne serait pas une pensée.

Nouscomprenons donc pourquoi nous aussi nous devons traduire les propos spécifiques à autrui.

Nous produisons ainsi à notre échelle, tel le peintre avec son choix personnel de la manipulation des couleurs, uneoeuvre.

Nous utilisons les couleurs à notre manière et les combinaisons sont infinies.

Telle que l'expression de laparole, la peinture elle aussi est infinie.

Dans les deux cas il ne s'agit pas d'une traduction, d'une reproduction, maisil s'agit de dire plus de choses.A travers le langage et la langue nous voyons donc ici une première forme de traduction, cependant une premièrequestion essentielle se pose ici à nous, à laquelle nous tenterons de répondre par la suite :« Comment faire correspondre une intention particulière avec des mots dont le sens est fixé par l'usage, un systèmegénéral ? » Nous nous trouvons face à la traduction de la pensée, de l'intention par le langage et donc la parole,mais aussi un autre type de traduction celui de l'intention particulière du locuteur vers un système général.Nous nous intéressons donc à ce deuxième type de traduction, et nous pouvons ainsi affirmer que la traduction netouche pas uniquement les langues, mais aussi la façon particulière dont le sujet utilise sa langue.

A travers lalangue il y a un code dont l'individu dispose à sa manière pour coder ses connaissances et sa pensée ; ceci sera lapremière difficulté de la traduction.Dans l'essai de 1916, Benjamin explique que le langage est la communication par la nature inanimée comme par lanature animée de leur « contenu spirituel ».

De sorte qu'il y a différents « ordres » de langages et qu'une langue «n'est que l'expression de ce que par elle nous croyons exprimer » ; L'expression immédiate de ce qui en elle secommunique.

Le « se » est en fait « l'essence spirituelle » (¼uvre I pas 143).

Si l'on applique aux hommes cetteconception, l'homme communique sa propre « essence spirituelle » dans son langage, et non pas par son langage,car « rien ne se communique par le langage ».Ceci nous conforte dans l'idée qu'un langage, une langue sont bien plus que cela, et que si nous pouvions traduire,nous traduirions plus qu'une langue.Le traducteur peut ainsi être le traducteur de métier, mais aussi nous même qui pour comprendre traduisons lesystème de l'autre dans le nôtre, puisque comme nous l'avons remarqué, il ne s'agit pas uniquement d'une languemais d'un discours, d'une articulation de la pensée dans la langue.Ainsi pour le traducteur l'objet de la traduction n'est pas une chaine de signifiants dans une langue de départ qu'ilfaudrait convertir en une chaine de signifiants dans une langue d'arrivée ; la vraie difficulté est l'expression de lapensée d'un auteur entre autre, qui peut soit vouloir simplement représenter tel ou tel aspect de la réalité, soitprendre position par rapport à elle.Et c'est en ce sens aussi que la traduction est interprétation, il n'existe pas de traduction unique et obligatoire, elledéprendra de ce que comprend le traducteur ; chaque acte de traduction s'adaptant à ses destinataires, etpoursuivant une finalité qui lui est propre, en une situation donnée.Nous pouvons ainsi dire que le traducteur avant de traduire une langue, traduit un texte, texte rédigé par desauteurs qui, pour reprendre les termes de Descartes, ne sont à nos yeux « pas plus qu'hommes ».Si nous nous concentrons sur la traduction d'un texte, Paul Ricoeur s'est attaché à définir ce qu'est le texte enpartant du passage de l'oral à l'écrit :« Ce qui est fixé par l'écriture c'est donc un discours qu'on aurait pu dire, certes, mais précisément parce qu'onécrit, parce qu'on ne le dit pas […] on peut alors se demander si le texte n'est pas véritablement textelorsqu'il ne se borne pas à transcrire une parole antérieure, mais lorsqu'il inscrit directement dans la lettre ce queveut dire le discours.

» L'acte d'écrire jouit en fait d'une certaine autonomie par rapport même aux intentions del'auteur : non pas que « l'écriture écrirait », pour paraphraser une formule heideggérienne, en quelque sorteindépendamment de l'auteur, ni que « ça écrirait », pour reprendre la même formule dans une acception lacanienne,. »

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