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PEUT-ON VOULOIR CE QUE L'ON NE DÉSIRE PAS ?

Publié le 15/03/2004

Extrait du document

Mais il faut comprendre qu'une fois que j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir, je ne peux plus rien désirer. L'inverse serait croire que le destin ou le monde peuvent s'ordonner selon mes désirs, serait demander que les choses arrivent comme je le désire, ce qui est absurde. C'est demander l'impossible ou se prendre pour un Dieu qui aurait tout pouvoir sur le monde. J'ai tout pouvoir sur mes pensées, mais le résultat de mes actions ou de mes actes ne dépend pas entièrement ni absolument de moi, il dépend de l'ordre entier de l'univers qui m'échappe. Appliquer cette règle difficile, c'est selon Descartes parvenir à ce que « nous ne désirons pas davantage être sains, étant malades ou être libres, étant en prison, que nous ne faisons maintenant d'avoir des corps d'une matière aussi incorruptible que les diamants [...] Mais je crois qu'il est besoin d'un long exercice et d'une méditation souvent réitérée, pour s'accoutumer à regarder de ce biais toutes les choses. » La maxime de Descartes reprend des stoïciens : « Changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde » s'est vue opposer en mai 68 le fameux « désirez l'impossible ». Soucieux de mettre l'individu à l'abri des coups du sort, de lui épargner les désirs et  les remords inutiles, Descartes tend à nous dire qu'il faut « aimer le réel » ou du moins l'accepter, une fois qu'on a fait ce que l'on pouvait. Cette règle de conduite extrêmement exigeante doit d'abord nous rappeler que les conséquences de nos actes et de nos décisions nous échappent, ne dépendent pas entièrement de nous, que nous sommes pris dans un réseau d'actions qui modifient nos initiatives, nos projets, nos désirs. La morale des stoïciens donne comme « solution » un retrait orgueilleux dans la maîtrise de la pensée, un désinvestissement du monde.

« absolue et indubitable, Descartes décide de remettre au moins temporairement en cause la totalité de ses opinions.

Pour parvenir « à la connaissance vraie de tout ce qui est utile à la vie », il se voit obligé de rejeter la totalité de ce qu'il avait cru.

Dans les « Méditations », il décrit ainsi son attitude : « Je suppose que toutes les choses que je vois sont fausses ; je me persuade que rien n'a jamais été de tout ce que ma mémoire remplie de songes me représente ; je pense n'avoir aucun sens... ». Il faut comprendre que ce doute est une démarche intellectuelle qui a pour but de détruire le « palais » de l'ancienne métaphysique, qui n'était bâti que « sur du sable et de la boue », pour reconnaître le véritable palais des sciences sur le roc de la certitude. Mais une question nouvelle apparaît : pendant que je détruis mon ancienne demeure, pour en reconstruire unenouvelle, où vais-je loger ? « Car ce n'est pas assez, avant de recommencer à rebâtir le logis où l'on demeure, que de l'abattre [...] il fautaussi s'être pourvu de quelque autre où o puisse être logé commodément pendant le temps qu'on ytravaillera. » Pendant que le doute m'oblige à n'admettre aucun principe, comment vais-je vivre, et vivre au milieu des autres, sur quels principes vais-je régler mes actes, moi qui rejette tous les principes ? Sur quels critèresvais-je choisir d'agir, pendant que je doute de tout ? La démarche intellectuelle de Descartes l'oblige à être irrésolu en ses jugements, de tout passer au crible du doute, mais « les actions de la vie ne souffrent aucun délai .

» « Ainsi, afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions pendant que la raison m'obligerait de l'être enmes jugements, et que je ne laissasse pas de vivre dès lors aussi heureusement que je pourrais, je formaisune morale par provision. » La morale par provision consiste à se donner des règles d'action, temporaires et révisables, pour vivre et agirde façon décidée et résolue, alors même que le doute me contraint à ne rien admettre pour vrai.

On est là àun moment très particulier de la démarche cartésienne ; un moment où le divorce est possible entre raison &action.

Ce qui prime dans l'ordre de la connaissance c'est la vérité.

Et elle impose le doute, la patience, lacirconspection.

Ce qui prime dans l'action, c'est la résolution, c'est de savoir prendre partie s'y tenir face àl'urgence de la vie.

La morale par provision ne correspond qu'à un moment précis de la vie : celui oùj'entreprends une réforme intellectuelle totale alors même qu'il me faut continuer à agir. Elle est nécessaire au moment où mes actes ne peuvent pas encore parfaitement correspondre à la vérité, etceci parce que je cherche une vérité que je n'ai pas encore atteinte.

Les règles de la morale par provision ou« morale provisoire » sont donc par essence révisables, et Descartes récrira une morale une fois sa métaphysique et sa physique fondées.

Pour l'instant, il s'agit de se donner les maximes les plus prudentes etles plus aptes à m'assurer le contentement, alors même que je ne dispose d'aucun principe ferme pour guidermon action.

Si l'on reprend la métaphore de Descartes , elles correspondent à cette maison dans laquelle j'habite temporairement, pendant que je reconstruis mon palais. La première maxime de Descartes recommande un conformisme extérieur : puisque rien ne me dit quelles moeurs ou quelle religion adopter en toute connaissance de cause, autant m'en tenir à celles de mon pays.

Ceconformisme n'est que la façade et n'implique aucune adhésion intérieure.

La seconde maxime consiste en unusage ferme et constant de la volonté ; une fois une décision prise, il ne faut pas en démordre.

Si je me perdsen forêt, il me faudra bien choisir, fut-ce au hasard, une direction, et si je veux ne pas m'égarercomplètement, m'y tenir. La troisième maxime est : « de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune et à changer mes désirs plutôt que l'ordre du monde ».

Descartes affirme que cette règle est aussi facile à comprendre que difficile à appliquer.

En fait, il s'agit là d'une maxime d'inspiration stoïcienne, quasi directement recopiée d' Epictète , et qui nous invite à faire le départage entre : · d'une part ce qui dépend de nous, ce sur quoi nous avons un pouvoir ; · d'autre part ce qui ne dépend pas de nous, et dont nous devons nous exercer à ce qu'il ne nous touche en aucune façon.. »

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