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Place Du Théâtre Et De L'Opéra Dans Les Liaisons Dangereuses

Publié le 23/11/2010

Extrait du document

liaisons dangereuses

 

Au XVIIIè siècle, le théâtre a une place très importante dans la société. A Paris ou en province, les nobles et bourgeois aisés apprécient se retrouver dans ces lieux à la mode. C'est donc tout naturellement que l'importance du théâtre de de l'Opéra sera manifeste dans une oeuvre majeure du XVIII traitant de la société, Les Liaisons Dangereuses, de Laclos. Il l'exploite cependant de manière variée et originale et c'est pour cela que nous pouvons nous interroger sur la place du théâtre et de l'Opéra dans son oeuvre ? 

Tout d'abord, nous parlerons du lieu en lui même, de ce que l'on vient y faire. Puis nous comparerons le rôle des différents personnages du roman avec celui du monde du théâtre, pour enfin nous pencher sur la représentation théâtrale du libertinage dans l'oeuvre. 

 

Le théâtre et l'Opéra sont des lieux très importants dans le roman. Mais, on ne parle pas des représentations données mais bien essentiellement de ce qui s'y trame, et c'est en cela que les lieux prennent de l'importance pour le roman.

      Ils sont tout d'abord lieux de rencontre. La haute société se réunissant souvent en ces lieux, il est ainsi possible de faire connaissance, par des regards appuyés ou des relations présentes. C'est en effet à l'Opéra que la marquise de Merteuil prête pour la première fois attention à Prévant, Valmont lui en ayant parlé peu avant comme d'un séducteur dont il faudrait se méfier, ce qui attira indéniablement la curiosité de la marquise et elle profite de sa loge, face à lui, pour l'observer. Elle dit en effet de lui qu'il  « était à l'Opéra, presque vis-à-vis de moi «, elle en a donc profité pour « l'observer «. Cette première approche lui permet d'organiser une future rencontre chez une connaissance qu'ils ont en commun. Sa présence au théâtre permet donc au personnage de se rapprocher de la personne désirée, ce lieu étant très fréquenté. 

      En plus d'être un lieu de rencontre, l'Opéra et le théâtre sont également un lieu d'échange. C'est là que l'on va lorsque l'on désire un entretient en particulier, une discussion privée à l'abris des oreilles indiscrètes. C'est donc naturellement là que Madame de Merteuil prévoit sa première entrevue seule à seule avec Cécile, et c'est là qu'auront lieu nombres autres de leurs échanges. La jeune fille, dans une lettre à son amie du couvent, explique ces rendez-vous : « Elle m'a dit que nous y serions seules, et nous causerons tout le temps, sans craindre qu'on nous entende. « Cécile conclut d'ailleurs par « J'aime bien mieux cela que l'Opéra « et on peut imaginer qu'il était effectivement coutume à l'époque d'y aller pour échanger. 

       Ce qui donne, enfin, de l'importance aux lieux que sont le théâtre et l'Opéra, est aussi tout simplement par les personnes qui les fréquentent. C'est ici que la haute société de l'époque se réunit, on fait alors jouer sa sociabilité et on y retrouve des relations avec lesquelles il est bon de s'afficher. Madame de Merteuil en fait justement l'expérience à la fin du roman. Après s'être envolée à la campagne suite à la mort de Valmont, elle revient à Paris et se fait « descendre à la Comédie Italienne, où elle avait sa loge « mais « aucun homme ne s'y présenta pendant tout le spectacle «. Cette marque totale d'indifférence sociale sera ensuite décuplée lorsque, après le spectacle, elle se rend au petit salon où elle se fera huer. Cette humiliation est donc d'autant plus terrible qu'elle est publique, et qu'elle se passe dans un lieu où toute la haute société est présente. 

 

Le théâtre et l'Opéra ont donc une grande importance dans le roman en tant que lieux, puisqu'on y fait de nouvelles rencontres, on échange entre personnes respectées, mais ces endroits prennent aussi de l'importance dans le fait que les personnages ne se contentent pas de les fréquenter, mais représentent également eux-mêmes le jeu théâtral. 

 

Les personnages des Liaisons Dangereuses rappellent sans cesse le théâtre en lui même. L'impression de voir se dérouler une pièce dans différentes actions de l'oeuvre est renouvelée sans cesse. 

      On y voit tout d'abord les metteurs en scène de la pièce. Valmont et Merteuil semblent contrôler tout le déroulement des actions, les faits et gestes des autres personnages. On peut d'ailleurs constater à maintes reprises dans leurs lettres la satisfaction qu'ils éprouvent lorsque le jeu se déroule comme ils le souhaitent. Les dires de la marquise à propos de la chute qu'elle avait préparé à Prévant illustrent bien cela. Elle a non seulement orchestré le piège qui s'est refermé sur lui, mais elle a également préparé sa chute sociale. Suite à l'aventure, elle demande tout d'abord à sa femme de chambre, Victoire, d'aller « le matin de bonne heure bavarder dans le voisinage « pour qu'elle y relate les faits, mais la marquise écrit également une lettre dans le but qu'elle soit connue de tous et que la société réagisse en fonction, comme elle l'entend. On peut voir le plaisir qu'elle a dans le succès de ses actions, « tout a si bien réussi «. Valmont est également maître dans l'art de manipuler, ce qu'on constate au moment où il nécessite la complicité de la femme de chambre de sa dévote. Il met littéralement en scène son chevalier qui « joue ses rôles à merveille «. Il prépare donc une mise en scène qu'il lui expose et mettent en oeuvre. Valmont et Merteuil sont donc tout deux maîtres des actions puisque ce sont eux qui les élaborent et les font jouer, avec la complicité de quelques autres. 

      On distingue également dans l'oeuvre des personnages qui auraient rôle d'acteurs. Pour ce qui est du couple de libertin, ils revendiquent d'ailleurs dans leurs lettres leur rôle et exposent clairement la façon dont ils devaient se comporter pour y faire croire, ainsi que l'effet produit sur les autres personnages. Valmont, par exemple, se compare au « héros d'un drame dans la scène du dénouement « lorsqu'il est bénit par les pauvres auxquels il a donné de l'argent, dans le but de séduire Madame de Tourvel. La marquise, tout comme Valmont, est une sorte d'actrice dans le roman. Tout d'abord elle a un double visage puisque la société la connait prude alors que son comportement est libertin, et c'est le rôle qu'elle préserve aux yeux du beau monde. Mais, dans son libertinage, on lui voit également plusieurs facettes. En effet, lorsqu'elle invite son chasseur à la rejoindre dans son « temple de l'amour «, elle se prépare comme une actrice avant d'entrer en scène. Elle lit plusieurs nouvelles et romans afin de « recorder les différents tons [qu'elle] voulai[t] prendre «. Et ça démarche réussit effectivement puisqu'à l'arrivée de son amant, elle met en oeuvre tout son talent : « Tour à tour enfant et raisonnable, folâtre et sensible, quelque fois même libertine, je me plaisais à le considérer comme un sultan dont j'étais tour à tour les favorites différentes «. Valmont et Merteuil revendiquent donc bien leurs rôles et s'en félicitent même, tandis qu'ils font jouer pour eux les victimes innocentes de leur excentricité. Cela en prodiguant des conseils avisés, en exigeant un certain comportement ou certaines actions, qui ferait penser à des acteurs ignorants mêmes qu'ils sont en scène. 

      Enfin, pour que pièce de théâtre il y ait, sont également présents des spectateurs à la pièce. On en différenciera deux types. Les personnages secondaires, tout d'abord, comme Madame de Volanges ou Madame de Rosemonde. Elles ne jouent pas de rôles fondamentaux dans les actions puisqu'elles y participent peu, mais elles constatent, elle voient l'évolution des sentiments et du comportement des personnages. C'est par exemple le cas de Madame de Rosemonde qui avoue à Madame de Tourvel qu'elle avait deviné la nature de ses sentiments pour son neveu. Dans un genre similaire, la société est également spectatrice passive des actions des deux libertins. On peut prendre l'exemple du réchauffé avec la Vicomtesse par Valmont quand, après avoir raconté ses exploits à la marquise, il lui dit qu'elle peut les vanter, puisqu'après s'en être amusé, « il est juste que le public en ait sont tour «. Valmont est d'ailleurs également spectateur, mais à titre différent des autres, puisque lui observe le fruit de ses propres actions comme spectacle. Dans une lettre à Madame de Merteuil, il exprime clairement cette idée puisque, après avoir expliqué le combat de la dévote contre ses sentiments, il lui dit : « Eh quoi ! Ce même spectacle qui va vous faire courir au théâtre avec empressement, que vous y applaudissez avec fureur, le croyez-vous moins attachant dans la réalité ? «

 

Les personnages ont donc différents rôles. Ils peuvent être metteur en scène, comédien, spectateur, ou même les trois en même temps. Mais l'importance du théâtre et de l'Opéra est en plus de ça visible pas une possible lecture théâtrale de l'oeuvre. 

 

La lecture que l'on peut faire de ce roman épistolaire rappelle également le théâtre. 

     Les lettres en elles mêmes, tout d'abord, abordent beaucoup les sentiments, impressions et ressenti des personnages, mais illustrent souvent cela par des exemples dans des faits passés. Et c'est la manière dont ces faits sont relatés qui donne une impression de pièce de théâtre. Effectivement, comme il s'agit de lettres, les auteurs n'abordent que des faits majeurs, utiles au lecteur et mettent l'accent sur des gestes, des paroles, qui seraient emblématiques d'une action ou trahirait un sentiment. On laisse de côté les descriptions futiles et banales de la vie quotidienne. Et c'est la façon dont les éléments sont rapportés qui nous donne l'impression de voir une scène de théâtre. Selon le ressenti de l'auteur de la lettre par rapport à l'action qu'il décrit, il lui donnera l'aspect qu'il a le plus éprouvé, qu'il soit comique, ironique ou pathétique. En effet, lorsque Valmont et une de ses maîtresse cherchent un moyen de faire rentrer la maîtresse dans sa chambre fermée, sans attirée les soupçons, Valmont va élaborer un moyen fantaisiste pour y remédier, défoncer la porte en criant au voleur. Lui a vécu la scène comme quelque chose de plaisant, puisqu'il s'en amuse , et c'est ce qui fait que nous imaginons une scène burlesque de théâtre. La façon dont les scènes sont relatés laisse donc notre imagination les associer au théâtre. 

     Enfin, le libertinage en lui même est exposé de façon théâtrale par l'auteur. Il place les libertins, Valmont et Merteuil, en acteurs principaux, en éléments clés du roman, ils jouent un rôle dans l'intrigue et rassemblent les personnages. Des péripéties interviennent tout au long du roman, des intrigues secondaires, et c'est une qualité qu'à également le théâtre. Mais le plus explicite, ce qui rappelle le plus le théâtre et sans doute la chute sociale de la marquise. Comme pour réparer une injustice envers ceux qu'elle a blâmé, toute la société apprend la femme qu'elle est réellement et elle se fait humilier publiquement au théâtre. Pour l'achever, il lui prend une forte fièvre et elle est victime d'une vérole, sans doute mortelle. Cela fait en effet penser à un châtiment divin, comme pour la punir de ses méfaits. C'est là l'idée que l'on retrouve dans les tragédies classiques, et l'on ne peut que penser au Don Juan de Molière, qui brûlera en enfer pour son refus de se ranger. 

 

Le théâtre a donc une place importante dans Les Liaisons Dangereuses, de diverse façon. Il est lieu de prestige et d'échange, que la haute société se plait à fréquenter. Mais le théâtre est également abordé avec la psychologie des personnages puisqu'ils endossent eux mêmes le rôle de metteur en scène, comédien ou spectateur. L'oeuvre peut enfin être vu comme une théâtralisation du libertinage, puisqu'il s'agit de le mettre en scène. C'est en s'intéressant de plus près à la place que prend le théâtre dans le roman que le comprend le désir de C. Hampton d'en faire une représentation théâtrale en 1988.

 

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