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Les Poètes du XIXe siècle

Publié le 14/05/2011

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La poésie française du XIXe siècle a été tout d'abord un épanouissement lyrique. On appelle lyrisme l'expression passionnée des sentiments humains, et même des lieux communs universels, à travers une émotion individuelle qui les renouvelle. La poésie lyrique assure donc l'expansion d'une personnalité en même temps qu'elle capte un chant de l'âme humaine; elle est idée et sentiment à la fois. Des raisons sociales, des raisons littéraires et intellectuelles avaient tari le lyrisme français au XVIIIe siècle, jusqu'à Jean-Jacques Rousseau, et la poésie lyrique française durant le siècle entier. Des raisons du même ordre, mais inverses, vont permettre le jaillissement lyrique du XIXe

« posaient volontiers en victimes de la destinée et ils professaient la haine du bourgeois.

Ils se montrèrent en touteschoses de furieux individualistes.

Les maîtres de la poésie romantique, essentiellement lyriques, bien loin d'accepter les formes traditionnelles et lesthèmes généraux que la Renaissance avait retrouvés dans l'Antiquité et chez les Italiens, donnèrent une formeneuve aux sentiments qu'ils trouvaient en eux-mêmes et qu'ils surent élever à un degré de signification trèshumaine.

C'est donc son âme individuelle que le poète romantique a exprimée, il a rassemblé la gerbe de sesémotions personnelles : émotions de passion amoureuse et d'affection familiale, de sympathie et de pitié,d'inquiétude religieuse et d'amour divin.

Il lui a fallu, pour cela, vivre intensément, passer par toutes les épreuves,souffrir, rêver jusqu'à croire surprendre un secret, puis avouer ses souffrances en les chantant, fixer ses rêves enles cadençant — comme Lamartine, Hugo, Musset — ou bien, sans avouer ses souffrances, sans laisser à ses rêvesleur forme personnelle, les perdre — comme Vigny — dans la souffrance et le rêve de l'humanité.

Enfin le poèteromantique a disposé, comme fond à ce spectacle d'âme, la nature avec sa beauté, sa solitude et ses puissancesde consolation.

On conçoit que sensibilité et imagination aient dès lors prédominé.

Mais elles ont nourri et échaufféla raison, quine s'est trouvée nullement exclue : si Musset a prétendu déraisonner,.

ce ne fut que boutade, dirigéecontre la raison exclusive et tyrannique de certains classiques, et aussi gaminerie de jeunesse folle d'elle-même etde sa toute fraîche liberté.

Les poètes romantiques n'en sont pas restés à dire leur âme et à polir leur art; ils en sont bientôt venus, Mussetexcepté, à vouloir exprimer l'âme de leur nation et de leur foyer; ils ont prétendu devenir écho de leur temps,lumière de leurs contemporains.

Lamartine a eu souci d'élever les coeurs et de servir les grandes causes morales.Hugo et Vigny ont été plus loin, ils ont pensé que le grand poète avait une mission, le devoir de guider sa patrie oul'humanité.

Nous voilà aux antipodes de Malherbe, mais pourquoi pas ? Les poètes bibliques, Homère, Virgile, Danteavaient donné de grands enseignements, fait de larges propagandes.

Seulement la réussite, en cet ordre, a pourcondition indispensable de proposer des exemples plutôt que de donner des leçons, d'enseigner par l'action depersonnages, par le mouvement et la vie, et de ne jamais prêcher : précautions que n'ont pas toujours observéesnos poètes romantiques.

Voilà du moins dans quelle direction ils ont dépassé le lyrisme personnel et individualiste.

Les poètes romantiques ont dépassé le lyrisme individualiste par leur génie et leur art.

— a) D'abord, ils ont scrutéleur moi assez profondément pour rencontrer les régions de l'homme universel; c'est en étant personnels qu'ils ontété humains.

Un Lamartine, en criant à la nature son regret d'Elvire, signifie à l'homme sa fragilité éphémère; unHugo, quand il pleure sa fille morte, exprime la misère essentielle de l'humanité; et de plus, il pose avec force leproblème du mal en ce monde.

Ainsi le sentiment le plus personnel et l'idée la plus générale ont réalisé une admirablesynthèse.

— b) Ensuite, les poètes romantiques ont tous eu, plus ou moins, le .génie de l'image; ils ont rendu lesentiment et l'idée sensibles à l'imagination : ils ont donc orienté leur art vers l'expression symbolique, et de là versl'expression épique.

Victor Hugo et Alfred de Vigny ont réalisé par le symbole — dans Moïse, par exemple, et dans leSatyre — une poésie impersonnelle et d'ample généralité humaine.

«— c) Enfin Hugo a créé un type de poèmephilosophique, seul capable d'adapter à l'époque moderne l'antique genre de l'épopée. L'épopée est un récit brillant et transfigurateur d'exploits et d'aventures plus légendaires qu'historiques; c'est aussila fresque largement évocatrice d'une entreprise, d'Une époque, d'un monde; c'est enfin un héroïsme humainenvironné de merveilleux.

Cette triple définition convient aussi bien à la Divine Comédie de Dante qu'à l'Iliaded'Homère.

Elle convient également à la Chanson de Roland et à toutes nos chansons de geste oubliées par M.

deMalézieu, quand il prétendait que « le Français n'a pas la tête épique ».

Chacun de nos siècles a produit des épopées; mais aucun, depuis le Moyen Age, ne nous donna le chef d'oeuvreépique.

Or, des conditions nouvelles et favorables se sont présentées au /lie.

— a) La Révolution, en détruisant lasociété mondaine, interrompit les traditions de la littérature psychologique.

— b) La Révolution et les guerres' del'Empire arrachèrent la jeunesse aux livres, éveillèrent jusqu'au fond des collèges l'imagination libre, recréèrent de lanaïveté dans les jeunes âmes.

— c) La poésie simple et puissante de la Bible remplaça en partie les modèles usés del'Antiquité classique, et des publications populaires remirent à la mode notre poésie épique du moyen âge.

- d) Il nerestait plus qu'à régler la difficulté du merveilleux; c'est Hugo qui le fit sous l'influence du lyrisme, car il substitua aumerveilleux périmé, qui avait été la cause principale de l'échec des Martyrs, un merveilleux philosophique et moral.

—e) Aussi la Légende des Siècles est-elle un poème incontestablement épique, auquel ne manque, pour constituerune épopée proprement dite, que l'unité d'un héros central et une longue continuité de récit.

Lyrique, symbolique ou épique, la poésie romantique n'a pu prendre son essor décisif qu'en transformant le versfrançais dans son vocabulaire et dans son rythme, pour l'arracher à la langue toute logique et idéologique du XVIIIesiècle, pour mettre sa forme en harmonie avec sa matière et distinguer la poésie de la prose par une musique desmots.

Ce fut l'oeuvre de Hugo, plus que de Lamartine et de Musset.

Le Romantisme poétique, à le considérer dans son ensemble, a donc été une vaste entreprise de libération.

Commetout mouvement révolutionnaire, il n'a pas craint d'aller jusqu'aux excès.

C'est pourquoi une réaction devait se. »

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