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Les Points Communs De Figaro Et Beaumarchais

Publié le 16/10/2010

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figaro

 

Beaumarchais revendique dans ses œuvres le droit de dénoncer les abus de son temps grâce à la comédie. Il a notamment déclaré : « Les vices et les abus, voilà ce qui ne change point, mais se déguise en mille formes sous le masque des mœurs dominantes. Leur arracher ce masque et les montrer à découvert, telle est la noble tâche de l’homme qui se vous au théâtre. «

Ses personnages sont riches et complexes. Tout est ambigu chez eux : leur identité, leur discours, leurs sentiments. De plus, d’une pièce à l’autre, ils se complexifient. Figaro, simple valet et complice du comte Almaviva dans le Barbier de Séville, devient son adversaire dans le mariage de Figaro. 

Il  choisit dans ses œuvres de façonner ce personnage à son image. Omniprésent, il est le porte parole de l’auteur qui lui crée une vie pleine d’activité et expose sa déception ou sa colère à travers ce valet, pourtant intelligent malgré ce statut. Figaro vient d’ailleurs de « Fi-caron «, voulant dire « fils de Caron «, nom d’origine de Beaumarchais. Il est le pilier des pièces de Beaumarchais et perpétue sa renommée en incarnant la gaieté derrière laquelle se cache une intelligence incontestable.

Nous verrons donc que Figaro semble être le double de Beaumarchais sur deux plans : Dans ses actes, et dans ce qu’il pense et revendique.

 

     Entre emplois variés et conquêtes amoureuses, la vie de Beaumarchais, tout comme celle du héros de sa trilogie théâtrale, a été rocambolesque. Dans son monologue, Figaro se qualifie d’ailleurs d’ « un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre ; maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune ! ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux… avec délices !orateur selon le danger ; poète par délassement ; musicien par occasion ; amoureux par folles bouffées «     (V, 3, Le Mariage de Figaro)

     Nous pouvons dire qu’il y a chez Figaro du Beaumarchais, comme chez Beaumarchais du Figaro. Lorsque Figaro rencontre le Comte Almaviva (I, 2, Le Barbier de Séville), nous apprenons qu’il a exercé plusieurs métiers : il a d’abord été serviteur du Comte Almaviva, en effet, il dit être « assez heureux pour retrouver son ancien maître « (I,2, Le Barbier de Séville). Ensuite, « le ministre (…) [le] fit nommer sur-le-champ garçon apothicaire «. (I, 2, Le Barbier de Séville). Il a également été barbier à Séville, d’ailleurs, Bartholo le salue dans le Barbier de Séville, acte III, scène 5, en lui disant «  Ah, entrez monsieur le barbier. «. Beaumarchais a aussi mené une vie intense : en 1753, il est horloger du Roi. Sept ans plus tard, il devient professeur de musique. Il a également endossé tour à tour le costume d’homme d’affaires, d’agent secret et de valet de Louis XV ou de la marquise de Pompadour.

     La vie de ces deux hommes a été rythmée par des conquêtes amoureuses. Dans Le Mariage de Figaro, Figaro est un personnage amoureux. Pendant son monologue (I,2), Figaro dresse un portrait élogieux de Suzanne : « La charmante fille ! toujours riante, verdissante, pleine de gaieté, d’esprit, d’amour et de délices ! «. Dans son célèbre monologue, acte V scène 3, il croit que Suzanne l’a trahit et vit un amour déçu. Beaumarchais a lui aussi un fort pouvoir de séduction. Il s’est marié trois fois ; en 1756 avec Madeleine-Catherine Aubertin ; en 1768 avec Geneviève-Madeleine Wattebled et en 1786 avec Marie-Thérèse Willermaulaz.

     Comme Beaumarchais, Figaro a connu un procès. Dans les années 1770, Beaumarchais a été en procès contre le Comte de la Blache ; entre les scènes 12 et 15 de l’acte III du Mariage de Figaro, Figaro a son procès. Il s’agit du procès inventé par Marceline pour se faire épouser de Figaro, elle prétend donc que Figaro lui ait promis le mariage en échange de l’argent qu’elle lui a prêté. Le Comte espère que, grâce à Marceline, le mariage de cette dernière ait lieu, et pas celui de Suzanne. Ainsi, Beaumarchais règle les comptes qu’il a eus avec la justice.

     La gaieté et l’intelligence sont aussi deux noms qui peuvent qualifier Figaro et Beaumarchais. Marcelline dit que Figaro n’est « jamais fâché, toujours en belle humeur, donnant le présent à la joie « (I,4, Le Mariage de Figaro) ; Suzanne le dit avec amour : « J’aime ta joie, parce qu’elle est folle ; elle annonce que tu es heureux. « (IV,1, Le Mariage de Figaro) ; Figaro le confie avec poésie : « Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir , comme j’en sortirai sans le vouloir, je l’ai jonchée d’autant de fleurs que ma gaieté me l’a permis. « (V, 3, Le Mariage de Figaro). La gaieté est un des souhaits de Beaumarchais pour sa pièce ; il veut rire des maîtres, des valets, de la société…Figaro, comme Beaumarchais atteint son but en utilisant gaieté et intelligence, en effet, Figaro tient tête à son maître grâce à ces « armes « et Beaumarchais les utilise pour devenir noble et son propre maître.  La parole est également une arme très appréciée de Figaro ; en cela aussi, il est le double de Beaumarchais. Figaro, dans Le Barbier de Séville, utilise le langage tantôt de façon  poétique – lorsqu’il compose son ariette à l’acte I scène 2 du Barbier de Séville-, polémique, satirique, comique. C’est aussi un orateur éblouissant dans Le Mariage de Figaro où il fait face au Comte, aux juges. Il utilise la rhétorique, comme dans son monologue : «  Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante !... nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ?... « (V,3). En fait pour Beaumarchais et Figaro, parler n’est pas uniquement utilitaire, mais se révèle être un plaisir en soi, un vertige où l’intelligence joue d’elle-même.

     Comme Figaro, Beaumarchais est « maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune ! « et comme lui, il aurait pu dire « j’ai tout vu, tout fait, tout usé « (V, 3, Le Mariage de Figaro). En fait, Figaro n’est ni un valet ni un serviteur, mais plutôt quelqu’un qui se met au service d’autrui.

 

     Figaro est aussi un Beaumarchais au niveau artistique. En effet, les deux hommes ont fait carrière dans l’écriture et dans la musique où ils ont connu le succès mais aussi les échecs et la censure.

     L’écriture et le théâtre rapproche Figaro de Beaumarchais. Dès sa première apparition acte I, scène 2 du Barbier de Séville, Figaro est un auteur : il écrit sa chanson et dit avoir voulu « essayer de nouveau [ses] talents littéraires, et le théâtre [lui] parut un champs d’honneur… «. En effet,  Figaro est à plusieurs reprises un homme de théâtre, il mène l’intrigue et représente le dramaturge sur scène. Il devient même metteur en scène à deux reprises dans Le Barbier de Séville ; par exemple, acte I, scène 4, quand il définit le rôle du Comte et l’entraîne à le jouer : « Présentez-vous chez le docteur en habit de cavalier, avec un billet de logement «, « Pas mal, en vérité ; vos jambes seulement un peu plus avinées. (d’un ton plus ivre) «.

     La musique rapproche les deux hommes. Au début du Barbier de Séville, Figaro chante et écrit son ariette. Beaumarchais a, quant à lui, était professeur de musique de la fille de Louis XV, il a aussi écrit des opéras.

     Mais les deux dramaturges ont connu censure et échecs. Acte I, scène 2 du Barbier de Séville, Figaro confie au Comte : « quand on a rapporté au ministre que je faisais assez joliment des bouquets à Chloris, que j’envoyais des énigmes aux journaux, qu’il courait des madrigaux de ma façon ; en un mot, quand il a su que j’étais imprimé tout vif, il a pris la chose au tragique, et m’a fait ôter mon emploi, sous prétexte que l’amour des lettres est incompatible avec l’esprit des affaires. «. Beaumarchais a également connu la censure avec ses pièces, bien qu’elles lui aient, tout de même, valu un grand succès. La censure n’a pas été la seule difficulté dans la carrière dramatique de Figaro et de Beaumarchais ; ils ont aussi connu l’échec. Figaro avec son opéra : « En vérité, je ne sais comment je n’eus pas le plus grand succès, car j’avais rempli le parterre des plus excellents travailleurs ; des mains… comme des battoirs ! « (I,2, Le Barbier de Séville) ; Beaumarchais avec son premier drame Eugénie. Ainsi, Beaumarchais exprime sa déception à travers Figaro.

 

Derrière son aspect théâtral, Figaro est comme Beaumarchais un révolté, il n’hésite pas à bousculer les relations maitre-valet et combat pour la justice et l’égalité. Dans « le mariage de Figaro «, il est aussi un personnage qui veut faire une satire de sa société contemporaine et refleter ainsi les opinions et l’ experience personnelle de son créateur, par exemple avec la citation « Noblesse, fortune, un rang, des places tout cela rend si fier « qui critique l’ancien régime est la supériorité des gens de haut rang, ou encore « Un envoyé de je ne sais où se plaint que j" offense dans mes vers «, qui dénonce la censure. Tous ces éléments de satire reflètent ce que Beaumarchais a du endurer pour que cette pièce soit jouée, puisqu’ils ont chacun connu des échecs artistiques. On peut retrouver l’exposition de cette déception dans le monologue de figaro avec « je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille, on me supprime, et me voilà derechef sans emploi! « pour critiquer la censure abusive et « O bizarre suite d'événements! Comment cela m'est-il arrivé? Pourquoi ces choses et non pas d'autres? Qui les a fixées sur ma tête? «. Beaumarchais veut ici dénoncer à travers Figaro l’inégalité entre les hommes selon leur classe sociale.

Figaro fait remarqué que la malhonnêteté est récompensée : il ne gagne bien sa vie que quand il fait un métier malhonnête : banquier du pharaon.Sa réussite sociale est liée à la malhonnêteté, en effet, lorsqu'il fut banquier du pharaon, il put être introduit dans des salons mondains :" je me fais banquier du pharaon : alors bonne gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison... "La malhonnêteté et le réussite sociale sont étroitement liées.

Figaro comme Beaumarchais doit jongler entre ses origines et son ascension sociale. 

 

Bien qu’il critique la noblesse, il aimerait cependant en faire partie : Figaro est intelligent comme son créateur, qui fait partie des Lumières. Il brille par son éloquence et sa répartie et n’hésite pas à faire entendre sa voix dans les débats car comme vu précédemment, il se veut au service des autres et de l’harmonie et se révolte contre son maitre et les institutions mises en place par la société. Il est conseiller du Comte Almaviva dans le Barbier de Séville et bien vite, le spectateur réalise que l’intelligence de ce valet est supérieure à celle du maître.

Des aphorismes permettent à Beaumarchais de s’exprimer a travers Figaro : 

« Sans liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur «

« Boire sans soif et faire l’amour en tout temps, il n’y a que ça qui nous distingue des autres bêtes «

« Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur «

« Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer «

« Les femmes sont comme les girouettes, quand elles se fixent, elles se rouillent «

 

Dans les paroles de Figaro, Beaumarchais frôle la censure. Dans l’acte I scène 2 du Barbier de Séville, Il accuse ceux qui se liguent contre son projet.Beaumarchais dit qu'on attaque une pièce pour sa plus ou moins grande appréciation par la cabale et fait un tableau du théâtre. « Voyant à Madrid que la république des lettres était celle des loups, toujours armés les uns contre les autres, et que, livrés au mépris où ce risible acharnement les conduit, tous les insectes,(…)et tout ce qui s'attache à la peau des malheureux gens de lettres, achevait de déchiqueter et sucer le peu de substance qui leur restait; fatigué d'écrire, ennuyé de moi, dégoûté des autres, abîmé de dettes et léger d'argent ; à la fin convaincu que l'utile revenu du rasoir est préférable aux vains honneurs de la plume, j'ai quitté Madrid; et, mon bagage en sautoir, (…) me moquant des sots, bravant les méchants ; riant de ma misère, et faisant la barbe à tout le monde, vous me voyez enfin établi dans Séville, et prêt à servir de nouveau Votre Excellence en tout ce qu'il lui plaira de m'ordonner. «Il a ici une forme d'autodérision et se moque des artifices utilisés par les hommes de théâtre.

 

Figaro peut donc être qualifié de double de Beaumarchais. En effet, ils ont tous deux fait une carrière dramatique accentué de conquêtes amoureuses, d‘échecs…  Comme Beaumarchais, Figaro vaut mieux que la réputation qu’il traîne. A la fois moqueur et charmeur, homme du peuple et privilégié, il interprète, à la scène, les idées des philosophes. Il est très représentatif de son époque. C’est tantôt un homme d’affaires peu scrupuleux, tantôt un homme d’action courageux maniant le verbe comme l’épée. Enfin, nous pouvons dire que Beaumarchais ne ridiculise pas Figaro, contrairement à d’autres personnages de ses pièces ; peut être pour ne pas se ridiculiser lui-même. Il ne fait aucun doute que Beaumarchais tient sa revanche sociale à travers ce personnage haut en couleurs.

 

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