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La politique peut-elle échapper au mythe ?

Publié le 13/02/2004

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A partir du chapitre V du Traité politique, Spinoza entreprend de décrire « ce qui est le meilleur pour un Etat «, c’est-à-dire ce qui le rend le plus indépendant, le plus libre. Cette description ne se fait pas en termes généraux mais particuliers : elle rend compte de la plupart des rouages de l’Etat le meilleur. 

« A./ Les exemples de mythes employés par Platon semblent vieillis, mais en réalité les mythes sont très présentsdans la vie politique contemporaine.

Avec la montée des nationalismes aux XIXe et XXe siècle on a vu se développerun grand nombre de récits pseudo-historiques visant à expliquer l'origine des peuples, et de leurs soi-disant traits decaractère.

Ainsi les Français auraient hérité des Gaulois leur caractère dissident et bagarreur.

Ce n'est qu'unereconstruction mythique, puisque les Gaulois occupaient tout autant le territoire de l'actuelle Belgique que celui deFrance, et l'on ne voit pas pourquoi ces traits se seraient transmis d'un coté de la frontière actuelle et de l'autrenon.

Or, ce genre de mythes modernes utilisant les moyens de la propagande et visant à faire appel aux passionsdes populations plutôt qu'à leur rationalité peut avoir pour effet non d'assurer l'unité des communautés, mais aucontraire leur éclatement.

En effet, lorsque ce sont ces passions qui sont excitées chez les individus, ils ontd'autant plus de penchant à tenir pour réelles et naturelles des distinctions (par exemple entre populations, sexesou classes) qui ne sont que des distinctions culturelles et historiques, et donc à considérer que la communautéhumaine sur laquelle doivent régner les dirigeants politiques doit se débarrasser de tous ce qui n'a pas la mêmeorigine mythique qu'eux.B./ Ainsi, bien loin de favoriser l'union de la communauté, le mythe, en tant que récit fictionnel des origines, asouvent eu, historiquement, des effets de désunion.

En outre, en en appelant aux passions, on ne peut faire quemaintenir les populations sur lesquelles on gouverne dans la servitude, et non leur permettre d'être libres.

Commel'écrit Spinoza dans la préface du Traité théologico-politique « le grand secret du régime monarchique et son intérêt vital consistent à tromper les hommes, en travestissant du nom de religion la crainte dont on veut les tenir enbride ; de sorte qu'ils combattent pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut.

» En effet, en excitant lacrainte chez un individu, on peut alors lui offrir un salut sous la forme que l'on souhaite, et c'est là l'origine de lasuperstition.

Celle prend la forme de mythes religieux à l'époque de Spinoza, mais peut aussi prendre celle de mythesnationalistes tels que ceux que l'on a déjà décrits.

A l'aide de ces mythes superstitieux on contraint le jugementdes individus et on lui fait admettre jusqu'à ce qui va contre son intérêt.

« La liberté générale, de toute évidence,n'admet point que le jugement individuel soit assiégé de préjugés, ni soumis à une contrainte quelconque.

» Lapolitique, si elle définie comme gouvernement d'une communauté par elle-même, et non par des dirigeants qui lamaintiennent dans un état de servitude, ne peut donc admettre l'usage superstitieux des mythes dans le but defaire respecter les lois.C./ Mais Spinoza n'est pas aveugle à la réalité et sait bien qu'on ne peut attendre des hommes qu'ils soient tousrationnels et suivent les lois en sachant qu'elles visent le bien commun : il se défend au début du Traité politique de faire une doctrine politique « qui soit destinée au pays d'Utopie » dans lequel tout individu faisant passer le biencommun avant son bien privé il n'y aurait même pas besoin d'activité politique.

Seulement, si les hommes ne secomportent pas rationnellement, on peut les forcer à agir comme tel par le biais de la loi et de la contrainte et desincitations qui lui sont associées.

Pour éviter que les juges soient corrompus, il faut appeler à leur avidité plutôt qu'àleur moralité, et s'assurer qu'ils soient bien payés et que les amendes pour corruptions soient faramineuses : ainsiles juges auront tout intérêt à faire par passion ce qui est rationnel, c'est-à-dire être incorruptibles et impartiales.Voilà pourquoi et comment on peut dire, avec Spinoza, que « la fin de l'Etat est en réalité la liberté » : l'appareil del'Etat, s'il n'est pas soumis à la superstition et à la servitude, peut nous amener à être libres, ou du moins à nouscomporter rationnellement comme si nous l'étions.

Il n'y a donc pas de place pour un rôle pratique du mythe enpolitique, sinon dans des régimes de servitude : mais notre intérêt devrait nous conseiller à tous de les éviter.

Laphrase du §1 du Traité politique indique en outre qu'il faut étudier théoriquement la politique en considérant les hommes tels qu'ils sont, et non tels qu'ils devraient être.

Il n'y a donc pas de place non plus pour des mythes qui,par la fiction, pourraient décrire l'activité politique : seule l'expérience du réel et l'activité rationnelle le peuvent.

Pourtant, que fait Spinoza dans la suite de son Traité politique ? Une description complète d'un Etat fictionnel, dans lequel ses principes politiques sont appliqués.

Il semble que l'activité politique ne puisse se passer d'unedimension imaginaire.

Pourquoi ? Cela donne-t-il un rôle au mythe ? Si oui, lequel ? III./ Le mythe utopique : application d'une théorie et critique de la réalité.

A./ A partir du chapitre V du Traité politique , Spinoza entreprend de décrire « ce qui est le meilleur pour un Etat », c'est-à-dire ce qui le rend le plus indépendant, le plus libre.

Cette description ne se fait pas en termes générauxmais particuliers : elle rend compte de la plupart des rouages de l'Etat le meilleur.

Or un tel Etat n'existe pas dans laréalité : c'est une œuvre fictionnelle.

Tous les auteurs qui traitent de politique de manière théorique passent par detelles fictions.

En effet, il leur faut montrer que leurs principes, bien loin d'être simplement des termes générauxn'ayant aucune réalité peuvent très bien être réalisés par un Etat existant.

Cela tient à la nature même de lapolitique, qui est une activité, une pratique, et donc ne prend place que dans des situations concrètes,particulières.

Si l'Etat qui doit réaliser ces principes d'action politique n'existe pas, il faut alors l'imaginer, afin demontrer qu'il n'a rien de contradictoire.

On retrouve alors une forme de mythe qu'est l'utopie, qui décrit une sociétéqui n'est « nulle part » mais pourrait exister.

On peut ainsi dire qu'il y a une forme de mythe solidaire de l'activitépolitique qu'est l'utopie.B./ Mais lorsque Spinoza crée cette fiction, elle a aussi pour visée de critiquer ce qui existe, en montrant l'écartentre l'Etat selon des principes démocratiques et les Etats réels.

L'utopie est toujours accompagnée d'une dimensionde critique de la réalité.

En ce sens, cette forme de mythe est l'inverse de celle employée par Platon : elle nelégitime pas la réalité politique, mais montre que la réalité politique n'est pas légitime.

Elle montre ainsi que la réalitéactuelle n'est pas une fatalité dont il faudrait se contenter, mais permet une comparaison qui montre ce qui manqueaux régimes existants et que d'autres régimes sont possibles.C./ Cette dimension critique de l'utopie se retrouve particulièrement dans un type de mythe politique qu'est lacontre-utopie.

1984 , le roman de G.

Orwell, décrit ainsi une société complètement totalitaire où les individus sont suffisamment manipulés pour ne pas remettre en cause ce pouvoir politique qui envahit aussi bien le public que le. »

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