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LES POLITIQUES DE PROTECTION SOCIALE EN FRANCE DEPUIS LES ANNEES 1990 (Economie)

Publié le 05/12/2010

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INTRODUCTION

 

Tout salarié tire son revenu de la vente de son travail. 

Mais que faire lorsque la vieillesse, la maladie ou le chômage l’empêche de vendre sa force de travail ? 

C’est là qu’intervient la protection Sociale qui se définit comme l’ensemble des mécanismes de prévoyance collective qui permettent aux individus ou aux ménages français de faire face financièrement aux conséquences des risques sociaux, c'est-à-dire aux situations pouvant provoquer une baisse des ressources ou une hausse des dépenses tels que la maladie, la vieillesse, l’exclusion, l’invalidité ou le chômage.

C’est Bismarck qui dote le premier à la fin du XIXe siècle l’empire allemand d’un système de protection sociale, système dont s’inspirera la France au XXe siècle. Le système bismarckien a pour but de compenser la perte de revenu et d’avoir accès aux pensions après avoir cotisé en fonction de son revenu. Le système de protection sociale français repose sur les cotisations des travailleurs appelés les actifs qui financent le budget des prestations sociales redistribuées.

Néanmoins, à l’aube des années 1990, les politiques de protection sociale qui sont les prérogatives de ce qu’on appelle « l’Etat Providence « sont confrontés à de nouvelles données socio-économiques qui remettent en cause sa pérennité.

En effet, la conjoncture économique en récession provoque une brutale montée du taux de chômage qui s’envole pour atteindre son point culminant en 1996 avec 12,4% alors qu’il n’était que de 9,5% en 1991. 

 A cela s’ajoute un phénomène démographique lié à la pyramide des âges (le papy-boom) qui voit le vieillissement de la population s’accélérer et met en péril l’équilibre Actifs-Inactifs assurant notamment le financement des retraites.

Le déficit de la Sécurité Sociale est alors abyssal et le gouvernement français ne peut compter sur une croissance forte pour le résoudre, il va falloir que l’Etat apprenne à maitriser ses dépenses sociales.

En 1992, le traité de Maastricht s’inscrit dans la continuité d’une construction européenne où l’Europe devient de plus en plus interventionniste vis-à-vis de ses états membres. La signature de celui-ci va obliger le gouvernement français à contrôler son déficit public( y compris celui de la Sécurité Sociale ) et à surveiller la croissance de ses dépenses sociales. L’ensemble des facteurs socio-économiques décrits et l’engagement européen amène donc à se poser la question suivante : 

Dans quelle mesure des données socio-économiques nouvelles et la construction européenne ont depuis les années 1990 obligé l’Etat français à réformer un système de protection sociale déficitaire afin de préserver le rôle de l’Etat Providence ?

 

I. Un contexte socio-économique nouveau qui chamboule l’équilibre social : 

 

A. La mondialisation et l’Europe provoque la fin du modèle keynésien :

 

Après 1992-1993, il a fallu intégrer les réductions des dépenses sociales dans la stratégie de la dépense publique et des déficits publics afin de  respecter les critères de Maastricht. L’engagement pris à l’égard de la monnaie unique conduit à la mise en place de réformes sectorielles dans la branche chômage en 199, la branche retraites en 1993 et la branche maladie en 1995.

Le processus de Maastricht a considérablement aidé, au moins dans les discours à imposer des réformes qui n’auraient sans cela pas paru envisageables. Ce traité peut être considéré comme le catalyseur de la naissance d’un nouvel « Etat Providence « français. 

En effet, comme le démontre Fritz Scharpf « les critères de Maastricht d’adhésion à l’Union monétaire ont pratiquement éliminé le recours à la politique de déficit budgétaire en tant que moyen d’action ; la réalisation de l’Union monétaire a fait complètement échappé au contrôle de ses Etats membres la politique monétaire et la politique des taux de change qui appartiennent désormais à la Banque Centrale Européenne. «

En conséquence, il est beaucoup plus difficile d’accroître les cotisations sociales pour résoudre les déficits, puisque aucune compensation ne peut plus être opérée par un ajustement du taux de change permettant de maintenir à un niveau compétitif les prix des produits nationaux. 

Désormais, les gouvernements essaient d’abaisser le niveau des prestations sociales au lieu d’augmenter les contributions sociales.

Autre phénomène auquel se heurte « l’Etat Providence «, la Mondialisation, synonyme de libéralisation des échanges. 

Les anciennes politiques sociales d’inspiration « keynésienne «qui visait à augmenter les prestations sociales et ainsi la consommation (politique de la demande) se voient fragiliser par le risque que ce surplus de demande intérieure générée par l’Etat profite aux importations étrangères davantage qu’aux produits nationaux. Du coup, l’emploi serait fragilisé et les risques de créer du chômage augmentés.

Cette concurrence mondialisée pose aussi le problème du « dumping social « où les pays émergents constituent une menace d’abaissement de la protection sociale des pays riches.

C’est dans ce contexte-là que « l’Etat Providence français «, au début des années 1990 traverse une crise structurelle qu’il va devoir résoudre sous peine de disparaître à moyen terme.

 

B. La crise de « l’Etat Providence « , détonateur du mouvement réformateur :

 

Pour l’historien français Pierre Rosanvallon, l’Etat Providence en France traverse une triple crise :

_ Tout d’abord, une crise financière ; en effet la fin de la forte croissance des Trente Glorieuses provoque la prise en charge sociale et économique des victimes de la récession et accroît les dépenses de l’Etat.

_ Il subit également une crise d’efficacité ; l’Etat ne parvient plus à résoudre les problèmes socio-économiques. Le chômage augmente et le poids des prélèvements sociaux empêchent la création d’emplois.

_  On parle également de crise de légitimité. L’opacité des dépenses publiques suscite des interrogations quant à l’utilisation de la solidarité nationale.  « L’Etat Providence « est face à la question de sa limite sociale dans une société où les baisses d’impôts sont désormais mieux accueillies que les politiques sociales.

Jusqu’à 1996, 80% de la protection sociale était financé par les cotisations sociales. Le niveau élevé des cotisations aurait un impact négatif sur la compétitivité économique du pays et serait responsable du taux de chômage élevé. Le coût des charges sociales entrave la création d’emplois en raison de leur impact direct sur le coût de la main d’œuvre peu qualifiée. La question du poids des charges sociales est donc devenue un élément central du débat français.

Les principales réformes des années 1990 jusqu’à nos jours vont être axées sur des principes d’orthodoxie budgétaire, sur la recherche de compétitivité des produits nationaux (Economie de l’Offre), mais vont aussi réduire les droits sociaux des travailleurs salariés.

Ces réformes néo-libérales impliquent des évolutions profondes de la protection sociale et des principes qui fondent la Sécurité Sociale.

On assiste de la part de tous les gouvernements (sans distinction de couleur politique) à un changement de discours et d’objectifs politiques : au lieu de vouloir seulement rendre sa viabilité au système de protection sociale, l’Etat veut le transformer.

La refondation idéologique de « l’Etat Providence « français semble donc inéluctable et amène les autorités à mettre en place de multiples réformes pour faire face à ce système à bout de souffle.

 

II- Politiques réformatrices pour restructurer un système obsolète   Après les causes relatées dans notre première partie, nous allons observer à présent les réformes des programmes sociaux français destinées à les adapter à un nouvel environnement économique et social. Voyons tout d’abord la question des assurances pour sauver la protection sociale.

 A’)La réforme des Assurances pour sauver le système : 

  Il est intéressant de dégager 3 thèmes de restructuration : - les retraites - la maladie - le chômage  Retraites :

=> En 1993, le gouvernement Balladur va réformer le système de retraites du régime général, celui qui régit les pensions des salariés du secteur privé. Cela va par exemple donner lieu à l’augmentation du nombre d’années nécessaire pour recevoir une retraite complète, ou dans le même domaine, l’augmentation très importante de la période servant au calcul du salaire de référence ; elle passe des 10 aux 25 meilleures années.

Cette action politique aura donc des répercutions sur l’âge de départ en retraite et sur les retraites elles mêmes.   => En 2003 maintenant, c’est le gouvernement Raffarin qui complète cette réforme, en alignant les conditions du secteur public sur celles du secteur privé. A partir de 2008, les fonctionnaires seront donc dans la même logique que les salariés du privé. A la même occasion, le PERP, Plan d’Epargne Retraite Populaire va être instauré ; cela permet actuellement aux salariés du privé d’avoir l’option d’un plan personnel de capitalisation.  Maladie : Des 1970 et 1980 de nombreux plans de sauvetage de la Sécurité Sociale sont mis en place, mais cela n’empêche pas pour autant la croissance inéluctable des soins de santé.

 C’est pourquoi à partir de 1990, le gouvernement décide d’inciter les professions médicales, les caisses d’assurance maladie et l’Etat à passer des conventions dans l’optique de maîtriser la croissance continue des coûts. Ces conventions visent à fixer un budget limité par professions, en fixant un objectif à l’évolution des dépenses de santé.  =>La Contribution Sociale Généralisée, CSG, récoltée par l’URSSAF, et a été décidée par le gouvernement de Michel Rocard, elle est entrée en vigueur en  1991 dans le but de diversifier le financement de la sécurité sociale. Cette idée va s’avérer payante, car la CSG est actuellement le premier impôt français avec en 2006 pas moins de 76milliards d’Euros de recette.

  => Lionel Jospin et son gouvernement vont instaurer en 2000 la CMU, Couverture Maladie Universelle, permettant l'accès aux soins, le remboursement des soins, prestations et médicaments à toute personne résidant en France et qui n’est pas déjà couverte par un autre régime obligatoire d’assurance maladie. Ce dispositif a remplacé la couverture "carte santé".

 =>L’été 2004 voir apparaitre une nouvelle réforme destinée à sauver le système d’assurances santé qui est mise sur pieds par Philippe Douste Blazy : elle consiste logiquement à augmenter les recettes tout en diminuant les remboursements, elle accorde aussi un rôle plus important aux assurances complémentaires privées. Mais, là ou le changement est le plus notable, c’est dans la volonté de modifier le comportement des médecins et des patients avec l’introduction du médecin traitant. Pour conclure cette réforme de 2004 fait apparaître un nouvel « homme fort «, nommé par l’Etat ; le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie.

 Cependant, les nouveaux instruments élaborés au début des années 90, comme les conventions médicales et les possibles sanctions de l’Etat ne suffisent pas à freiner la montée des dépenses de santé. 

 

Chômage : 

Le système d’assurance chômage est réformé en 1992, à l’issue d’un accord entre la CFDT et le CNPF (organisation patronale devenue le MEDEF). Cette réforme va entrainer le remplacement des différentes formules d’allocation chômage par l’allocation unique dégressive (AUD). Cette nouvelle prestation d’assurance chômage n’est accordée que durant une période limitée, en fonction des cotisations versées antérieurement. Le montant de l’aide diminue au fil du temps, et la fin des droits intervient au bout de 30 mois. Ensuite, les chômeurs doivent avoir recours à des allocutions financées par les impôts et soumises à condition de ressources.

Au vu de cela, sachant que l’AUD assure des allocations plus faibles pendant une période plus courte, les prestations de revenu minimum jouent de plus en plus le rôle de filet de sécurité pour les chômeurs de longue durée.   L’ensemble de ces réformes ont été crées dans le but de sauver le système, mais pas de le démanteler. C’est en cela qu’elles s’inscrivent toujours dans la logique traditionnelle. Malgré cela l’opinion publique a tendance à percevoir ces réformes davantage comme des manœuvres politiques que comme des réformes à part entière...

  B’) Dynamiser l’emploi pour relancer le cercle vertueux

  Apres avoir vu les diverses réformes des assurances, voyons à présent comment les pouvoirs publics ont pu jouer sur le niveau économique pour pallier les déficits sociaux. 

Au vu du nombre croissant de sans-emploi, jeunes ou chômeurs de longue durée, de nouvelles allocations ont été crées ou des prestations qui étaient auparavant secondaires se sont développés. Parmi ces nouveautés, la plus importante est surement le Revenu Minimum d’Insertion. Ce dispositif non contributif est destiné aux personnes disposant d’un revenu réduit ou très réduit a été mis en place en décembre 1988. Sa caractéristique principale consiste à garantir aux personnes d’au moins 25ans un revenu minimum de ressources. En plus de cela, le RMI est doté d’un volet réinsertion, sous forme d’un contrat entre le bénéficiaire et la société.

Aujourd’hui, il a été remplacé par le Revenu de Solidarité Active, mais les conditions restent identiques. Le RSA apporte en plus : - apporte une incitation financière aux personnes sans ressource qui reprennent un emploi (le RSA garantit à quelqu'un qui reprend un travail que ses revenus augmentent) ; - complète les ressources des personnes dont l'activité professionnelle ne leur apporte que des revenus limités. 

Comme les mesures que nous venons de détailler, « la prime à l’emploi « va se placer dans cette dynamique de retour à l’emploi. Ceci va consister en un impôt négatif pour les personnes faiblement rémunérées. C’est Lionel Jospin qui va l’instaurer en 2001. 

 

Nous pouvons remarquer également cette tendance visant à favoriser l’activité, dans les assurances sociales.   => En effet, en 2000, les partenaires sociaux signent un nouvel accord jouant sur l’assurance chômage : elle élimine la dégressivité de l’allocution d’indemnisation du chômage (ex-AUD) au profit d’une allocution de recherche d’emploi, l’ARE. ET puis elle crée aussi un nouveau contrat individualisé pour chaque demandeur d’emploi qui prévoit un plan d’accompagnement dans la recherche d’emploi.   => Il est intéressant de souligner aussi la cas du CPE: c’est un contrat de travail à durée indéterminée, à destination des moins de 26 ans (prévu par l'article 8 de la loi pour l’égalité des chances). La vive opposition et la contestation d'une partie de la population, ont fait reculer le pouvoir exécutif. Publiée au journal officiel le 2 avril 2006 avec la promesse de Jacques Chirac que des modifications seront effectuées, un projet de loi présenté par le Premier Ministre du 10 Avril 2006 propose de le retirer et de le remplacer par un dispositif visant à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes en difficulté. Le reste de la loi pour l’égalité des chances a été conservé. Ce qui nous montre que la volonté des gouvernements n’est pas toujours en adéquation avec le sentiment de l’opinion publique.

 

CONCLUSION

 

La crise financière de l’Etat Providence imposait inévitablement des réformes massives pour préserver  un système en déficit croissant. 

Les réformes entreprises ont certes permis de solidifier partiellement le pacte social français mais n’ont en aucun cas garanti totalement son avenir.

En effet, depuis les années 1990, le mouvement réformateur que subissent les politiques de protection sociale n’est peut être qu’un  début. 

Plusieurs données socio-économiques et démographiques laissent à penser que les difficultés vont continuer de s’accroître dans un futur proche. Le vieillissement de la population va continuer de s’aggraver et poser le problème du financement des retraites. Les faibles taux de croissance des pays riches ainsi que 

la mondialisation toujours plus concurrentielle des pays émergents risquent de fragiliser l’emploi national. Une montée du taux de chômage et le développement de la précarité pourraient résulter de cette tendance.

 

La solution à ces menaces qui planent sur la sauvegarde de notre système de protection sociale doit être la construction d’une « Europe Sociale « réclamée depuis longtemps par l’opinion publique. Celle-ci viendrait garantir aux générations futures que la précarité, le chômage, la maladie ou la vieillesse ne seront pas synonymes d’exclusion dans la France du  XXIe siècle.

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