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La preuve est-elle plus forte que le préjugé ?

Publié le 22/02/2012

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Le terme préjugé est souvent employé dans un sens péjoratif, pour dénoncer l'erreur ou au moins l'absence de réflexion qui conduit un individu à adhérer à une idée fausse (dont il n'a pas pris la peine de contrôler le bien-fondé) voire à la défendre contre des idées justes, ou à condamner des individus au nom de cette idée. Une preuve peut se définir comme étant une démarche , une procédure qui amène l'esprit à admettre la vérité d'une affirmation tandis qu'un préjugé est considéré comme un fait admis sans pour autant être fondé . Face à ces définitions, il semble qu'on ne peut que s'incliner devant une preuve. Elle est le fruit d'un raisonnement, d'une instruction et de recherches, tandis que le préjugé ne s'appuie sur rien, si ce n'est de vagues impressions qui n'ont pas la solidité des fondements de la preuve. Or, bien souvent, une preuve présentée reste impuissante devant un préjugé malgré sa force démonstrative , alors même qu'elle semblerait la plus apte à le combattre, elle qui se définit comme un jugement réfléchi appuyé sur un raisonnement cohérent ou sur une vérification expérimentale. La preuve ne semble donc pas avoir toujours une efficacité réelle contre le préjugé car on s'accroche à nos préjugés, ils sont tenaces. Doit-on en conclure qu'une preuve est inefficace face à un préjugé ? Le problème n'est pas ici de savoir si la preuve est supérieure au préjugé, mais si elle peut détruire les préjugés en comprenant leurs mécanismes ou bien si elle reste impuissante face à eux. Est-ce qu'une preuve ne peut-elle pas éliminer un préjugé ? Peut-elle pourtant rester inefficace face à un préjugé ? A quel niveau une preuve aura-t-elle alors un pouvoir contre un préjugé ?

« Prouver, c'est avant tout donc non seulement argumenter, c'est avant tout tester une hypothèse à partird'arguments solides.

On peut en effet chercher à se justifier mais se justifier n'est pas démontrer.

L'opinion ditsouvent : « il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ».

Celui qui a des préjugés et qui resteenfermé dans ses préjugés, fait souvent preuve de mauvaise foi.

Il s'en tient au discours, mais son vouloir est sanseffectivité, il n'est pas ouvert au dialogue, à la discussion .

Il s'enferme sur lui-même.

La preuve au contrairesuppose cette ouverture, cette acceptation de la critique, cette soumission de l'hypothèse à la démonstration.Bachelard précise que ce qui caractérise la pensée scientifique par rapport aux préjugés, c'est non seulement lesens du problème, la distance critique, mais c'est surtout ce travail de vérification d'hypothèse dans le cadre d'uneexpérience.

La preuve scientifique s'appuie elle-même, comme toute preuve, sur un dialogue entre la raisonscientifique et l'expérience.

Nous l'avons dit, une preuve est par définition un issue d'un raisonnement, d'unedémonstration qui fait d'elle une vérité semblant irréfutable.

Mais dans certains cas, face à un préjugé, elle devientsans pouvoir. Pourquoi devant une preuve, restons-nous fidèles à notre préjugé ? Souvent, ce qui explique qu'on se laissepersuader par un préjugé, c'est que ce préjugé se présente dans le cadre d'une argumentation rigoureuse mais quin'en est pas moins trompeuse.

Ainsi, Protagoras use lui aussi de la dialectique, de la démonstration tout en n'étantpas persuadé que le discours puisse atteindre la vérité.

Ce n'est pas le fond du discours qui est important, mais lamanière dont les choses sont dîtes.

Protagoras est l'inventeur de la méthode sophistique : il prend la liberté dedémontrer des choses contradictoires avec le même brio.

C'est un virtuose.

« Il tient ses auditeurs sous le charmese sa voix comme un nouvel Orphée » (Jacqueline de Romilly).

On a parfois le sentiment de pouvoir adhérer à unraisonnement malgré nous, non par parce que les arguments nous auraient convaincu mais parce que nous nousserions laissés toucher par les figures de style de l'orateur.

Ainsi, Rousseau fait la distinction dans le Contrat Socialentre un bon et un mauvais législateur.

Le mauvais sait bien parler mais ses discours vont toucher les citoyens entant que particuliers.

Son souci sera d'être reconnu, d'être élu.

Son discours n'incarnera pas l'intérêt commun ; Lavérité d'un discours ne se fonde pas uniquement sur la cohérence de la démonstration.

Il nous faut donc distinguerdeux formes de types de vérité.

Une vérité formelle, logique, fondée sur des critères internes à l'esprit (par exempleles vérités mathématiques) mais aussi une vérité de fait, matérielle qui est fondée sur un souci d'adéquation, soucide conformité du discours aux choses, de l'esprit au réel.

Si la preuve a une capacité de conviction supérieure aupréjugé, c'est non seulement parce qu'elle s'appuie sur un raisonnement rigoureux.

C'est surtout parce qu'ellemobilise des arguments qui nous confrontent à la réalité.

Si la preuve a le bénéfice de nous confronter à la réalité, ilest aussi vrai que souvent cette vérité nous ne voulons pas la voir en face.

Nous nous laissons nous aliéner par lespréjugés ; nous nous contentons d'une apparence de rationalité. Le préjugé renvoie donc à un mauvais usage de la raison, à une raison mal éduquée.

Comme l'a montré Descartes, lagravité du préjugé tient au fait qu'il engage la liberté du sujet.

Avoir des préjugés, c'est être asservi, être soumis àla pensée d'autrui.

Kant, dans son texte Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée? , fait une distinction entre deuxétats : la minorité et la majorité.

Le mineur, c'est celui qui ne s'assume pas, qui laisse penser les autres à sa place.Le majeur, c'est celui qui est autonome, responsable de ses actes, qui sait se conduire lui-même.

Il se trouve quecette étape de minorité n'est pas une fatalité.

Si les hommes s'enferment dans leurs préjugés, c'est parce qu'ils leveulent bien.

Ils sont responsables de leur état ; Kant distingue deux types de cause : des causes externes, commepar exemple les tuteurs, ces faux majeurs qui les maintiennent dans un état d'infantilisme et qui cherchent à lesdominer pour se faire reconnaître.

Mais il y a également des causes internes : la paresse et la lâcheté.

Le préjugéest en fait le symptôme d'une certaine passivité.

Les individus ont peur de se risquer, d'échouer.

Ils manquent decourage.

Or, pour Kant, tous les hommes sont capables de se libérer des préjugés, à condition qu'ils le veulent bien,ce qui signifie que cette libération suppose une décision volontaire de la part des individus.

La volonté suffit-ellepour dissiper les préjugés ? On peut montrer que quand on le veut bien, on peut être à la fois convaincu par les preuves mais aussi touché parla manière dont les choses sont dites.

Si on peut convaincre parfois sans persuader, ce qui serait une certainefaiblesse, de la preuve, on peut être aussi touché, agréer sans convaincre.

Il s'agirait en fait de distinguer différentsdegrés du discours.

Face à un discours, on peut dire « oui » et ne rien faire ; on peut aussi dire « non » et agir.Cette réflexion sur la preuve et le préjugé nous amène en fait à distinguer deux types d'évidence : l'évidenceraisonnable et l'évidence affective.

Ce qui caractérise l'évidence affective, c'est qu'elle est persuade en plaisant.Celui qui fait le choix de l'évidence raisonnable fait d'une certaine manière un sacrifice coûteux dans la mesure où ilva renoncer à l'intérêt immédiat.

La raison a raison par définition mais il y a des domaines dans lesquels les risquessont presque nuls (par exemple les mathématiques).

En revanche, en ce qui concerne la morale, il ne s'agit passimplement d'avoir raison, il s'agir d'avoir plus que raison parce qu'il s'agit avant tout de faire, d'agir.

Les moralistesont bien compris qu'il fallait parfois passionner la raison, lui faire faire des contours inavouables, rusés pour pouvoirobtenir le bien.

La raison se doit non seulement de convaincre mais aussi de persuader parce que l'enjeu est unevéritable conversion : se donner les moyens de faire en sorte que la connaissance de la vérité puisse transformernotre conduite.

Tout commence par la volonté, sinon l'évidence raisonnable reste sans force. Ainsi, l'efficacité d'une preuve à combattre un préjugé est remise en question par ses propres limites.

Pour qu'une. »

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